Chapter 15

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Je scrute la carte, pleine d'hésitations. Tout a l'air bon dans ce resto. J'en salive d'avance ! C'est peut-être parce que j'ai rien avalé depuis des heures, mais franchement, j'ai envie de tout goûter.

– Sherlock ?

– Oui je suis déjà venu. Plusieurs fois. Je prends souvent la même chose.

Je ne m'étonne même pas qu'il puisse répondre à mes questions avant que je ne les lui pose. Est-ce un signe de déséquilibre mental ou, au contraire, une preuve que nous sommes sur la même longueur d'ondes, malgré notre rencontre assez récente ?

– Qu'est-ce que vous prenez, d'ordinaire ? j'insiste.

– Vous voulez deviner ?

Ce que je devine surtout, c'est son sourire tandis que je dissimule le mien derrière mon menu.

– J'ai un autre jeu pour vous. Je choisis votre plat et je vous garantis de manger celui que vous me prendrez.

– Vous aimez jouer avec le feu, n'est-ce pas ? plaisante-t-il.

– J'adore ça...

Le serveur prend nos commandes. Si mon séduisant colocataire choisit "comme d'habitude", je montre discrètement sur la carte ce que je désire. Pendant que nous patientons, le même serveur nous pose une bouteille d'eau gazeuse sur la table ainsi que deux verres. Mon regard perplexe soutire un nouveau ricanement de Sherlock.

– Je me suis permis de prendre les devants, je sais que vous ne buvez pas souvent. Et puis, avec la morphine que vous avez ingurgitée avant de partir, c'est plus prudent.

– Qu'est-ce que vous ne savez pas sur moi, au juste ? dis-je amère, Ce serait plus simple.

– Ce qui est arrivé à votre jambe.

Il dit ça en me fixant intensément. On dirait qu'il m'accuse de lui cacher quelque chose.

– Vous l'avez déjà dit, je rétorque,je ne souffre plus. Cette canne me sert juste à me défendre.

– Mais elle vous a servi par le passé. Depuis si longtemps que c'est devenu une seconde nature pour vous de la prendre partout où vous vous rendez. Elle date sans nul doute de votre accident de voiture, étant enfant.

– Exact, dis-je posément. On a cru que je ne marcherai plus comme avant, mais j'ai prouvé le contraire.

– Votre jambe semble plus lourde que l'autre quand vous la posez, néanmoins. Vous ne me dites pas tout.

– Je... Je n'aime pas en parler ouvertement.

Malgré moi, je laisse le malaise s'installer. Il ne dit rien, il ne s'excuse pas non plus. Cependant, le détective ne tient pas à lancer un nouveau sujet de conversation. J'aimerais lui raconter, d'autant qu'il est sur la bonne piste ! C'est difficile d'admettre, face à une personne que vous estimez, que vous avez vécu une période de grande faiblesse. Lui avouer, pour moi ce serait faire tomber un pan de mon image : celle qui reste un tant soit peu respectable.

– Sherlock...

– N'en parlons plus. Ce n'est rien.

– J'ai envie que vous sachiez. Réellement envie. Seulement, c'est difficile pour moi d'aborder ce passé là. De plus, cela pourrait changer votre opinion sur moi.

– Je vous estime beaucoup. Je ne vois pas pourquoi cela changerait en évoquant votre enfance.

– Parce que l'attitude des gens change quand ils le savent.

– Les gens sont stupides.

– De plus, je ne sais pas par où commencer ! je me défends.

– Par le début.

Une colocataire irascibleDonde viven las historias. Descúbrelo ahora