Chapter 97

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Bonjour/Bons...

**évite la tomate qui vient de voler à deux centimètres de sa tête**

D'accord, vous m'en voulez, j'ai compris... On se retrouve à la fin, d'accord ?


Je suis debout, en pyjama, les pieds nus, mon colocataire dans le dos et la canne à la main. Ah, oui, j'oublie le plus important : deux femmes qui me tiennent en joue avec chacune une arme.

Si je m'enfuis, elles tirent et je suis convaincue qu'on me toucherait. Sans compter qu'une balle mal placée pourrait se loger dans le corps de mon cohabitant. De toute manière, je n'ai jamais eu ce tempérament : je ne fuis pas le danger, je l'affronte. J'ai même plutôt tendance à chercher les gens pour qu'on finisse par me frapper. Non, c'est faux, j'ai encore un côté un peu lâche.

— Avancez ! M'ordonne la plus âgée, un postillon s'échant inélégamment sur le plancher.

J'amorce mon entrée dans la pièce, mais Sherlock, bien que docile, objecte déjà.

— Vous l'écoutez ?

— Ça reste ma tante, Sherlock, j'ai le respect de mes aînés... Plus sérieusement, où voulez-vous que j'aille ? Je doute qu'on puisse descendre prendre un thé et discuter de tout cela calmement.

— Silence ! Persifle Grace qui pointe son arme sur moi.

— Ça fait quoi de donner les ordres, pour changer ? Je lui demande sur le même ton.

— Ça vous intéresse ? Rétorque-t-elle.

— Non, je n'en ai strictement plus rien à faire de vous, mais c'était histoire de faire la conversation.

— Ça suffit, tempère Jude.

J'assiste à un bien drôle de tableau. Dans ma chambre, le lit à ma gauche est à peine défait, à ma droite, mon colocataire, auquel on a demandé de garder une distance respectable de moi, comme s'il pouvait utiliser mon contact comme une arme... Attendez ? Il pourrait ? En fait, je pense ne pas vraiment vouloir connaître la réponse.

Face à moi, Grace me fixe d'un œil mauvais et fou, un rictus de haine sur le visage, le doigt sur la détente, prête à me tirer dessus dès qu'elle le pourra. Quant à Jude, juste à la gauche de mon assistante, elle tient Sherlock en joue ; elle sait que je serai bien plus obéissante si c'est pour préserver une tierce personne, car je ne me soucie que très peu de mon propre corps. Je crois que je tiens ça de ma mère et de son sens du sacrifice.

Je contiens ma colère, serrant la poignée de ma canne comme pour y déverser tout ce que je ressens. Aux pieds de mes assaillantes, le prototype de C.H.E.S.S. que j'ai négligemment laissé là lorsque l'on cherchait des films de Klaus à regarder. Elles ont ce qu'elles voulaient, fatalement, c'est tout ce qu'elles voulaient.

Mais je ne comprends pas...

— Je peux savoir ce que vous fichez ici ? Je m'énerve contre l'assistante.

— J'ai toujours été cachée ici, personne n'a jamais pensé à vérifier. Je dors sur le sofa, dans la chambre de Jude, depuis une dizaine de jours. J'ai bien emprunté de temps en temps la salle de bain de cette chambre quand vous ne l'occupiez pas, mais vous commenciez à y venir trop souvent.

L'image de la salle de bain embuée quelque temps avant me revient en mémoire. Ainsi donc, cette femme vivait dans le manoir depuis presque deux semaines et personne n'avait rien vu. Je comprends aussi pourquoi Jude insistait tant pour manger dans sa chambre, prétextant qu'elle ne voulait pas me voir. En réalité, elle alimentait une autre personne.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now