Chapter 25

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– On a été fait par la même mère il me semble, je m'impatiente, alors comment se fait-il que tu aies deux pieds gauches ?

– Arrête ! râle mon cadet. C'est nouveau pour moi !

– Tu as eu des cours de danse aussi, Leif. Pas beaucoup, mais...

– Pas avec une handicapée comme cavalière, me lance-t-il sur le même ton cinglant.

– Et encore, là on est sans musique, je rétorque. Je ne te brusque pas encore.

– Si ça te plaît pas, Hak, je te laisse tomber.

Plusieurs jours se sont écoulés depuis l'événement de l'enveloppe. Puisque l'histoire s'est tassée, j'ai laissé couler. De toute façon, j'avais déjà bien d'autres préoccupations immédiates qui ne me donnaient pas le loisir de me tracasser sur d'autres mystères, encore moins de me soucier d'un potentiel cousin revenu d'entre les morts.

Comme la soirée du 23 novembre qui approche à grands pas ! Ça, c'est accaparant, comme activité. Tant de choses à préparer, de personnes à impressionner... 

Nous étions tellement pris par notre dispute mon frère et moi, que nous n'avons pas entendu les garçons rentrer dans l'appartement. Nous voilà donc tous à nous regarder, tous les quatre, avec des airs hébétés : John regarde les meubles que nous avons bougé de place, Sherlock observe minutieusement les postures absurdes que nous avons adoptées, moi et Leif, dont les joues rosissent sous la gêne occasionnée.

– On a interrompu quelque chose ? demande le médecin amusé.

Je reprends toute contenance sans rien dire de plus. Non par embarras, mais surtout parce que je n'ai aucune envie de répondre à cette question aussi grotesque que ma position il y a un instant. Je commence à remettre le fauteuil de mon colocataire en place, ainsi que celui de son compagnon.

– Tiens, John, te voilà revenu ! je lance comme si de rien était. Comment était la Nouvelle-Zélande ? Instructif ?

Comment retourner le sarcasme à son avantage en une leçon. Selens un point, Watson zéro.

– Hakan doit ouvrir le bal pour la soirée que Selens Incorporation a organisé, explique Leif en s'affalant sur le sofa.

– Vous n'aviez pas eu des cours de danse dans votre jeunesse ? me fait remarquer Sherlock.

Ce n'est pas la conversation que j'ai eue avec mon cadet qui le met sur la piste : il a vu les preuves en vidéo. Mon colocataire est même ravi d'avoir la confirmation que j'adorais ces moments où chacun de mes mouvements prenait vie. Ces cours me faisaient me sentir légère, je ne sentais plus mes prothèses, aucune douleur... Je n'ai jamais sombré dans la dépendance de la morphine, grâce à ces cours. Un moment de paradis où on me surprenait à rire. Et dans la bouche de Sherlock, cela perd de sa magie. Il l'exprime comme d'un détail dont il se fiche éperdument. Soit, j'ai pas le temps pour ces enfantillages dans l'immédiat.

– Oui, je réponds. Néanmoins, je n'ai jamais dansé en public qu'avec Klaus. Il me faut un nouveau cavalier... Ne serait-ce que pour un tour.

– Et bien sûr, se plaint mon frère, il fallait que ce soit moi.

– Si tu crois que c'est une partie de plaisir pour moi... je commence.

– Tu ne devrais pas trouver un cavalier d'abord ? m'interrompt John (visiblement hilare par l'animation qui règne dans la pièce)

Je finis par remettre la table du salon à sa place, mais le détective la tire de quelques centimètres vers lui. Il tatillonne sur tout, ma parole ! Je la replace comme je l'avais fait juste avant, mais il me corrige à nouveau. Il me lance un regard dénué de toute envie de plaisanter. Je cède pour cette fois.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now