Chapter 23

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Une semaine de labeur et je suis déjà bouffée par Selens Incorporation. Je pensais avoir ma cousine à mes côtés pour me soutenir, mais elle est restée plus longtemps que prévu sur Bruxelles. Je n'imaginais pas vraiment que je perdrais mes marques.

Difficile d'agir comme la personne inébranlable que je prétends être une fois seule dans cet immense bureau. M'asseoir dans le fauteuil de feu mon père ne me sied guère et je sombre un long moment dans la nostalgie de notre clan au complet tout en tournant sur moi-même dans le grand fauteuil de cuir. Décidément, je n'ai pas mûri.

Grace a tout fait pour me motiver un peu quand je me suis rendue sur place le premier jour. Les plus anciens employés qui m'ont connue jeune m'ont même saluée avec autant de chaleur que possible, sans que je ne puisse la leur rendre.

Tu m'as donné un cœur froid papa, même toi, tu pouvais paraître aimable en te forçant un peu. Ils t'appréciaient tant pour cela. Comment puis-je prétendre un seul instant pouvoir interpréter ce même rôle ?

Je tourne une fois sur moi-même avec le siège à nouveau, m'arrêtant d'un coup sec en calant ma canne dans le pied du bureau. Mon assistante revient avec une mine un peu plus détendue que lors de la réunion qui vient de se dérouler il y a une heure. Et pour cause ! J'ai improvisé d'un bout à l'autre devant des clients très importants. Et après ?

Certes, ce n'est probablement pas la façon habituelle de faire les choses, je le sais bien ! Bon sang, je le sais ! Hakan Selens... Hakan ! Ce nom devrait déjà leur faire comprendre que ce n'est plus Lawrence qui contrôle tout ici, désormais.

Votre idée semble avoir séduit une partie du pouvoir organisateur, me dit Grace en entrant dans un français qui trahit son accent.

On avait pas dit qu'on devait se tutoyer ? 

Je n'y arriverai pas, pour tout vous dire.

Alors poursuivons nos conversations en anglais jusqu'à ce que vous fassiez des efforts.

Décidément, je vais être réduite à des « miss Selens » et des courbettes jusqu'à la fin de ma carrière.

– Oui, miss Selens.

Qu'est-ce que je disais ?

– Navrant, je murmure en effectuant un nouveau tour de chaise.

– Vous vouliez me voir personnellement ? me questionne alors la brune.

– Exact, assieds-toi s'il te plaît.

Il est temps de crever l'abcès avec elle et, j'espère, enterrer ce sentiment de malaise qui l'anime dès qu'elle nous fréquente.

– Je tiens à parler et aplanir deux ou trois petites choses avant le retour d'Elizabeth, tu veux bien ?

– Oui, bien sûr.

– D'abord, on va redéfinir un peu tes obligations ici. C'est vrai que ma cousine t'a imposée à moi et je l'accepte pleinement, mais sous certaines conditions. Premièrement, débarquer au sein de mon domicile pour me communiquer des informations d'ordre professionnel, comme tu l'as déjà de nombreuses fois cette semaine, c'est non. Tu as travaillé avec Klaus, non ? Vous faisiez comme ça aussi, il me semble. Il ne ramenait jamais le travail à la maison.

– Oui, miss Selens.

– Donc, entraîne-toi. Deuxièmement, ce genre de réunion que tu prends de ta propre initiative, c'est non. D'autant plus que si je dois suivre des cours prochainement avec la plus grande assiduité, je ne pourrais pas...

– Vous ne voulez plus que je gère votre agenda ? s'offusque-t-elle.

– Bien sûr que si, je la réconforte. Toutefois, demande-moi mon avis. Quand je serai fixée sur mon emploi du temps au sein de l'école, nous y travaillerons ensemble. J'ai prévu de suivre le programme de cours du soir, mais je ne sais pas encore précisément ce que cela implique.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now