Chapter 13

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J'étais sur le point de faire demi-tour et de m'enfuir lâchement. Heureusement ou malheureusement (biffez la mention que vous choisirez inutile), un des quatre molosses sort de l'auditoire et m'appelle. Quand mon nom retentit, certaines personnes tournent vers moi médusés. Évidemment, certains du milieu devaient forcément savoir qui je suis. Alors je me précipite pour entrer. Ils sont là, tout les quatre avec leur sourire carnassier, leur regard sévère. Pourtant, je ne me laisse pas intimider. Papa m'a appris, la sage petite fille met en pratique. Diantre qu'il serait fier de moi, à cet instant.

– Votre nom ? demande l'homme au centre.

C'est une plaisanterie ? Ils viennent de m'appeler par mon nom il y a une seconde à peine !

– Selens. Hakan V. Selens, dira-t-on.

Ils se regardent et acquiescent en silence. C'est certain, ils savent qui je suis, ma réputation me précède souvent quand on parle de la fille de Lawrence Selens. Oh non ! Y en a un qui a un regard plein de pitié : il fixe ma canne. J'ai envie de la lui flanquer en pleine face pour qu'il cesse de contempler ma jambe. Calme-toi Hakan, pas de méchanceté gratuite, du moins pas tout de suite.

– Nous n'avez pas eu le temps de vous apprêter ? demande la dame.

– Si, bien sûr, et vous ?

L'homme le plus jeune toussote pour étouffer un rire, mon interlocutrice me fixe, outrée. Très bien, entrée fracassante, j'ai la certitude d'avoir l'attention que je mérite et je peux commencer à parler.

– Je vous l'accorde, je ne suis pas présentable. Cependant...

J'aurais aimé dire « c'est ma force de persuasion qu'on juge, pas mon look d'adolescente en quête de popularité, bordel ! », mais je me suis ravisée.

– Cependant, mes aptitudes pallient aisément à mon manque de tenue.

Ils me font tous le même geste de la tête : celui de m'avancer davantage. Merde, ma jambe gauche flageole, je ne pensais même pas que c'était possible ! Je pensais pouvoir faire fi du stress, c'était sans compter cette faiblesse physique.

En plus, il y a quand même pas mal de gens dehors, je sais qu'ils sont très occupés par leur propre présentation, mais je suis persuadée qu'une partie du public va lorgner sur ma gestuelle.

– Miss Selens, reprend la dame, Qu'est-ce qui vous motive à rejoindre notre programme ?

J'hésite l'espace d'un instant. J'avais préparé cette question maintes et maintes fois, mais je ne veux plus enjoliver mes envies sous de belles paroles. Je le savais que je ne pourrai pas faire face à cet évènement seule. C'est pour ça que j'avais besoin des deux seules personnes qui me soutiennent dans la vie. J'observe la fenêtre une nouvelle fois, moi qui pensait être abandonnée de mes proches, je remarque une paire d'yeux que j'ai dévoré trop souvent. Sherlock est là, il me voit et m'observe : il me met à nu, carrément ! D'ordinaire, je me sentirais mal à l'aise à être épiée de cette façon, toutefois sa présence inattendue m'apaise. Ça y est, je retrouve un peu de ma hargne. Je suis prête maintenant.

La bataille commence. Ils veulent de l'authentique, quelque chose de vrai ? Ils vont être servis.

– À voir votre mine déconfite en entendant mon nom, vous n'êtes pas sans savoir qui je suis et, par conséquent, que je suis tout récemment à la tête de l'entreprise familiale Selens Incorporation. Il est vrai que feu mon père m'a parfaitement préparée à assumer ce rôle, épaulée de mon regretté cousin que vous avez compté parmi vos élèves.

– Klaus Reisman, confirme l'homme le plus mûr pour le moins âgé.

– Je vous ai autorisé à me couper ? je tranche.

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now