Chapter 44.5

828 91 113
                                    

Puisque vous avez l'air d'aimer les points de vue selon Sherlock, je vous en ai créé un nouveau.

Et... Quelque chose me dit que vous attendiez ce qui va suivre ! :D

Je ne vous en dis pas plus... ;)


Malgré toute mon attention, j'ai fini par perdre la trace de ma colocataire. Il faut dire qu'elle a tout fait pour échapper à mon emprise le reste de la soirée. Entre les multiples conversations assommantes avec les autres invités, les quelques danses accordées à d'autres et tous ces défis mesquins lancés au sein de la fratrie, le commun des mortels s'y perdraient.

Nous nous retrouvons seuls dans la grande salle, Molly, Lestrade et le cadet des Selens. Nous sommes quatre corps perdus dans l'espace vidé de ce monde qui l'emplissait il y a pourtant quelques heures. Selon le frère de Hakan, c'est maintenant que les choses deviennent intéressantes pour eux, quand ils disposent librement de cet espace.

Alors, à quoi sert cette pièce en temps normal ? Je suis plus que tenté de venir vérifier par moi-même, à l'occasion. Hakan n'apprécierait pas : elle m'a déjà dit qu'elle me fréquentait déjà suffisamment que pour me supporter sur son lieu de travail. Chez elle, c'est une formulation pour dire qu'elle ne veut pas me voir passer la porte de l'entreprise sans son consentement. En fait, la jeune femme est aussi pudique avec sa société qu'elle ne l'est avec elle-même. C'est tout à fait intéressant.

Et voilà, je me perds encore dans ce genre de réflexion absurde. L'alcool altérant mes sens, je l'évite autant que possible. Aussi peu en ai-je consommé, cela joue tout de même un rôle. Je ne suis pas sobre, mais contrairement à la majorité de tous les gens qui ont quitté les lieux ce soir, je ne suis pas saoul. Je pourrais même prétendre être le plus sain d'esprit parmi tous ceux qui restent. Quoique... Ah non, je vois le pauvre Leif chanceler un peu : il a visiblement bravé l'autorité de sa sœur aînée.

— Où sont passées les organisatrices de la soirée ? J'interroge soudain la dernière figure d'autorité présente du clan Selens.

— On se détend, commence-t-il d'emblée. Hakan ne risque rien. Victor surveille encore, il ne partira pas tant que nous serons encore là.

— Vous trouvez que vous répondez à ma question, présentement ? Je maugrée.

L'alcool dote le jeune homme d'une outrecuidance qui ne lui va pas du tout. Sans compter que sa réflexion est des plus déplacées. Hakan le réprimanderait, si elle était là.

— J'ai peut-être pas envie de vous répondre, me nargue-t-il. Si ça tombe, elle est déjà sur le chemin du retour et vous ne l'avez même pas vue...

— Hakan finit toujours par échapper au contrôle des autres, m'explique Molly comme si la gamine qu'elle a gardé il y a plus de dix ans n'avait jamais évolué.

Soudain, j'entends une porte claquer dans mon dos. Si je me fie à mon jugement, qui est rarement erroné en dépit des circonstances, une porte menant à un fumoir extérieur. Il me semblait pourtant que tous les invités étaient partis. Dans mon champ périphérique, je retrouve alors des volants roses : Elizabeth Reisman. De fait, étant fumeuse, elle a dû s'éclipser pour se détendre un peu.

Ik zei toch dat ze waren zonder ons verloren !* Se moque la blonde en entrant, suivie par Hakan.

Ja. Ze zien eruit als puppy's zonder ketting !** Renchérit Hakan en riant.

Dans sa main, une bouteille de whisky... Non, de bourbon. Elle déjà plus qu'entamée. Ses yeux se posent sur nous, puis elle se met à rire. Parfaitement, à rire. Normalement, Hakan ne rit pas, elle ricane.

— Vous savez que je comprends ! S'énerve le jeune Selens. C'est pas sympa de vous jouer de nous comme ça !

Quand ma partenaire s'approche de moi, je sens facilement les effluves qui émanent d'elle : elle s'est enivrée. Beaucoup. Pourtant, elle semble passer facilement de l'anglais au néerlandais sans peine. Je suis certain qu'elle pourrait se lancer dans une conversation en français juste après sans le moindre souci... Mais c'est inscrit en elle ! Elle parle ces trois langues depuis sa plus tendre enfance. Si je lui demandais de se concentrer sur autre chose, une tâche plus complexe, comment réagirait-elle ?

Une autre odeur a imprégné le tissu de la robe que j'ai offerte à la dirigeante de Selens Incorporation.

— Vous avez fumé ? Je l'interroge d'emblée.

— Elle pense que personne ne le sait, me confirme Leif.

— C'est bon, ça arrive deux fois par an ! Se défend Hakan avec véhémence.

Elle se tourne vers moi, me pointant du doigt et en essayant de paraître menaçante.

— Je sais parfaitement me gérer seule, feule-t-elle. Pas besoin de protection !

Chose à laquelle je m'attendais, Molly réagit comme la nourrice qu'elle était à l'époque. S'être replongée dans le passé fait ressortir ses vieux réflexes.

— Hakan, tu n'es plus tout à fait toi-même, commence la légiste d'une voix maternelle. Tu t'emportes pour rien et...

Quand ma colocataire l'entend, je perçois le changement dans son regard. La colère change son visage entièrement. Je ne savais ce que signifiait un regard noir avant de la rencontrer. Ses yeux si clairs, je pourrais jurer qu'ils s'assombrissent quand elle se rebiffe.

Voilà exactement pourquoi Hakan Selens ne peut pas vivre seule !

— Je sais parfaitement dans quel état je suis, persiffle-t-elle à l'intention de Molly. Cela ne m'empêche pas d'être lucide.

— Je n'ai pas voulu dire... essaye de rétorquer la brune.

— On parie ? Vous voulez que je vous prouve à tous que je vais bien ? Parfaitement bien ?

— Ça peut s'arranger, finit pas annoncer Elizabeth. Il y a toujours le paquet que tu as reçu la semaine dernière...

Dans les yeux de ma colocataire, je crois apercevoir une étincelle. Et là, je comprends que j'aime la combativité de cette jeune femme, sa fragilité retranchée dans un coffre-fort froid et sarcastique. Tout à coup, je souhaiterais atteindre les sentiments qui la submergent, mais qu'elle dissimule en permanence. Je voudrais qu'elle soit aussi naturelle à mon encontre qu'elle ne peut l'être avec son cadet, ou d'autres membres de sa famille. En réalité, j'ai envie d'atteindre le cœur de Hakan Selens.

Et je viens de saisir cela à l'instant.

▬▬▬▬▬▬▬▬

* Traduction du néerlandais : « Je t'ai dit qu'ils étaient perdus sans nous ! » 
** Traduction du néerlandais : « Oui. Ils ressemblent à des chiots sans collier ! » 

* & ** Note de l'auteur : Étant donné que je le comprends plus que je ne le parle, il est possible que mon néerlandais d'origine soit complètement rouillé. Pardonnez les fautes éventuelles, je le ferai corriger au moment venu. 

Une colocataire irascibleWhere stories live. Discover now