Chapitre 5 : Danse

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Je ne me souvenais pas m'être endormie. À moitié dans les vapes, la douceur des draps en satin me donnait encore l'impression d'être dans un rêve.

À travers la fenêtre, les arbres semblaient se recroqueviller sur eux-mêmes, sûrement à cause du voile obscure de la nuit. L'ambiance pourtant chaleureuse et amicale de cet après-midi avait disparu, et avec elle, le peu de bonne humeur qu'il me restait. Seuls le froid et l'angoisse hantaient les lieux désormais. Il faut dire que la journée avait été plutôt mouvementée et me retrouver aussi loin de ma mère m'inquiétait. J'aurais bien aimé chercher Hélène dans la pièce voisine, me blottir bien au chaud dans ses bras pour oublier le manque de ma mère, mais mon affreux mal de crâne me clouait au lit. Cette douleur aux tempes m'était insupportable, comme si un pivert s'amusait à taper inlassablement sur ma boîte crânienne.

Sentant la crise d'angoisse arriver, je me ruai hors du lit et ouvris brusquement la fenêtre. Une brise fraîche fouetta mon visage, ramenant quelques mèches de cheveux sur ma bouche que je crachais aussitôt. La douleur avait légèrement diminué, mais elle était encore désagréable.

Là. Respire et ferme les yeux.

L'odeur de la terre battue me redonna du baume au cœur pendant quelques minutes. Au loin, j'aperçus un majestueux lac où se reflétait la lumière de la lune. J'arquai les sourcils pendant un instant, persuadée d'avoir manqué ce beau paysage plus tôt. Tel un automate, je sautai par la fenêtre et atterris agilement sur mes deux pieds. La douleur, qui reprit soudainement, m'empêcha de me réjouir de mon exploit, je venais tout de même de sauter du dernier étage. 

Dans un état second, à la croisé des rêves et de la réalité, je m'approchai du lac accompagnée du son du vent et des animaux nocturnes. Je me recroquevillai sur moi-même contre un sapin gigantesque et mis mon visage entre mes genoux, priant pour que cette douleur disparaisse. J'attendis donc en haletant et gémissant comme un ogre, impatiente qu'un miracle se produise, comme toutes les fois précédentes. J'avais complètement oublié à Hélène de lui demander mes médicaments, quelle idiote !

Avant que je décide de me jeter dans le lac froid pour me revigorer, une main chaude se posa délicatement sur ma tête. La surprise fit d'abord tressauter mes épaules, mais mon manque de force m'empêcha de me retourner. Je remarquai en revanche que mon mal de tête s'était évaporé, comme par magie. Voilà probablement les mains magiques que j'attendais depuis mon plus jeune âge.

À la place de cette douleur lancinante, de légers picotements me chatouillaient le genou. Je profitai donc de ce moment de répit et repris une respiration convenable. Affronter le regard de celui qui m'avait vu dans un état aussi pitoyable m'inquiétait quelque peu. Sa main était toujours sur mon crâne, et je craignais sa disparition ainsi que la promesse de tranquillité qui l'accompagnait.

— Comment t'as fait ? demandai-je à l'inconnu dans un souffle.

— Secret.

Cette voix.

Je relevai précipitamment la tête. Alec regardait le lac paisiblement, le reflet de la lune brillant dans ses yeux verts. Voir mon bourreau aussi détendu, et sa main toujours en contact avec mon crâne avait un goût amer. Je commençai à le dévisager longuement avec une seule question en tête : comment pouvait-on laisser ce malade encore en liberté ?

Il dégageait une telle présence, un tel charisme, que je me sentais minable en comparaison. Vêtu d'un simple pull et d'un jean, mon vieux t-shirt qui me servait de pyjama faisait pâle allure à côté. Il tourna la tête vers moi et me dévisagea à son tour. Ses magnifiques yeux verts étaient luisants, comme deux lucioles géantes.

— Que s'est-il passé à l'instant ? me demanda-t-il en désignant ma tête.

— J'en sais rien. C'est comme ça depuis un an maintenant. Puis, en quoi ça te concerne ? me repris-je en lui lançant un regard de travers. T'as failli me buter y a de ça quelques heures.

GOD'S RETURNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant