Chapitre 14 : Prêt ? Feu !

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Alec m'observait maintenant depuis une heure, fidèlement assis sur la branche d'un arbre, certainement son endroit préféré. À chacun de mes échecs, ses sourcils tiquaient et son torse se contractait dans un claquement de langue.

— Tu n'es pas concentrée.

Bien sûr que si !

Je te le répète encore une fois, visualise tes flammes dans ton esprit. Imagine-les s'étendre le long de tes mains. Souviens-toi des sensations de la dernière fois.

Je me concentrai de nouveau sur ma main levée et me remémorai ce moment dans le foyer des Tilion. Les flammes, cette sensation de pouvoir, ces odeurs, cette fumée étouffante ...

Cette peur qui m'avait paralysée.

— Ça ne marche pas. J'arrête, je suis épuisée, gémis-je en m'asseyant à même le sol.

Hors de question, le match est dans deux jours. Tu sais quel est ton problème ?

— Toi qui sais tout, tu dois le savoir, me moquai-je en lui lançant un regard méprisant.

— Tu es terrorisée.

Il dit cette dernière phrase en sautant d'un bond du sapin.

— Tu penses que tu ne vas pas pouvoir les éteindre, que la dernière fois tu as seulement eu de la chance, reprit-il en s'avançant. Tu es convaincue d'être un danger pour tous les étudiants du campus.

Il s'approchait désormais à pas feutrés, me tournant autour tel un prédateur. Je ne détachai pas mon regard de ses yeux verts et le laissai m'approcher, sur le qui vive.

— Qu'est-ce que tu...

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase. Alec me poussa fort à l'aide de sa main libre et mon corps partit à la renverse. Je demeurai muette au sol, pendant quelques secondes en essayant de recracher le sable que j'avais dans la bouche.

— Non mais ça va pas ? hurlai-je en me relevant. C'est quoi ton problème, sale taré ?

À peine ai-je eu le temps de me relever que de nouveau, il me poussa cette fois plus fort. Ma tête faillit heurter violemment le sol, mais je réussis à éviter l'accident en m'aidant de mes coudes qui étaient désormais complètement écorchés. Cette fois-ci je n'osai même plus me relever et l'interrogeai du regard.

— Je vais te donner une raison de réussir. Soit tu maîtrises tes flammes, soit tu crèves. Relève-toi.

Il recula d'un pas et commença à jeter au sol la montre de son poignée gauche. Le soleil avait très certainement du lui cramer le cerveau. Aucune autre explication était possible.

— Pas besoin d'aller aussi loin, fis-je en époussetant mon t-shirt, désormais sali par la poussière. C'est bon, j'ai compris, je vais m'entraîner !

— Tu n'as plus le choix.

Sur ces mots, il s'approcha à une telle vitesse que mes yeux ne purent suivre ses mouvements. Je tentai de fuir, mais je savais d'avance que je n'avais absolument aucune chance. Il saisit mon épaule et se plaça derrière moi.

Essayait-il de me faire une clé de bras ?

— Alec, ça suffit ! invectivai-je en essayant de me débattre, cette fois réellement en colère.

Trop tard. Je hurlai, à moitié agenouillée au sol. La douleur n'était pas si forte, mais l'effet de surprise, lui, était bien présent. Le visage d'Alec restait impassible, même si la couleur de ses yeux s'était légèrement assombrie. Ce regard complètement vide de chaleur, semblable à celui d'un tueur, me faisait froid dans le dos. Je pris une poignée de sable et le lui lança à la figure. Il jura tout en se frottant les yeux.

C'était ma chance pour m'échapper !

Je commençai à me relever péniblement sur mes deux jambes, tentant de retrouver Ali. Mais je ne fus pas assez rapide. Un nuage de fumée se forma devant moi et mis fin à ma course. Alec apparut aussitôt, une rage folle dans son regard. Je le regardai, désemparée, les bras ballants, en espérant qu'il arrêterait cette plaisanterie de mauvais goût.

Ma respiration n'avait jamais été aussi erratique. La chaleur n'aidait pas à rétablir mon souffle et les gouttes qui perlaient à mon front n'annonçaient rien de bon. L'entraînement m'avait complètement épuisée. Je ne pouvais tout simplement rien faire.

Je cherchai toutefois du regard les vestiaires, mais au loin j'aperçus seulement le reste du terrain complètement vide.

J'étais cernée.

Il avança d'un pas, puis deux et se planta devant moi. À nouveau, mon réflexe fut d'empoigner une poignée de sable, mais il ne tomba pas dans le même piège. Son pied écrasa ma main à une vitesse surhumaine, cette fois lorsque je poussai un cri, ma souffrance était bien réelle.

Ok, on va jouer ! lui dis-je en m'attachant les cheveux.

Comme mon père me l'avait appris, je tentai un coup de pied retourné qui toucha avec force son pectoral droit. Telle une roche, il ne bougea pas d'un millimètre et semblait maintenant amusé. Moi en revanche, je doutai que ma jambe soit toujours en bon état.

— Tu es pathétique, se moqua-t-il en secouant la tête.

Sur ses mots, il serra avec force ma cheville et monta ses bras puissants. J'étais désormais pendue par les pieds, la tête à l'envers. Je tentai de m'échapper par tous les moyens possibles, tantôt en bougeant aussi vite que possible mes jambes, te tôt en tentant de le frapper avec mes poings, mais rien n'y fit. Le sang qui me montait à la tête rendait mes coups de moins en moins puissants.

L'enfoiré avait désormais une main dans les poches, et commençait à bailler bruyamment.

Je bouillonnai de rage à l'idée de me faire humilier pour la deuxième fois de la journée. Moi qui m'était montrée tendre à son égard, il y a à peine quelques minutes. Angie avait raison, Alec était un psychopathe, un être froid, calculateur, manipulateur et sans cœur. Qu'est-ce que j'avais été idiote de me faire avoir par ses beaux yeux, lui qui s'était montré si doux envers moi cette fameuse nuit au bord du lac.

— Tes paroles n'étaient donc que mensonges ? Tu te fous de ma gueule en disant faire tout cela pour moi ? En m'assurant vouloir mon bien hors de cette prison ? demandai-je en tentant toujours de me débattre.

Ma voix était parfaitement maîtrisée, sans halètements ni tremblements. J'attendais qu'une seule chose : qu'il me contredise, qu'il m'assure être quelqu'un de bienveillant, d'avoir ne serait-ce qu'une once d'humanité, que tout cela n'était qu'une plaisanterie. Tous ces moments où j'avais eu de la compassion à son égard, où je m'étais sentis en sécurité et importante. Cela faisait bien quelques jours que je l'avais compris :  Alec était devenu un pilier dans cette nouvelle vie, une sorte de bouée de sauvetage sur laquelle je m'affalais en cas de problème.

— Je t'ai prévenue de ne faire confiance à personne. Cet avertissement s'applique à moi aussi.

Et là, tout prit sens.

Qu'est-ce qui m'avait pris de faire confiance à un type que je connaissais seulement depuis quelques semaines ? J'aurais du faire cavalier seule depuis le début et seulement compter sur moi-même.

Je ne m'étais pas rendue compte qu'Alec m'avait posé par terre. Je ne savais plus combien de temps j'étais restée allongée dans le sable chaud, les poings serrées. Mais une chose était sûre, Alec allait le payer très cher.

Je me relevai, pour la troisième fois, lentement cette fois en prenant bien le temps de détailler Alec du regard. Je plantai mes yeux dans les siens à la recherche d'une fragilité qui allait me faire changer d'avis.

Mais rien.

Alors je levai le bras, tout doucement, par peur qu'il s'enfuit avant le spectacle que je lui réservais.

— T'aimes les feux d'artifice ? Personnellement, j'adore ça.

GOD'S RETURNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant