Chapitre 16 : Le Toutou

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C'était une douce odeur de pain grillé qui eu raison de mon long sommeil. Je clignai des yeux plusieurs fois, mais un affreux mal de crâne m'empêchait de bouger à ma guise. Mes membres étaient lourds et courbaturés, comme si j'avais couru un marathon.

— Enfin Shrek !

J'ouvris brusquement les yeux, étonnée d'entendre la voix d'Angie. Mes yeux doublèrent de volume, lorsque je scrutai son regard inquiet et les énormes cernes sous ses yeux. Je tentai de me dresser sur mon oreiller, mais j'eus bien plus de mal que je ne l'aurais cru.

Comment un geste aussi simple pouvait-il être aussi douloureux ?

— Vas-y doucement, fit-il en me soutenant par l'épaule.

Je regardai autour de moi, désormais complètement éveillée et reconnus les murs blancs et immaculés de l'infirmerie. Au pied de mon lit, se trouvait un matelas ainsi qu'une couverture pliée avec soin.

— Tu as dormi ici ? lui demandai-je d'une voix cassée.

Comme moi, il fut surpris par ce pitoyable son sorti de ma gorge. C'était comme si je ne m'étais pas arrêtée de crier pendant des jours et des jours. Ma gorge me brûlait, et une énième quinte de toux attaqua mes poumons.

— Regarde moi dans les yeux. Il saisit brusquement mon menton d'une main tremblante. Je jure sur mon honneur que je vais finir par tuer Alec Walker.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu Angie aussi en colère. Je me remémorai notre parc favori en Arizona, lorsque nous avions dix ans. Un vieux au crâne dégarni m'avait demandée de le suivre en m'assurant avoir vu une licorne. J'avais pourtant refusé poliment, j'étais beaucoup trop vieille pour croire à ce genre de chose, mais il s'en fichait. Il m'avait soudainement tiré par le bras avec force. Angie avait entendu mes plaintes et était venu en courant pour m'aider. Il lui avait sauté au cou, et lui avait lacéré le visage. À l'époque, je ne m'étais pas posée de questions sur les profondes entailles qu'il avait réussi à lui infliger, alors qu'il était seulement âgé de douze ans. Je me souvenais de sa respiration hachée, son regard noir, et sa position presque animale, lorsqu'il s'était posté devant moi pour me protéger avec son corps.

Pourtant sa main tremblante, qui tressautait désagréablement sur mon menton, ne me terrifiait plus. Du moins, plus autant qu'à l'époque, certainement à cause des cadavres en putréfaction qui restaient encore dans ma mémoire : le souvenir de leurs dents acérées sur ma chaire, alors que je me noyais et dépérissais dans les abysses ... La peur et le désespoir.

— Je dois pouvoir me défendre seule et ...

— Ambre, me coupa-t-il en serrant avec force le drap. Ça suffit maintenant. C'est mal me connaître si tu penses que je te laisse te balader seule dans la nature sans protection. Cet endroit est bien plus dangereux que tu ne le penses. Je te vois entrer en classe accompagnée de tes amis, et discuter librement avec tout le monde. Qu'est-ce que tu crois ? Qu'on est en camp de vacances aux pays des bisounours ? 

— Arrête de penser que tu es le seul qui me veuille du bien ici, crachai-je en soutenant son regard noir. Pour la première fois de ma vie, j'ai rencontré des gens biens avec qui je partage énormément de points communs. Ils sont bien plus humains que tu ne le crois.

Il soutint mon regard en secouant la tête, comme si j'étais une bête de foire ou une psychopathe qu'il fallait interner.

— Regarde où tu te trouves en ce moment, cria-t-il en me montrant l'infirmerie d'un doigt accusateur. Tu trouves tes amis assez "humains" pour que l'un d'eux t'emmène ici ? Tu es restée inconsciente deux jours ! Comment vas-tu expliquer ça à ta mère ? Et comment est-ce que tu peux prendre la défense de ce type après ce qu'il t'a fait ?

GOD'S RETURNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant