Chapitre 38 : Le Bal

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Le grincement de la porte en chêne brun me donna la chair de poule. L'humidité et l'air étouffant contrastaient avec l'extérieur encore lumineux et chaud. Il y a quelques minutes à peine, je respirai à plein poumon l'odeur des sapins et la fraîcheur de la montagne. Mon nez se plissa quand des effluves de charbon et de sueur emplirent mes narines. Les yeux de Sean diminuèrent de volume, certainement pour s'adapter à l'obscurité soudaine.

Le repaire des Tilion était loin d'être similaire au château des contes de fées que ma mère me lisait tant de fois lorsque j'étais enfant. Les murs noircis par le temps, les quelques toiles d'araignées qui avaient pris naissance aux angles, sur les rebords des fenêtres et la moisissure sur le plancher croulant sous la poussière me laissaient perplexe. J'avais visité la chambre de Leith, luxueuse au plus au point, dont le lustre serti de diamants brillait tant qu'il avait failli me rendre aveugle, sans oublier la chambre d'Alec, bien plus simple et épurée, certes, mais parfaitement propre et organisée.

— Je leur ai dis un bon nombre de fois de nettoyer ce taudis, m'informa Sean en évitant une énorme toile d'araignée.

— Leith et Alec sont pourtant si soignés ...

— Leith pense que cela intimide nos invités. « Nous sommes peut-être des dieux, mais je refuse d'avoir une réputation de ménagère », voilà ce qu'il a dit lorsque Céleste a proposé d'arranger ça.

Je ris jaune.

— Il y a une différence entre un repère un peu sale et une déchetterie. On ne peut même pas marcher correctement, soufflai-je en lorgnant sur une énième moisissure au plafond.

Le couloir se rétrécit encore, jusqu'à donner sur un escalier en colimaçon. Lorsque mon pied s'appuya sur la première marche, je crus qu'elle allait céder sous mon poids. Je fis donc très attention, en prenant bien mon temps avant chacun de mes pas. Quel courage fallait-il aux invités ! Leith avait installé une véritable Épreuve.

— Dans ce cas, passez moi son numéro de suite. La ligne de train ne va pas se construire en un claquement de doigts, et vous n'avez certainement pas les moyens financiers pour un abandon du chantier, n'est-ce pas ?

Quand on parlait du loup. Sean entra le premier, en lorgnant quelques minutes sur ma bouche crispée. Je me détendis en soufflant un bon coup, puis le suivis comme un bon toutou. Leith avait certainement dû nous entendre. Il posa rageusement son téléphone sur le bureau en marbre, puis passa une main rageuse dans ses cheveux soyeux. Sa discussion téléphonique, très surprenante pour un garçon de son âge, le poussa à fouiller dans les quelques tiroirs derrière son dos. Il en sortit une vieille chemise jaune, qu'il jeta négligemment sur son bureau, déjà jonché de paperasse. Enfin, il nous regarda en s'asseyant bruyamment sur sa chaise en cuir qui couina sous son poids.

— Asseyez-vous, nous ordonna-t-il en désignant les deux chaises en plastique, beaucoup moins élégantes que son propre trône. Sean sera ton avocat durant notre petite négociation, mais je t'avertis, tous les étudiants du campus sont de mon côté, que cela soit par admiration ou par simple peur. Je vais être clair et concis. J'aimerais que tu m'aides à tuer les intrus d'Atlanta, et pour cela ta coopération est nécessaire.

— Et si je ne veux pas coopérer ? l'avertis-je bien que cette idée ne m'avait pas effleuré l'esprit.

— Je ne préfère pas te le dire de suite. Tu sais très bien que tu as tout à y gagner. Tu cherches à comprendre qui tu es, n'est-ce-pas ? Je t'aiderai, si en échange tu suis mon plan à la lettre.

— Je croyais pouvoir choisir la monnaie d'échange.

— Je n'ai pas de parole, mais je n'ai pas envie que ma petite protégée s'enfuît aussi vite. Je te donnerai ce que tu veux, bien que je sache déjà tes moindres ...

GOD'S RETURNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant