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Je soupire, rompue dans tous les sens du terme. Ivre, d'autre chose que de la divine boisson. La tête de Rémi pèse sur ma poitrine, mais je ne la troquerais pour aucune couverture lestée. Il est brûlant, un peu moite, les cheveux en bataille et le souffle encore haché. Je pantèle aussi, humide et flageolante. Heureuse de pied en cap, avec ce deuxième cœur qui bat de bonheur entre mes jambes.

La première fois était frénétique, faute d'autre qualificatif. Pas bien accordée, mais fondamentalement salvatrice. La deuxième, mieux dosée, plus confortable parce que s'ancrer dans le parquet, ça va bien deux minutes. La troisième, dans la cuisine alors que nous y avions fait halte pour boire un verre, je ne m'y attendais pas. J'ignore si l'électroménager se remettra un jour d'une telle vision. Si j'avais eu un plant de tomates cerises, mon dieu, elles auraient rougi direct.  

En tout état de cause, ma table s'avère être à la hauteur idéale pour la position dite de cette chaudasse de femelle du lévrier. Celle que j'avais gardée dans le dossier X de mes fantasmes et dont les lettres de noblesse avaient été jusque-là peu rendues par mes amants malheureux.

Conclusion, je ne regrette pas d'avoir investi dans la Savoie. L'air des montagnes, ça vous gagne. Surtout quand l'air des montagnes se réanime et, par acquis de conscience, referme sa bouche sur un téton encore hérissé par nos précédents ébats.

« C'était pas pour la Wiimote, les piles, en fait, lâché-je en même temps qu'un gémissement alangui.

— Je suis pas un try harder pour rien.

— Mais tu pourrais les bâcler, les essais. Ils m'ont l'air bien transformés, à moi.

— Tant mieux. Parce que je pourrai sans doute pas bouger demain. T'es infatigable, ma parole. »

Je ricane, le serre davantage contre moi. Ce gros bébé qui se redresse sur un coude pour téter l'autre sein, avant de se reposer entre, m'enfonçant davantage dans le matelas.

« Je suis bien forcé d'admettre, cependant, que je préfère ce genre de vocalises à Libérée, Délivrée, précise enfin Rémi.

— Je chante très bien.

— Tu couines très bien aussi, petite souris. Tant et si bien que tu vas finir par attirer tous les vilains rats du quartier.

— Un, ça suffira, rétorqué-je en testant le ressort de l'une de ses bouclettes. Pour entretenir la gymnastique.

— C'était seulement de l'entretien, ça ? se rengorge-t-il.

— Boh, j'ai connu des cours de macramé plus passionnants. »

Un regard lourd de sens me somme d'avouer la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. La vérité, c'est que je le désire tellement que je pourrais le dévorer tout cru, avec juste une pincée de sel saupoudrée du bout du coude. Je le ceinture avant qu'il ne songe à fuir, dépose un baiser sur son front. Le baiser de l'affection, de la confiance. Ses muscles se détendent ; je sombre davantage dans le molleton.

« Si j'avais su ça dès le début, j'aurais tenté de te payer en nature, murmuré-je, perdue quelque part dans ses mèches folles.

— Si tu ne me détestais pas tant, ça serait peut-être encore possible. »

J'attrape une pleine poignée de ses cheveux, le force à relever la tête.

« Mais t'es con, en fait.

— Quoi ?

— Rien, laisse, on va voir si l'idée infuse.

— Hein ?

— Tu crois qu'Oliver a entendu quelque chose ?

— Les sons, non. Les vibrations, ça... Peut-être que le plafond lui est tombé dessus. »

Rémi se renverse sur le dos, attrape son iPhone dont la lueur nous aveugle. Le grand roux est toujours en live sur Twitch, à 3h40. Son compère avait raison ; les studios de jeu vidéo indépendants, ça vous assure parfois plusieurs orgasmes d'affilée.

M. Maimboeuf passe l'écran en horizontal, clique sur le tchat pour y taper quelque chose. Je me juche sur son épaule, plisse les yeux pour déchiffrer cette simple ligne, envoyée depuis son pseudo Crash_twist :

On oublie pas de souhaiter un joyeux anniversaire au grand Touist xoxo luv u 4ever bb (♥ ͜ʖ ♥)

Oliver ne réagit pas tout de suite au flot de messages qui apparaît suite à ce pavé dans la mare.

« Hein, quoi ? Comment ça ? Mais c'est pas du tout mon anniv, enfin, si, c'était hier, mais... »

Il écarte l'un des ses écouteurs, crie quelque chose qui traverse le plafond-plancher.

« P'tain, Rém, tu fais vraiment chier ! »

Je ris autant que le félon Crash, à l'abri de mes bras. Le téléphone bascule, comme moi sur lui. Et je l'embrasse, encore et encore. Avant que le jour ne m'en prive.

L'avantage étant, qu'en hiver, il tarde à venir.

Latte Machiavelo [Concours Femme Actuelle x Les Nouveaux Auteurs 2024]Where stories live. Discover now