[Réécriture] Chapitre 1 : Sale Voleuse.

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Le timide a peur avant le danger, le lâche au milieu du danger et le courageux après le danger.

Tapis dans l'ombre, je me répète ce mantra en priant pour ne pas finir comme le lâche. La tentation est grande de fuir à toutes jambes, mais mon regard est fixé sur la devanture de la brocante nappée d'une auréole orangée sous le coucher du soleil. Plus qu'un banal magasin, elle regorge de pièces de collection uniques qui feraient pâlir de jalousie n'importe quel grand collectionneur : coiffes aztèques, parures égyptiennes, vaisselle en porcelaine et monnaie datant des premiers Hommes...Le reflet de la fenêtre me renvoie mon sourire, car ce soir, je compte bien repartir avec un trésor.

— Aïe, mon épaule ! rouspète Angie qui soutient mon poids.

Je lui tire une mèche de cheveux blond pour le faire taire, ce qui le fait davantage couiner de douleur. Il ne manquerait plus que les voisins nous voient et balancent tout aux flics. Voilà des semaines que j'élabore ce plan avec mon meilleur ami. Enfin non, j'envisage de récupérer un objet — j'insiste sur ce terme — depuis des semaines, et j'ai réfléchi au moyen d'y parvenir qu'il y a trente minutes. Je pousse le battant de sécurité de la fenêtre pour la cinquième fois. Ce système d'ouverture est suffisamment rouillé et fragile pour céder au fur et à mesure de mes efforts. Mes jambes dansent le rock sur les larges épaules d'Angie, dont je ne distingue que la tignasse blonde sous le lampadaire de la ville. L'exercice est difficile, mais à ma portée. Je me contorsionne pour attraper une prise plus petite, et donc plus sensible, avant de tirer d'un coup sec pour faire céder le levier de sécurité. Un cri de surprise m'échappe lorsque je manque de tomber en arrière. Heureusement, je me rattrape in extremis en agrippant le visage d'Angie. Ce dernier chancèle en retirant mes doigts qui sont encore plaqués sur ses yeux, mais ne s'étale pas au sol grâce à son corps robuste ou par miracle.

— Ambre ! Je te jure que...

— Ça y est, on peut entrer ! le coupé-je en trépignant d'impatience. Je t'avais bien dit qu'on pourrait passer par cette fenêtre.

— Ouais génial, mais si je deviens aveugle, tu peux dire adieu à ton jouet !

— Hé ! Ce n'est pas un jouet, mais un trésor inestimable conçu par les dieux même et gardé sur l'Olympe pendant des siècles. Il a été fondu dans de l'or sur plusieurs décennies puis béni par la déesse de...

— Un pin's. On fait tout ça pour un putain de pin's !

Bon. Oui, ça ne paye pas de mine dit comme ça, mais ce n'est pas n'importe quel pin's, car il appartient à mon père décédé. Cette vieille Lawson l'a trouvé malencontreusement dans la rue et croit qu'elle peut le mettre en vente dans sa boutique. Il en est hors de question. Je n'aurais jamais tenté cette effraction si elle s'était contentée de me rendre mon héritage lorsque je le lui avais demandé. Mais non, il avait fallu qu'elle me lance son regard supérieur et me réponde un : « donner c'est donner, reprendre c'est voler » avec sa voix niaisarde alors qu'elle se l'était appropriée toute seule ce pin's !

— On ne peut pas laisser ce crime impuni, Angie. Et puis, je t'ai promis un beau cadeau en échange.

— Ouais, tu parles d'un beau cadeau. Depuis quand est-ce qu'on récompense son meilleur ami avec un bouton de manchette ?

— Un bouton de manchette en argent, pauvre abruti. Quand tu le revendras sur Amazon, tu comprendras.

Angie se contente de marmonner dans sa barbe des propos incompréhensibles, au moins il est désormais prêt à m'aider sans rechigner davantage. D'un mouvement de la main, je lui fais signe de se mettre sur la pointe des pieds pour grimper plus facilement la façade effritée. Les grains du revêtement extérieur et de la poussière tombent sur ses cheveux, mais je suis bien trop concentrée sur ma main tremblante qui agrippe le barreau. Après un petit effort, je réussis enfin à me hisser sur le bord de la fenêtre.

GOD'S RETURNWhere stories live. Discover now