CXLVII. Fashion Kidnapping

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Nikolas était nonchalamment adossé à un lampadaire, pas bien loin de la boutique. Il ne m'avait pas attendue bien longtemps et pourtant, du fait de la température négative, quelques flocons de neige avaient eu le temps de se déposer sur ses cheveux ébène.

Je resserrai autour de mon cou mon écharpe, prenant garde à ne pas me brûler les doigts sur mon collier, incandescent.

Nous continuâmes notre chemin. Je dis à Nikolas qu'il nous fallait acheter - en plus d'une décoration chacun - un costume et une robe. Il hocha la tête en regardant quelque chose derrière moi.

, fit-il.

Je me retournai. Un petit lutin de bois se balançait au bout d'une hampe, un sourire jovial nous invitant de rentrer dans la petite enseigne colorée qu'il surplombait, nommée « Dress & Dresses ».

Notre entrée déclencha une sonnerie qui imitait le caquètement des poules. Cela donnait, pour ainsi dire, le ton.

Une ronde dame, des bigoudis multicolores dans les cheveux, accourut aussitôt dans notre direction. Elle attrapa au passage de petites lunettes ovales et les glissa sur son nez. Devant nous, elle cligna des yeux et s'exclama avec un fort accent :

Bonjourr mes migno(ns) ! Comment allez-vous ? Qué voulez-vous ? Jé souis Audhild. Daud pour les i'times.

Nous eûmes à peine le temps de lui dire ce que nous cherchions qu'elle nous empoigna chacun par le bras, nous emmena au fond de la boutique, nous posa sur un gros pouf et disparut entre deux rayons.

Nous nous regardâmes, ébahis. Notre repos fut de courte durée puisqu'elle surgit quelques secondes après avec une dizaine de cintres auxquels étaient suspendus des costumes et des robes. Elle ordonna au « mignon » Nikolas d'aller enfiler un complet anthracite dans la cabine d'essayage.

Il obtempéra (comme s'il en avait le choix). Je ne pus m'empêcher de lui adresser un sourire moqueur quand il passa devant moi.

Sourire qui s'effaça bien vite quand la dame s'adressa à moi, assenant ses paroles comme une sentence :

A nous deux mâ mignonne...

A partir de là, je ne comptai plus le nombre de robes différentes qu'elle me fit essayer. Nikolas ne fut pas épargné non plus quoiqu'il prenne – oh que c'est étrange - de plus en plus son temps. Lorsque nous nous croisions, nous échangions un sourire désespéré.

Enfin, Daud se fatigua. Tout à coup elle cessa de s'agiter et se laissa tomber dans le pouf. Elle croisa ses bras potelés et rappela Nikolas.

L'espoir que cette course s'arrête lui fit avoir des ailes et il se pointa presque instantanément, achevant de boutonner sa chemise.

A cette vision, Daud, sans aucune gêne, eut un petit geste d'appréciation qui n'échappa pas à Nikolas. Il détourna son regard sans aucune expression et s'arrêta sur le mien, hilare. Son indifférence se fissura et il sourit malicieusement, omettant les derniers boutons.

Audhild toussota.

Cheune homme, cé costume vous va à rrravirrr, i'nstallez-vous dont à côté de moi, vous allezzz m'aider à choisir une robe accorrrdée pour votre elsker.

Sans prêter attention à l'attitude de Daud ni relever son dernier mot – savait-il ce qu'il signifiait ? – il obéit sans rechigner. Daud avait réussi ce que j'avais tenté de faire sans succès durant des semaines : fatiguer Nikolas.

Je regardai d'un œil nouveau cette bonne femme. Elle était en train de me scanner visuellement.

Elle alla chercher de longs gants crème et demanda à Nikolas de l'aide pour me les mettre, car il fallait le lacer sur tout le long du bras. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Voss brass so'nt ioliment sculptés, me complimenta-t-elle, les garço's doivent se préparer à être éblouiss...

Je grimaçai légèrement à cette dernière remarque et la détrompai :

C'est surtout le sport qui m'a permis de sculpter mes bras.

Nikolas me chuchota alors, de façon à ce que Daud ne l'entende pas, son souffle sur mon cou :

Je suis aussi pour beaucoup... en tant que coach, précisa-t-il.

Evidemment, quand les gants furent lacés - j'aurais dû m'y attendre – Audhild décida que ça n'allait pas avec la dress. Et qu'il fallait donc changer cette dernière.

Je soupirai tandis qu'elle sortait d'une housse une robe bleu foncé satinée. Pour la première depuis que nous avions été capturés par elle, je trouvais une robe jolie.

Plus que jolie, celle-ci était magnifique.

Le satin faisait se refléter les lumières sur le tissu couleur nuit, le faisait apparaître comme une morceau de ciel nocturne étoilé.

Vo'ici mon bébé « Nocturna », présenta fièrement Daud.

Elle la déplia et me poussa dans la cabine avec.

Lorsque je l'eus mise, il ne restait qu'une fermeture dans le dos que je ne pouvais faire glisser toute seule, j'attendis la propriétaire devant le miroir.

J'en profitai pour détailler la robe. Le bustier était asymétrique, avec une fine brettelle sur l'épaule gauche. Le tissu satiné avait un effet froissé qui, partant de cette épaule, s'estompait jusqu'à la taille, d'où il tombait élégamment pour se terminer par une courte traîne arrondie. Les jambes étaient mises en valeur par une fente du côté gauche, fente qui devait tenir par un broche – absente – positionnée au niveau de la hanche.

Je cherche une fibule, s'écria justement Daud depuis l'intérieur d'un carton, mon migno', aidé-la à attacher sa rrobe danss le doss.

Je vis le reflet de Nikolas s'approcher nonchalamment, sans me regarder.

Je sentis des doigts effleurer le creux de mon dos et la fermeture glisser doucement. Je ne le quittai pas de yeux, mais son expression m'était cachée par ses cheveux qui tombaient sur son visage penché.

Soudain il entoura ma taille de ses mains et me retourna d'un mouvement vers lui.

Magnifique, il s'interrompit un instant comme s'il avait laissé échapper quelque chose... si nous ne disons pas ça à Audhild, elle ne nous libérera pas.

Je ne retins pas un sourire devant ce compliment maladroitement dissimulé. Il évita superbement de montrer qu'il s'en était aperçu et son regard glissa de mon sourire à la pierre embrasée suspendue à mon cou.

Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now