XXXIV.C'étaient Mes Larmes

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Je fis ce que j'aurai dû faire en premier : chercher dans les portières. Fort heureusement, il y avait de quoi le soigner sobrement, assez pour qu'il cesse de « se vider de son sang ».

Sa tête étant tombée sur le volant, je la relevai, et commençai par appliquer un linge mouillé sur le peu de surface de visage que je pouvais atteindre.

Bizarrement, j'eus un mouvement de recul en le passant près du bandeau improvisé noir. Ayant constaté à mes frais que Nikolas était très sensible à ce niveau-là, et que je n'avais clairement pas le droit de le voir, je n'y touchai pas.

Ses blessures étaient étranges : très nombreuses, c'était surtout des coupures, qui sectionnaient nettement sa peau, et dans les fines interstices, j'aperçus, horrifiée, de minuscules éléments transparents ou rouges froids : des cristaux de glace ?

Je remontai les manches de sa veste, ou les quelques lambeaux qu'il en restait, et poursuivis ma besogne.

Une crème accompagnait les linges, crème que j'appliquai soigneusement sur sa multitude de plaies, espérant qu'elle apaiserait au moins un peu la douleur, qui ne devait pas être minime.

En y réfléchissant davantage, cet endroit était énigmatique. Toute cette plaine au nom ancien et ce trou aussi, étaient mystérieux en fait.

Bercée par les gouttes d'eau qui frappaient régulièrement la voiture, je finis par m'assoupir dans un sommeil sans repos, hanté de rêves tourmentés.

***

Une silhouette aux contours flous, que j'aperçois au loin, au fond d'un tunnel. Elle avance à une vitesse vertigineuse sans bouger. Elle tombe.

Quelqu'un pleure toutes les larmes de son corps, toute son âme, tout son être. Quelqu'un pleure comme si on lui avait arraché un morceau de cœur. Sa douleur est presque palpable.

Des lumières filent devant la silhouette, la cachent un moment, puis s'évanouissent.

La personne est maintenant passée aux hurlements. Elle se lamente, gémit, hurle des paroles incompréhensibles. Des mains se tendent vers la silhouette, qui file toujours, et qui diminue de plus en plus.

La silhouette ne se retourne pas, elle semble tellement loin que les cris sont étouffés par la distance.

La souffrance plane dans l'air, l'alourdit, m'oppresse et m'étouffe.

C'est fini. La silhouette a disparu complètement.

Une lumière vive, puis l'obscurité.

J'entends un grand râle, ma poitrine se secoue, et plus rien.

Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now