CXIX. Cailloulogie

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Le pauvre ne bronchait pas, recevant la totalité du menu sur son uniforme et ses cheveux. Son visage simplement était protégé, caché ; et ses yeux brun clair étaient clos.

Il ne cherchait même pas à se défendre.

Une voix s'éleva soudain, celle de Zella. Elle parlait à Sin.

Si quelqu'un se lève pour toi, tu pourras relever la tête.

Elle rit horriblement, certaine d'avance du résultat.

Je jetai un regard en diagonale à Nikolas. Rien n'avait changé dans son attitude, si ce n'était son poing crispé qui commençait à briller légèrement.

Comprenant le danger, je me levai, et saisis sa main fermée, camouflant et étouffant les petites étincelles électriques.

Personne ne tourna la tête vers nous, tous persuadés que personne ne viendrait aider Sin. Et ils avaient raison.

Nous partîmes, laissant derrière nous les caprices cruels de Zella et notre repas à peine entamé.

J'en avais un arrière-goût amer. Nous fuyions un grand danger, le danger de révéler notre identité et les terribles conséquences qui en découleraient ; mais ce faisant, nous abandonnions aussi un innocent à de cruelles mains.

Ce n'était donc pas de la lâcheté, et pourtant j'avais cette impression lancinante de passer à côté d'une possibilité intermédiaire, qui nous protégerait nous, et surtout sauverait Sin.

Mais la vie n'est pas toute rose.

Silence entre Nikolas et moi.

La moindre parole viendrait faire déborder le trop-plein d'injustices transformé en une sourde amertume de nos cœurs.

***

J'avais somnolé durant tout le temps qui nous séparait du cours de l'après-midi, l'estomac vide. Quant à Nikolas, il avait fait la même chose, pareillement adossé au mur de la salle de Mme Desmond.

Nos camarades finirent par arriver peu à peu et quand la sonnerie retentit, nous n'attendîmes que quelques minutes cette fois-ci avant que la professeure ne surgisse au bout du couloir, essoufflée comme à son habitude, d'épais dossiers sous le bras.

Au moment de passer la porte, il me sembla qu'elle évita mon regard.

Pendant le cours ensuite, cette impression se renforça : boudait-elle car je ne lui avais pas cédé mon collier ?

Je souris intérieurement, essayant de me reconcentrer sur ce que disait un élève au tableau, qui y dessinait des choses compliquées.

Visiblement c'était un exposé sur un sujet pointu car je n'y compris un traître mot. Et un autre élève vint le remplacer et le javanais succéda au chinois.

La tête fumante d'informations j'essayai de suivre, en vain. J'avais trop de lacunes. Glissant un regard oblique, je vis Nikolas l'œil dans le vague. Il n'avait pas autant besoin que moi de toutes ces connaissances, lui.

Aussi ennuyant soient-ils, les élèves et leur exposé se finirent, et tandis que la prof écrivait un bilan au tableau pendant le cri strident de la sonnerie, tous les élèves rangèrent discrètement leurs affaires et partirent un à un en catimini.

Je le sentais mal.

Moins performante en termes de rapidité que mes camarades, je me retrouvais une nouvelle fois seule avec Mme Desmond. Ou plutôt presque seule car Nikolas avait cette fois daigné m'attendre. Le brave garçon.

La professeure s'avança à ma table et me demanda une nouvelle fois :

Kafée, j'ai fait des recherches sur l'étonnante couleur de la pierre de votre pendentif. Me permettriez-vous de vous l'emprunter pour l'examiner de plus près ?

Le mot recherche me fit tiquer.

Nikolas ne laisse jamais rien au hasard. On pourrait mettre cette phrase dans le dictionnaire tant elle est immuable.

Rien, pas même un collier de pacotille donné sous l'apparence d'un « gage ». Un collier dont étrangement, il est impossible d'ouvrir le fermoir rouillé. Je peux comprendre qu'il soit vieux, sale, immonde...mais à ce point, non.

J'eus donc réellement un regard intéressé sur sa proposition.

Sur quoi portent ces recherches ? Peut-être est-ce que je pourrais vous éclairer ? (absolument pas, je n'y connais rien en cailloulogie)

Elle sourit, ravie de ma réponse.

Si nous parlons de la même pierre, son nom est Vidua Lacrimam, littéralement...

Larme D'Veuve, l'interrompit un Nikolas soudain alerte, et il continua à la Chokola, j'connais, j'lui expliqu'rait au dîner, mais là m'dame j'suis d'solé mais j'dois y aller vite vite.

Mme Desmond haussa des sourcils orange surpris à sa traduction, puis ceux-ci reprirent leur place habituelle à ses derniers mots.

Si fait, vous le pourrez, ce n'est pas grave, votre Kafée peut me laisser son collier maintenant.

Je n'eus pas le temps d'ouvrir la bouche que mon pseudo-chien s'élançait dans une nouvelle excuse pourrie.

Ell'peut pas l'retirer 'cause à une promesse à que'qu'un d'très important et puis...(il eut un rapide sourire en coin) l'fermoir est cassé.

Je suis désolée Madame, pus-je enfin placer dans la conversation, je vais devoir y aller.

La professeure, dépitée une nouvelle fois, eut un regard pour le tas de dossiers sur son bureau. Une nuit de recherches de gâchée ? Peut-être, la pauvre.

Je suivis Nikolas qui sortait à grande enjambées de la salle de classe. J'avais percé un de ses secrets. Ou plutôt j'allais le percer, que ce soit par lui, par Mme Desmond ou par un livre dans la bibliothèque.

Selena - Les Lunes JumellesDove le storie prendono vita. Scoprilo ora