Selena - Les Lunes Jumelles

LXXIV. Envoyer et Recevoir

Surpris de me voir soudainement me tenir la tête en grimaçant, Nikolas me demanda ce que j'avais.

Mais je n'eus pas le temps de lui répondre car Madame Sandor nous appelait.

-Kafée Falsi, Chokola Stulte, veuillez venir.

La douleur s'était atténuée et je pus descendre les marches sans danger pour mon intégrité physique, grâce à mon équilibre de télékinésiste (merci Nikolas).

Arrivés au milieu du cercle lumineux, devant Madame Sandor, je regardai à la dérobée d'où je venais.

Très mauvaise idée.

Je me sentis immédiatement écrasée par les dizaines et les dizaines de regards curieux, perçants, interrogateurs qui me piquaient, me mordaient, me coupaient en rondelle, me tranchaient... cassant le peu d'assurance qu'il me restait.

Les mains crispées, je levai les yeux vers la juge.

Elle s'était reculée de quelques pas.

-Chokola.

Nikolas porta une main nonchalante à sa mèche bouclée et répondit :

-Oui M'dame ?

-Envoie-moi un mot, une image ou une émotion par télépathie.

Il acquiesça, fronça les sourcils, ferma son œil (doté d'une lentille marron) et saisis sa tête entre ses mains. Il mimait à la perfection un télépathe scrupuleux.

Evidemment, au bout d'une longue minute, Madame Sandor n'avait rien reçu.

-Zéro. Kafée.

-Oui Madame ?

J'eus plus de mal que d'habitude, car je ne l'ai jamais fait avec quelqu'un d'autre que Nikolas. Ainsi, je ne réussis à lui envoyer qu'une image floue, celle d'un siège de l'amphithéâtre.

Quand je fus dans sa tête, et ce malgré la rapidité, j'eus l'impression d'évoluer dans un milieu hypnotisant, qui essayait de me retenir, de multiples petits bras doux m'attrapant de toute part, tirant ma pensée vers telle autre, me conseillant de fermer les yeux, et me laisser aller...en revanche, formant un fort contraste, les parois étaient rêches et arides, aussi dures que du papier de verre.

Aussitôt sortie, je me fis une réflexion : cette dame n'était pas n'importe qui. Mais l'examen continuait...

-Deux. Chokola, tu vas maintenant recevoir un mot.

Il ne se passa qu'une seconde avant que Nikolas annonce fièrement :

-Cinq.

Notre juge eut un sourire satisfait.

-Oui. Kafée, une image.

Je la regardai dans les yeux en hochant la tête, tout en pensant avec effroi qu'elle allait y entrer. Cette pensée me fit frissonner. Je n'y connaissais rien en télépathie, mais encore une fois, j'avais la tenace intuition que cette personne était particulièrement puissante.

Cependant, à ma plus grande surprise, je n'entendis rien.