CXXII. Quelle Mouche ?

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Je ne m'étais pas formée non plus sur le bateau et au Portugal pour aucune raison. Et encore moins venue jusque dans cette école pour le simple plaisir de côtoyer des gens assoiffés de pouvoir.

Nikolas, alors qu'il parcourait la page avec attention, sursauta soudain. Il blêmit violemment et claquant le livre, il sortit à la vitesse de l'éclair par la fenêtre. Il était parti si vite que je n'eus pas le temps de le retenir.

Je ne sais pas quelle mouche l'a piqué.

Je détestais quand il faisait ça. Qu'il partait ou se taisait subitement, sans aucune raison. Il avait déjà eu cette même réaction quand il m'avait vue sans mes lentilles, chez mon oncle. Blanc comme un linge, il avait filé sans rien dire. Maintenant, je pense savoir pourquoi. C'est en croisant mes yeux vairons, qu'il avait réellement pris conscience que j'étais bien celle que lui avait décrite oncle Kern. Le Phénix.

Aussi, je n'avais qu'à lui tirer les vers du nez dès que je le reverrai.

Souriant à l'image, je pivotai vers la petite commode pour ranger mes affaires. Sans grande surprise, il avait emporté le livre. Ce qui ne me gênait pas tellement étant donné que je ne pouvais pas le lire et que de toute manière, j'avais bien l'intention qu'il me dise tout ce qu'il savait demain.

Il n'était plus question de pouvoirs ancestraux ou de fuite devant des assassins. Choses terribles, soit, mais toujours moindre devant une guerre.

Suis-je le Phénix ? Quel rôle ai-je exactement ? Pourquoi une telle formation et un tel périple ?

Nikolas ne savait pas l'interrogatoire qui l'attendait...

***

Le délicat rayonnement des spots sur ma fenêtre me réveilla en toute douceur. Les oiseaux chantaient de leurs doux gazouillements et il faisait bien chaud, une de ces chaleurs qui précèdent celles torrides d'une journée d'été.

Ahah.

Manquant de me casser la figure, je me levai de mon lit en grimaçant. Le plancher grinçant sous mes pieds, je lévitai jusqu'à la fenêtre pour fermer le rideau.

Cette lumière était aveuglante. Quand les lueurs blanches cessèrent de danser dans mes yeux, je pris un grand verre d'eau glacée et me préparai.

Quelques minutes plus tard, j'étais prête et ouvrais la porte de ma chambre, en direction du petit-déjeuner. Je buttai contre un petit paquet.

Immédiatement, mon cœur se mit à battre sans raison. Il se calma aussitôt quand je reconnus le blason des Nyfødt. Ce n'était que ça. Apparemment, Ophélia s'était trompée en nous disant qu'il allait nous être remis au début d'un cours.

Je jetai le paquet sur mon lit, remettant à plus tard la couture qui s'annonçait fastidieuse.

Au réfectoire, beaucoup d'élèves étaient déjà attablés. Je passais donc sans mal au self et m'asseyais seule à une table, évitant stratégiquement Zella et sa clique ainsi qu'Ophélia et Aurora.

C'était la table à laquelle Nikolas et moi mangions souvent à cette heure-ci.

D'ailleurs, ce dernier, quel étonnement, demeurait tout à fait invisible, comme s'il savait ce que je lui réservais à la moindre apparition de sa part. Il avait bien raison d'avoir peur...

J'avais beau en rire un peu, cette absence piquait ma curiosité. Avait-il quitté l'école pendant la nuit et n'était toujours pas revenu ? Ou bien comme la veille, il était retourné à la bibliothèque ?

Un Nikolas sans mystère ne serait pas Nikolas...

Une main sur mon épaule me fit sursauter. C'était Cazimir.

Heyy ma belle ! Come va ?

Encore lui.

Je tordis lentement la tête. Un sourire éclatant et une tête impeccablement coiffée stationnaient derrière moi.

Je peux manger avec toi ?

... oui ?

Souriant de plus belle, il s'installa en face de moi.

Mes bouchées suivantes se firent sur un fond de récit de bagarres incroyables avec une petite variante sur des accidents de scooter.

Apparemment, il pensait avoir trouvé en moi le public parfait pour raconter toutes ses anecdotes toutes plus fabuleuses les unes que les autres. Sans oublier ses étranges manières comme celle de toujours se toucher les cheveux comme s'ils allaient s'envoler. A moins de former une perruque, il n'y avait à ma connaissance aucun danger. Mais chacun ses peurs.

***

— Bonjour Nyfødt. Vous pouvez entrer.

Aujourd'hui, c'était un tailleur dans les tons plutôt foncés qu'elle portait, contrairement à son habitude. Aussi, additionné à ses joues creuses et son teint cireux, je ne fus pas tellement surprise de ce qui suivit.

En effet, à peine la classe fût entièrement entrée et installée (toujours sans signe de vie de Nikolas), elle m'appela au tableau.

Mademoiselle Falsi, levez-vous je vous prie.

Sur l'estrade j'attendis qu'elle me questionne.

Elle n'en fit rien. Elle écrivait ou dessinait quelque chose sur le battant opposé. Je dus attendre de longues minute avant qu'elle dise enfin quelque chose.

Dites-moi... Quels sont les noms des enfants de Wolf, le premier lunn rouge ?

Je regardai mes camarades. Ils avaient tous les yeux braqués sur moi.

Heu... Je ne sais pas.

Mme Desmond fronça légèrement ses sourcils orange.

Comment cela, vous ne savez pas ? Ne savez-vous pas non plus que c'est l'une des choses fondamentales à savoir ? Vous êtes ici dans une école de télépathie, et vous ne savez pas ? (elle dit ces derniers mots un peu plus haut)

Je baissai les yeux. J'ignorais comment réagir autrement. Je ne l'aurais jamais crue capable ne serait-ce qu'élever la voix. Alors pourquoi s'acharnait-elle sur moi ?

La professeure se mettait doucement en colère. C'est avec une voix craquelée qu'elle m'ordonna de prendre une craie.

Vous me recopierez leurs noms cinquante fois, ici, au tableau. (elle déplia le battant de mon côté) Octavianr, Darla, Kaner et Guinevere sont tout de même des noms que l'on n'oublie pas facilement ! (elle était outrée) Sans omettre Ior, mort pendant son enfance. Commencez, je vous prie.

Haussant imperceptiblement les épaules, je m'y mis. Elle semblait vraiment m'en vouloir de ne pas lui avoir prêté mon collier. Une rancune, à en voir ces cernes, qui l'avait même empêchée de dormir !

Octavianr, Darla, Kaner, Guinevere, Ior.

Elle ne me lâchait pas des yeux.

Octavianr, Darla, Kaner, Guinevere, Ior.

J'avais déjà mal à la main.

Octavianr, Darla, Kaner, Gui...

La porte s'ouvrit en grand et un Nikolas souriant jusqu'aux oreilles surgit.

Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now