CLXXIX. A Lone

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Bonjour Nyfødt, vous pouvez entrer.

Les lèvres rouge sang qui avaient prononcé ces mots se refermèrent gracieusement pour esquisser un sourire.

Soudain bien silencieuse, la classe pénétra dans la salle de cours, se bousculant pour les sièges du deuxième arc, les plus éloignés du bureau de Mme Sandor. Aujourd'hui allait souffrir un nouvel Efflam, comme l'avaient murmuré certains dans le couloir, avant que la cruelle professeure n'arrive. Une nouvelle joute d'esprit, qui avait tout d'une torture à part le nom allait advenir sous mes yeux impuissants. Sans Nikolas.

Entrant enfin dans la salle de classe, je fus immédiatement saisie par l'atmosphère glaçante qui y régnait littéralement – les fenêtres étaient grande ouvertes – mais surtout par une horrible odeur de fumée et de brûlé.

Je fis quelques pas et m'assis à la table la plus proche de la porte : ni en face du bureau, ni près des fenêtres, l'odeur nauséabonde était moins intense.

Ladite porte se ferma dans un craquement caractéristique qui sembla bruyant dans le silence qui planait maintenant sur la classe. Tous les sourires et chuchotements avaient disparu pour laisser place à des visages mutiques tendus vers la professeure.

Celle-ci se retourna lentement, faisant crisser le plancher de ses talons noirs, savourant l'attention qu'elle recevait. Deux brochettes de paires d'yeux alertes, fiévreux et fascinés juste devant elle, prêts à satisfaire ses desseins pervers.

Gracieusement, elle fit glisser une mèche noir de jais dans son chignon, laissant la tension monter. Sans hâte aucune, elle passa derrière son bureau et, au lieu de s'asseoir, tira un tiroir pour en sortir une bougie. Une grosse bougie blanche recouverte de traces carbonisées.

Un violent frisson me parcourut des pieds à la tête, plaquant mon dos à la chaise. Je venais de faire le lien entre l'odeur infecte et cette bougie.

Lone Forlatt, devant la classe je vous prie.

A ma droite, une jeune fille se décomposa, son visage joufflu devenant tout pâle. Elle se leva, toute vacillante, ne parvenant pas à dissimuler les tremblements frénétiques qui secouaient tout son corps.

Quand elle fut à la hauteur de Mme Sandor, elle prit la bougie entre ses petites mains potelées qui peinaient à en faire le tour et maladroitement, se tourna vers la professeure, qui tenait un briquet.

La flamme se refléta d'une manière dérangeante dans l'ambre des iris de cette dernière, se confondant avec la lueur malsaine qui y ondoyait.

***

Moi.

Les yeux de Mme Sandor se posèrent sur ma personne, indifférents. Sous la table, mes deux mains serrées pleines d'Electrokinésie contenue frémirent instinctivement.

Bien. Vous pouvez y aller.

Je retins un soupir de soulagement en saisissant la bandoulière de mon sac et celle de Lone.

Celle-ci, à genoux, contemplait passivement ses mains avec une hébétude que frôlait la folie. Des mains sur lesquelles avait coulé de la cire brûlante, laissant des traces noires et une peau craquelante.

Elle ne pleurait pas, elle n'avait pas eu le temps, son esprit déjà écrasé par celui de la professeure. Elle avait préféré abandonner tout de suite pour se protéger, comme si elle avait décidé de quitter son propre esprit.

Au regard vide qu'elle m'adressa lorsque je me penchais sur elle pour lui tapoter l'épaule, j'eus la désagréable sensation que c'était réellement le cas. Une poupée vide articulée qui, mollement, se laissa traîner hors de la pièce.

Avant de fermer la porte sur nous, j'aperçus Nikolas au fond qui, les bras fermement croisés sur son torse, gardait résolument la tête baissée, comme s'il dormait.

Mais je savais très bien qu'il aurait tout donné pour être à mille lieues de cette pièce horrible, tout donné pour avoir le pouvoir de faire quelque chose. J'avais été plus rapide à me proposer pour emmener Lone à l'infirmerie.

Je retins un haut-le-cœur quand, de l'autre côté de la porte, Mme Sandor prononça doucereusement un autre nom.

Lone s'était effondrée contre le mur et commençait à reprendre contact avec la réalité. Ses yeux, levés vers moi tandis que je m'accroupissais pour lui tenir les poignets, se remplirent des larmes qu'elle n'avait pas pu verser.

Elle pleura de longues minutes, silencieuse.

Quand ses larmes se tarirent, elle osa regarder ses mains blessées.

C'est à ce moment que je compris à quel point ce que lui avait fait Mme Sandor était grave. La souffrance et le désespoir qui déformèrent son visage me fendirent le cœur. Entrouvrant des lèvres tremblantes, elle souffla :

Avant... avant cette école, je jouais du violon, mais...

Sa voix mourut, et les larmes coulèrent de nouveau, abondement. Elle les essuyait maladroitement avec sa manche, laissant des sillons blancs sur ses joues rosies par le froid.

Je restai silencieuse, impuissante devant son malheur. Je ne la connaissais pas, je ne lui avais même jamais parlé. J'étais seulement une présence, une oreille attentive.

Mais quelque chose s'était brisé en elle, quelque chose d'irréparable. Son rêve.

🌙

[Petit problème de publication, j'en ai profité pour modifier et arranger quelques petites choses]

[Selena - Les Lunes Jumelles a une nouvelle couverture ! Un grand merci à BleuSaphir51 ! Les applaudissements ici >>]

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Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now