XIII.Des Yeux Vairons ? Et Alors !

1.1K 148 36
                                    

En attendant, je pris une douche et lavai mes cheveux.

Honnêtement, ça faisait du bien de sentir couler de l'eau ni brûlante ni glacée sur mon corps. Je sentais mes muscles se détendre enfin, crispés depuis trois longs jours. Un véritable soulagement.

Après quelques minutes, je sortis de la douche.

Je brossai ma chevelure brune, et, me regardant dans le miroir, je pris une décision: je n'allais plus mettre de lentilles. Il fallait que je surpasse cette différence et que je l'accepte.

Oui, c'est vrai, c'est plus qu'une différence, vu que je n'ai jamais rencontré une personne avec des yeux pareils, vairons et de deux teintes rares. Les deux ensemble ? Jamais.

Soupir.

Je m'habillai et descendis préparer un petit-déjeuner pour deux, car je ne savais pas si cet ami avait mangé.

Je m'imaginais déjà un vieil homme, du même âge qu'oncle Kern, grognon, avec des petites lunettes rondes au bout du nez, un petit ventre et un dos bossu... Et sans humour, car il m'avait paru sec au téléphone.

Quelques tartines et réflexions plus tard, la sonnette... sonna. Je courus ouvrir la porte.

L'ami ne daigna pas me saluer, et ne me jeta même pas un regard, il se dirigea directement vers la cuisine, à grands pas.

Mais depuis quand mon oncle Kern connaissait-il Nikolas ?

Nikolas, quoi. La dernière personne que j'avais envie de voir après trois jours de maladie inconnue, dans une maison dont le propriétaire était absent, très tôt dans la matinée !

Lui, ça n'avait pas l'air de lui poser le moindre problème: tranquillement installé, non, vautré dans un siège de la cuisine, il mangeait les tartines avec un plaisir évident.

Il me vit enfin, les bras croisés, dans l'encadrement de la porte, le fixant sévèrement. Et là, il eut une réaction étrange: aussitôt après avoir croisé mon regard, il sursauta violemment et parut bouleversé.

-Qu'est-ce qu'il a ? Je t'ai fait peur ?

A mon étonnement grandissant, il balbultia:
-Je... je...

-Nikolas ! Dis-moi ce qu'il passe ! lui ordonnai-je, sentant le fou rire me gagner, tant la situation était imprévue et cocasse.

Reprenant ses esprits, se dressant sur sa chaise, il inventa:
-Rien. J'ai juste failli m'étouffer en mangeant tes tartines ! Il la jeta sur la table. T'es vraiment dangereuse comme fille !

-C'est toi qui est impossible, criai-je, piquée au vif, c'est toi qui viens manger chez moi sans même te soucier de mon état !

-Mais tu n'es pas malade, c'est normal ce que tu as, tu crois être la seule ?

Il s'interrompit soudain, et me jeta un regard, une lueur inquiète y dansant.

J'étais vraiment énervée, maintenant.
-Nikolas, je ne pense pas que tu sois resté trois jours à souffrir le martyr, plongé dans le noir, avec ton subconscient qui prend le pouvoir et te fait souffrir, autant le corps que l'esprit ?

Il darda un œil surpris:
-Trois jours ? Tu es sûre ?

Il parut soudain prendre conscience de quelque chose et murmura:
-Il est donc parti le voir...

Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now