Selena - Les Lunes Jumelles

LXI. Dettes et Tics

Changeant de sujet, je me lamentai :

-C'est encore toi qui vas payer, comment est-ce que je vais pouvoir te rembourser, moi.... J'ai horreur d'avoir des dettes.

Mon banquier s'installa à une table à l'écart, me fit signe de m'asseoir (ce qui était déjà fait, merci) et répondit, lasse :

-Ce ne sont pas des dettes, c'est moi.

-Justement, et toi plus que quiconque, je te dois pleins de choses, dont la vie, laisse-moi au moins soulager ma conscience et te rembourser avec ce que j'ai.

-Je te dois aussi la vie, et pour l'argent, ne t'inquiète pas, tu as un compte en banque à ton nom.

Abasourdie, je le fis répéter, et il m'expliqua qu'oncle Kern y avait laissé de l'argent à mon attention, argent dont il avait d'abord révélé l'existence à Nikolas, car je ne connaissais pas ma « nature ». Il avait dû faire ça peu de temps après être allé voir la Tuar.

Il ne savait pas qu'il allait mourir quelques jours plus tard...

Toute la fin du repas, que je vis passer à une vitesse folle, nous nous entrainâmes mutuellement dans nos personnages.

Même si Kafée était une vrai peste, je trouvais finalement de plus en plus amusant de commander Chokola, et, il faut l'avouer, de regarder tout simplement Nikolas jouer ce rôle.

Chokola était tellement son opposé !

Il n'y avait qu'un seul point où ils se rejoignaient : il n'allait pas être très bavard.

Nikolas m'apprit comment avoir une autre « présence » car, selon lui, je ne dégageai « rien d'expressif ».

Je récoltai de cette dernière leçon un tic de langage : « par exemple » (à prononcer par exempleuh), un tic de gestuelle qui consiste à me remettre du rouge à lèvre toutes les cinq minutes (il était dur celui-là, j'allais me venger) et le pire : faire des blagues (pas de commentaire).

Mais il ne perdait rien pour attendre, j'allais bien rire quand il allait parler aux professeurs avec cet air hilarant de stupidité la plus profonde... Mwa ha ha.