XX.Dérobade

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Joel écarquilla les yeux, et sans me demander mon avis, répondit hâtivement: 

-C'est bon pour nous, on rentre ensemble.

Depuis quand Joel était protecteur ? Il ne savait même pas où j'habitais !

Passant d'une surprise à l'autre, j'aperçus au loin Nikolas, qui marchait d'un pas déterminé. Mais soudain, sans raison apparente, alors qu'il se dirigeait vers nous, il fit volte-face, et prit la direction opposée.

Était-ce à cause de Joel ?

Joel me raccompagna donc (à pieds, mon vélo n'étant plus de ce monde...). 

Sur le chemin, il aperçut, sorti de mon sweet, le "collier", que je n'avais pas retiré pour deux raisons: je ne pouvais ni moralement (une promesse, même arrachée, reste une promesse !), ni techniquement le retirer car le fermoir était cassé. 

-Où as-tu eus ce collier ? Il est joli !

Quel menteur... Même si la beauté est subjective, cette horreur abominable reste une horreur (abominable) !

Il le toucha du doigt. J'eus l'impression que la pierre devenait glacée...

-Disons que...je suis obligée de le porter.

Il rit et continua d'un ton léger:

-Alors comment vont les cours, Selena ? Tu réussis bien à t'intégrer, à ce que je vois !

Mais je n'allais pas me laisser faire ! Toutes ces futilité ne servaient clairement qu'à une chose: me faire oublier de lui demander la vérité.

-Joel, dis-moi ce qu'il se passe. Je veux la vérité.

Une flamme passa dans ses yeux. Il sourit gentillement: 

-Selena, je ne peux pas te dire toute la vérité pour l'instant...

-Joel ! criai-je.

-...mais je peux te dire que tu es unique mais double. 

Nous étions arrivés. Il jeta un œil (appréciateur ?) à la maison ancienne de mon oncle. 

-Joel, tu avais dit en anglais...

-D'accord, disons que la tuar a raison...

Tout à coup, son téléphone sonna (ou plutôt vibra, car je ne l'entendis pas). 

Il décrocha et me salua en s'éloignant à grands pas. Il avait de la chance que ce coup de fil soit tombé juste au moment où il était obligé de me répondre.

J'ouvrit la porte (et la claquai), énervée de m'être fait avoir. Il était trop gentil.

C'était la chose la plus désagréable, de vivre parmi "ceux qui savent" et d'être la seule à ne pas connaître la vérité.

Accrochant mon manteau, j'eus le sentiment que quelque chose clochait. 

Une impression de déjà-vu me monta au cerveau... Je montai l'escalier en vitesse, des relents métalliques me parvinrent.

Du sang.

Je me mis à paniquer. Je me raisonnai: cela devait être un oiseau ou un chat rendu au même stade que mon vélo !

A nouveau calme, j'ouvris la porte du bureau, d'où provenaient ces relents...

Je manquai de vomir.

Devant moi, défiguré, des blessures tout le corps, se tenait...


Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now