CXVI. Machination Génialissime Ou Super Magouille

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Ou plutôt dans la direction de l'endroit où je me trouvais il y a quelques secondes.

J'étais en effet descendue en vitesse et glissais maintenant mon regard entre deux livres d'une étagère basse, interstice qui ne se trouvait pas en face de Nikolas, ce qui me permettait de voir sans être vue.

Il ne me remarqua donc pas, pas plus qu'il ne se rendit compte de la supercherie. Je souris intérieurement en me plaquant contre l'étagère alors qu'il passait devant ma rangée. Sûrement dans le but de me rejoindre devant la salle de notre premier cours de la journée.

Dès qu'il eut descendu les escaliers les plus proches de la sortie, je me détendis en soufflant. Il n'y avait plus une seconde à perdre. Nikolas allait se demander très rapidement où j'étais. Ou bien, s'il m'avait écoutée, allait me chercher vers les élèves de l'élite, près desquels j'étais sensée récolter des informations.

J'avais ma serviette avec moi, et n'eu d'autres choix que de mettre le livre subtilisé à Nikolas discrètement à l'intérieur, bernant les caméras avec le même stratagème que quelques minutes plus tôt : peu avant d'intervertir les deux livres, j'avais légèrement fait pivoter vers la gauche la caméra qui pouvaient potentiellement capturer mon mouvement plus que suspect.

Les techniciens se diraient qu'elles étaient mal fixées. La faute au stagiaire, à la fatigue... ils se trouveraient sans mal une excuse.

Je descendis l'escalier en colimaçon, passai devant les bureaux et sortis enfin, tout cela sans jamais apercevoir la moindre chevelure ébène mal coiffée.

Mon plan m'avait tout l'air d'avoir merveilleusement bien fonctionné !

Un sourire flottant sur les lèvres, j'avisai quelqu'un de ma classe et le suivis. Je ne savais en effet ni la salle, ni le professeur que nous allions avoir ce matin, pour la simple et bonne raison que je n'avais ni pensé, ni eu le temps de le consulter dans ma chambre ce matin, trop occupée que j'étais à concocter ma machination géniale.

Le camarade que j'accompagnais par derrière entra dans le bâtiment des Nyfødt et, au lieu de monter directement l'escalier qui menait aux salles à l'étage de M. Dreven et de Mme Desmond, ou bien de continuer tout droit vers les salons et l'amphithéâtre ; tourna à gauche dans un court couloir au bout duquel se trouvait un escalier en colimaçon qui pourrait rivaliser avec ceux de la bibliothèque en termes de raideur (et de dangerosité). Ajoutons à cela le fait que l'obscurité et ses recoins invisibles avait élu domicile à cet endroit précis.

Comme si le noir de l'extérieur s'engouffrait visqueusement dans la moindre encoignure un tant soit peu dissimulée.

A l'étage, des lumières éclairaient tout de même par-ci par-là les murs carmin. Le corridor que nous suivions se tordait légèrement vers la droite, certainement car nous longions l'amphithéâtre, qui n'est pas carré.

Cette expédition s'acheva quand j'entendis enfin ma classe au loin. Nikolas était avec eux, ou plutôt à côté d'eux, adossé au mur à la fin du rang. Toujours et sans cesse plongé dans ses pensées.

Au moment où j'arrivai près de lui, la porte de la salle s'ouvrit et une voix suave dit :

Bonjour Nyfødt, vous pouvez entrer.

Je me retournai, avec le mince espoir que ce ne soit pas elle. Mais si. Mme Sandor était bel et bien là, ses talons aiguilles plantés sur le pas de la porte.

Son regard ambré croisa le mien et sa bouche rouge s'étira en un délicat sourire de bienvenue.

Cette hypocrisie me faisait frissonner.

J'entrai dans la pièce, Nikolas derrière moi. Mme Sandor nous fit signe de nous arrêter et attendis que la classe se calme avant de dire :

Vous les avez rencontrés, Kafée et Chokola sont là depuis quelques jours maintenant et ont passé avec succès le test d'entrée. Je leur remets donc le ruban des Nyfødt, couloir bois. Le bois symbolise les connaissances nouvelles que -j'espère- vous acquerrez au cours de ces deux prochains semestres.

Nos camarades applaudirent, la plupart blasés ou un sourire de circonstance plaqué au visage : ils devaient avoir l'habitude des « nouveaux ».

La composition de la salle était encore différente de celle des deux autres professeurs que j'avais pu avoir dans cette école. Les tables étaient disposées en deux arcs de cercles l'un derrière l'autre, ce qui occupait déjà une grande partie de l'espace, sur les murs étaient accrochées quelques biographies et leçon de théorie et le bureau de la professeure était en face des élèves, en opposition. Il n'y avait pas de tableau.

Un grand silence régnait dans la classe, maintenant que le cours avait débuté.

Je notai cependant qu'aucun de mes camarades ne sortait d'exercices, ou ne se mettait à écrire. Ils avaient tous les yeux braqués sur un élève, assis dans le premier arc à droite. De derrière, je ne pouvais pas bien apercevoir son visage, et de toute manière ça ne m'aurait pas davantage avancée puisque je doute de le connaître. Les seuls élèves que je connaissais étaient Ophélia, Arora et Sin, et ils étaient tous les trois installés devant moi.

Mme Sandor se leva soudain et j'eus la nette impression que l'air s'alourdissait et que les respirations se figeaient.

Selena - Les Lunes JumellesWhere stories live. Discover now