78- Epilogue

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Vêtue d'un hanbok de couleur noire, j'essuie mes mains moites sur ce tissu luxueux après avoir porté le cadre photo exhibant le visage de mon père durant une procession diffusée sur toutes les chaines du pays. Son règne présidentiel fut bref, peut-être le plus court au monde. Cette vérité menace de me voler un sourire alors que je dois afficher une tristesse éternelle. A la seconde où les résultats des élections ont été partagés sur les écrans, j'ai trouvé la force de l'appeler. 

— Félicitations papa. Tu viens de gagner un pays mais tu perds ta fille. Puisses-tu réaliser à quel point je te hais et ne pleurerai plus jamais pour toi. 

Les murmures racontent que le néo-président n'a pas su encaisser le choc de l'événement qu'il attendait le plus au monde, après tant d'années d'efforts et de sacrifices, et les félicitations de sa fille chérie. Son coeur a lâché et aucune réanimation n'a pu ramener ce monstre des Enfers où il possède une place attitrée.
De l'annonce, au choix de la maison funéraire jusqu'au bois du cercueil, j'ai tenu ma promesse et n'ai pas versé une larme. Jimin, en tant que gendre et homme de la famille, a été en lien avec le maitre de cérémonie pour prendre le relais même si je me sens en retrait avec tout ça. J'affiche un visage neutre, comme méfiante à ce qui se déroule devant moi, avec toujours en tête la possibilité que cet homme puisse se réveiller. Peut-être qu'un jour je regretterai mes dernières paroles, peut-être qu'un jour je verserai ces quelques gouttes pour ce que nous avons traversé, mais tout ce que je désire pour l'instant est qu'on en finisse. 

Les soixante-douze heures de deuil me permettent de faire le vide avec moi-même, de repenser à ces rares moments où je l'ai vu me sourire et accepter ma présence. Je ne saurais dire s'il m'a un jour aimée, mais de mon coeur d'enfant, je me suis accrochée à celui qui était le seul adulte existant pour m'épauler. Que son âme soit emportée par Jeoseung Saja et qu'il demeure loin de moi. 
Je suis certaine qu'il aurait été ravi du déferlement d'amour de la population envers sa mémoire, lui qui a brillé dans un rôle joué à la perfection jusqu'aux dernières secondes de sa vie. L'image qu'on honore est loin de la vérité, mais je lui accorde ce dernier cadeau tandis qu'un autre prend sa place de président. Il est cocasse que je n'ai finalement jamais visité cette Maison-Bleue dont j'ai tant entendu parler. 

De retour à la maison, je me hâte de retirer ces vêtements afin d'accueillir Aecha. Son inscription au collège du coin est prévue pour la rentrée prochaine mais elle et ma mère sont déjà en plein rangement de leurs affaires dans la demeure qui se trouve au bout de la ruelle. Allongée sur mon lit, je regarde cette petite étaler les habits que j'ai commandés pour les essayer en déambulant avec des escarpins trop grands pour elle. Cette simplicité dans un bonheur sincère me plaît.
Il aura donc fallu attendre mes vingt-et-un ans pour que je commence à vivre. Je ne regarde pas le temps perdu, trop pressée de la folie qui m'attend dans une vie à quatre et tant de rebondissements à venir, et m'empresse de la rejoindre dans son défilé.

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Fin

Comment décrire ce que je ressens ? Cette réécriture a été longue mais tellement puissante en émotions. Il y a tant de points que je souhaitais modifier dans la version originale et j'espère que vous avez adhéré à ce remodelage.
Je voulais écrire l'histoire d'une femme forte sans tomber dans les clichés. Il ne suffit pas de crier et de se montrer arrogant pour en obtenir le titre. Dans la vie, nous souffrons tous de nos faiblesses mais ce qui compte est la façon dont nous nous relevons. Chacun met le temps qu'il lui faut pour faire face au Mal, certain(e)s n'y parviennent jamais mais ne jugez pas. Les violences peuvent prendre tant de formes qu'il est parfois difficile de distinguer ce cri d'alerte silencieux. Le 3919 permet d'offrir une écoute à celles qui en ressentent le besoin. 
Il aura fallu à Jiu de tomber bien bas pour réaliser qu'elle méritait mieux. Elle n'a pas saisi la main de Chris, pourtant tendue à de multiples reprises, car il ne s'agissait pas du bon moment pour elle, ou des mots qu'il lui fallait entendre. Dans la vie, il est souvent difficile de prévoir cet élément déclencheur. Cette histoire se termine à sa façon. Il est des traditions qu'il serait illusoire de prétendre balayer mais j'espère que vous serez malgré tout comblé.

Merci d'avoir pris le temps de lire tous ces chapitres, d'avoir peut-être commenté ou liké. Je vous propose maintenant de découvrir le fameux bonus qui n'a été diffusé que très peu de temps pendant la publication de la première version. Un petit indice: ça se passe à quatre.

LilouMeow

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseWhere stories live. Discover now