8- Bad idea, right?

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Ma réaction se fait attendre, devant sa déclaration qui ébranle la confiance que j'avais acquise à l'idée que je lui plaise. Il est possible que cet inconnu se soit renseigné sur mon nom puisque je suis une personnalité populaire sur le campus ainsi que dans les médias mais, pour me séduire, il n'aurait jamais usé de formule de politesse. Ayant grandi dans ce monde fait de plumes et de coton pour me préserver de la rudesse de la vie, je reconnais là la carrure d'un bodyguard, sûrement celui dont parlait Namjoon, qui devait prendre ses fonctions incessamment. Mon égo se tord à l'idée que je ne l'ai jamais intéressé, contrairement au film que mon esprit et mon coeur se sont créés. 

La sensation de ses mains sur mon corps prend une toute autre tournure, dont l'agacement qui s'impose. Que tout cela ne soit qu'un stratagème pour me sortir d'une situation complexe me donne envie de lui prouver que je suis tout à fait capable d'affronter mes démons sans son aide. J'entame donc un retrait pour qu'il prenne de la distance mais son corps revient à l'assaut avec sa voix envoutante qui ébranle à nouveau ma carapace que son simple regard a fissuré. 

— Attends encore un peu, il n'a toujours pas fait demi-tour. 

Trop d'émotions se contredisent au fond de moi, dont l'envie d'obéir à ses indications mais aussi celle qui me hurle d'agir en contradiction pour imposer mon indépendance face à ce monde de la sécurité qui me donne bien des ordres depuis bien trop longtemps. 

— Et comment pouvez-vous le savoir, Monsieur Chris? Bougonné-je en marquant la distance orale qu'il ne m'accorde pas physiquement. 
— Tout simplement parce que je le surveille dans le reflet de la baie vitrée. Je vais à nouveau vous embrasser pour marquer mon territoire. Si vous me le permettez, susurre-t-il à bout de lèvres. 

Et ma rancœur s'envole aussi vite que mon coeur se remet à battre à l'idée que je partage son goût sucré. Le garde du corps s'empresse de répartir sa saveur sur ma langue. Mes terminaisons nerveuses s'enflamment pour laisser le désir prendre possession de mes pensées. J'oublie tout à coup mes convictions d'opposante à ce système régi par le contrôle et l'invite à rencontrer ma chair qui se frotte contre lui. 

— Je croyais que Namjoon avait dit que la bière, laisse-t-il échapper entre deux baisers langoureux. 
— Il m'avait permis deux verres, protesté-je en le fixant dans le blanc des yeux. Mais il n'a rien précisé pour la vodka. 

Afin de l'empêcher de me reprocher ce liquide qui aiguise ma gorge et ma répartie, je prends le parti d'accrocher mes bras autour de son cou pour unir à nouveau nos bouches. Même si je le sens grogner de désapprobation devant cette fuite peu subtile, mon nouveau bodyguard n'ose pas me repousser, et continue de jeter quelques coups d'œil discrets derrière moi. J'en viens à espérer que DoHyung s'enracine au milieu de cette piscine pour me permettre de profiter plus longuement de ce moment qui se transforme en affrontement audacieux. 

— Et je croyais que la consigne avait été la discrétion, me reproche-t-il en caressant de son pouce l'attache de mon soutien-gorge qui ne désire plus que de lui céder dans la seconde. 

Mon égo s'agace de laisser échapper un gémissement de plaisir avec un spasme qui crispe mon intimité, qui j'espère s'est fait discret. Ma cheville, quant à elle, prend l'initiative d'enrouler ma jambe contre son mollet pour qu'il devienne le pilier de ma décence. 

— Je croyais que les rapprochements étaient interdits entre la cliente et le bodyguard, riposté-je. 

Alors que je pensais prendre le dessus dans notre dialogue impétueux, ses paumes saisissent mes cuisses pour que je puisse nouer mes jambes autour de sa taille et prendre mes aises contre son corps. A sa façon de me regarder, je comprends qu'il ne me sera pas facile de lui mener la vie dure comme aux autres gardes que j'ai connus, tout simplement car il ne me laisse pas indifférente. Toutefois, son expiration s'accélère, me laissant à penser qu'il n'est pas aussi à l'aise qu'il veut le prétendre. 

— Je suis en infiltration pour limiter la casse, mademoiselle Jiu. 
— Je m'en sortais plutôt bien, je trouve. 
— Nous verrons bien ce que Namjoon en pensera. 

Cette information me fait grimacer, rien qu'à l'idée de la soufflante qui m'attend. Je ne suis pas sûre que l'effeuillage de la fille du candidat favori soit une aide pour la campagne. 
Et les minutes passent alors que nous gardons cette position maximisant la proximité. Je ne souhaite pas me décoller un jour de sa peau, même si je donnerais cher pour contrer ce regard provocateur qui me fait comprendre que mon statut n'aura pas raison de ses convictions. 

— Je crois qu'il est l'heure de rentrer à la maison, Jiu, finit-il par me dire. 
— Plus de mademoiselle? On se tutoie maintenant? Il est vrai que je n'ai jamais partagé ma salive avec les autres gardes et que nous n'en sommes plus aux formules de politesse depuis longtemps. Après... Ils m'ont vu à de nombreuses reprises en petite...

Ses mains me lâchent brutalement et je reste abasourdie en comprenant que je suis littéralement abandonnée dans ce bassin parmi les autres fêtards sans aucune explication. Quelques éclaboussures et je le perds de vue, me confirmant que cet individu maitrise parfaitement son métier et celui du goujat. 
Vexée et honteuse de l'image que je dois renvoyer après m'être dénudée, frottée à un homme et retrouvée seule, je me fais petite tandis que je tente par tous les moyens d'atteindre les marches de la piscine. Plus je peine dans ma tâche, moins je trouve d'excuses à cet homme dont le métier est de prendre soin de moi. Lorsque j'atteins enfin le transat, je ne repère plus ma robe qui y reposait et me retrouve en lingerie au milieu d'une fête dont les téléphones sont braqués sur moi. Un simple regard vers DoHyung réinstallé à l'autre bout du bassin comme un pacha et je comprends l'erreur que j'ai commise. Aussitôt, je m'imagine déambuler sous les rires et moqueries et quitter cette villa en faisant davantage d'esclandre que je ne le voulais, mais l'homme qui a toujours été là pour me secourir dans la vie débarque à point nommé. 

— Tu vas attraper froid, Jiu, me met en garde Han. 

Le coeur pansé par sa douceur et les attentions qu'il ne porte qu'à moi, comme cette chemise qu'il retire pour que je puisse m'habiller, me rappelle la chance que j'ai de l'avoir dans mon existence. Mes pieds se glissent dans les escarpins à proximité et je quitte avec soulagement cette fête qui n'a rien d'un moment de plaisir, en compagnie de mon meilleur ami. Cette méfiance n'est pas partagé par Han qui ne cesse d'évoquer ses envies de plan à trois ou de me conter les rencontres et numéros de téléphone qu'il a récoltés pendant cette soirée.

Lorsque nous passons le portillon bien gardé, je m'étonne de constater que Chris ferme la marche et me questionne sur le moment où il nous a rejoint. Afin de piquer sa fierté, je me rapproche autant que je le peux de celui qui partage bien plus que mes secrets et m'installe sur la banquette arrière tandis que le chef de la sécurité s'entretient avec le nouveau garde. Et les grimaces que j'aperçois me laissent deviner que je risque de passer un sale quart d'heure, une fois à la maison, au risque de ne plus voir la lumière du jour. A la force dont la portière avant est fermée, je sais qu'il n'y a plus aucun espoir. 

— Namjoon, je...
— Non! Me coupe-t-il. On en parlera à la maison. Là, je ne veux pas t'entendre. 

Mon trouble de l'opposition et de la provocation se fait tout petit jusqu'à disparaitre pour ne laisser que le regret de ne pas être celle que l'on attend. 

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant