51- Petite effrontée

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Chris

Je suis heureux de nous voir enfin rentrer au domicile après cette longue journée de propagande électorale. Le porte-à-porte n'a jamais été aussi délicat à encadrer. Je n'envie pas l'équipe principale qui gère la sécurité du candidat au quotidien. Chaque habitant est un potentiel problème qu'il faut résoudre en toute discrétion alors que trois caméras sont constamment pointées sur nous. Monsieur Choi est très populaire, c'est indéniable. La foule voit en lui un sauveur ou une source d'occupation. Le sujet de sa fille est très souvent revenu sur le tapis, comme si ses fiançailles étaient la préoccupation numéro une du pays. Ces gens savent parfaitement ce qu'ils font et je me rends compte aujourd'hui de l'importance qu'a notre petite princesse dans cette course à la Maison-Bleue. Le peuple vote pour un visage qu'il connaît, pour une idée de ce qu'il se fait de la présidence, un packaging idéal sur le papier. Celui qui a élevé seul sa fille et semble lui vouer un amour infini ne peut être qu'un bon représentant du peuple.

Erreur.
Il s'agit du pire manipulateur que j'ai vu. Même DoHyung n'est pas assez intelligent pour élaborer de tel plan. Et mes piètres tentatives pour évoquer la situation absurde d'un agresseur devenu fiancé se sont soldées par des regards intimant le silence. Tout cela n'a jamais existé. Voilà ce qu'il en ressort. Ces jeunes sont amoureux parce qu'il l'a décidé. Et ils se marieront pour lui être d'une utilité. Négocier est une perte de temps et d'énergie. Ce qui me pousse à me demander comment est-ce que je vais sortir Jiu de là. L'hypothèse de l'enlèvement devient intéressante et moins risquée judiciairement que le meurtre.

Lorsque nous arrivons à la villa, nous sommes informés du retour imminent de l'équipe nouvellement alpha. Changbin, taupe imposée dans ce groupe, saura me rendre compte des éléments de la journée mais mon souhait est exaucé plus tôt que prévu.

— Qu'est-ce qui se passe ? Demandé-je en observant l'agitation chez Doona qui accueille Monsieur Choi avec plus de précautions que prévu.
— La gamine a encore merdé. Et grave.

Des images de Jiu giflant DoHyung effleurent mon esprit et m'apportent une certaine satisfaction, compensant l'angoisse que cet homme explose après s'être retenu toute la journée. Son jeu est millimétré en façade et il ne laisse rien passer à sa fille une fois de retour dans la sphère privée.
Mon amante secrète passe la porte principale et commence à se diriger vers l'escalier mais plusieurs hommes l'en empêchent, la dirigeant vers le petit salon.  Évidemment, nous sommes tous conviés à ce recadrage déguisant un plaisir de l'humiliation.

— Voilà cette petite effrontée. Viens-là que je t'apprenne les manières. Un arbre centenaire qu'on a presque dû abattre à cause de tes stupidités. 

Doona se sent pousser des ailes et saisit une poignée de cheveux de Jiu pour la forcer à se rapprocher de son père mais une claque s'abat aussitôt. Le choc se lit sur le visage de tout le monde. L'assistante se tient la joue, outrée d'avoir été atteinte physiquement et moralement.

— Comment oses-tu ?
— Pose encore la main sur moi et ce sera le poing.
— Je... je... JaeMyung ! Fais quelque chose. Punis-la. Frappe-la. Tu as tout mon soutien. Recadre ta fille comme il se doit. Et toi, petite peste, ne compte pas sur moi pour te soutenir une seconde face à madame Kim ce soir. Je vais la regarder te malmener comme un misérable petit insecte qui...
— Ça suffit, Doona. Laisse-nous.

L'assistante hausse un sourcil, surprise d'être coupée dans sa menace, puis réajuste son tailleur comme si elle prenait note de son congé. Un idiot y verrait le réveil d'un père. Depuis le temps que je travaille ici, je sais qu'il n'en est rien. Il s'agit surtout d'un homme agacé d'entendre une vieille folle piailler.
Jiu a dû sacrément amocher l'héritier monoboule pour déclencher une telle panique. J'essaie de me rapprocher subrepticement de Changbin pour obtenir quelques informations mais Namjoon se fait un plaisir de contrer mes plans. Le vieux Choi a le temps de poser son verre d'alcool pour affronter le regard téméraire de sa fille. Rien de bon ne peut sortir de ce duel.

— Tu as osé, gonde-t-il.
— J'ai fait une erreur, répond-elle. Je suis majeure, j'aurais dû passer par la porte.

Mon incompréhension se sent isolée. Je dois faire partie des rares qui ignorent quel acte elle a pu commettre, mais les réponses arrivent les unes après les autres.

— Tu m'appartiens, jusqu'à ce que tu prononces tes vœux devant l'autel.
— Mauvaise nouvelle. Il n'y aura pas de mariage. Surtout pas avec lui. 

La main de l'homme se lève et s'abat avec violence, provoquant une angoisse dans mon corps mais seul le vent est fendu. Monsieur Choi regarde sa fille qui s'est reculée d'un pas comme s'il s'agissait du pire affront.

— L'époque où je me taisais est révolue.
— Tu n'auras pas le choix.
— Pourtant j'en fais un.
— Tu te marieras.
— Oui. Avec l'homme qui me plaira.
— N'as-tu pour seule envie que je te jette à la rue sans un sou ?
— Tu me ferais le plus beau cadeau en m'offrant la liberté.

À chaque réponse, la colère grandit dans le regard de ce père qui réalise pour la première fois ne plus contrôler sa fille.

— Alors je ferai de ta vie un enfer. Tu n'auras plus jamais l'occasion de t'enfuir, ni d'aller voir cette femme.
— Ma tante ne semble pas t'apprécier, c'est bizarre. Je me demande bien pourquoi.
— Tu n'auras plus accès à tes réseaux tant que tu ne changeras pas d'attitude. Ton téléphone restera en notre possession. Et tu peux oublier tes cours de faculté. De toute façon, en tant que femme, tu n'auras qu'à t'occuper de la maison.
— Longue vie à la soumission, réplique-t-elle avec un sourire.

Je reconnais être subjugué par ce petit brin de femme qui affronte la tempête sans sourciller. Mais elle n'imagine pas dans quel chaos elle se précipite. Il est illégal de retenir une personne contre son gré mais monsieur Choi est à deux pas de la présidence et son élection, quasiment validée sans adversaire solide. Apprendre qu'elle a tenté de fuir ce matin ruine mes plans puisque la sécurité va être renforcée. La prochaine fois, il faudra vraiment qu'on se concerte.

Le maître des lieux annonce la condamnation de sa fenêtre avec des travaux imminent et renvoie sa fille dans sa chambre, jusqu'au dîner qu'elle subira en compagnie du dragon et de la mère d'un dégénéré.
Peu importe les ordres de Namjoon, je me faufile derrière elle pour pouvoir faire la vérification et enfin lui parler.

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseWhere stories live. Discover now