13- Les ramens

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Les heures qui passent n'apaisent pas ma colère sur la différence de traitement entre un homme et une femme face au sujet du sexe, mais je dois reconnaitre que la migraine qu'elle réveille n'est pas agréable. Malgré les massages à répétition et le cachet que j'ingurgite, je tourne en rond dans ce lit et décide de m'offrir une balade dans les cuisines, me moquant de l'heure tardive. Il me suffit d'enfiler mon kimono pour sentir les spasmes d'appétit me motiver dans ma démarche. 
En ouvrant la porte, j'ai la crainte de tomber sur l'un de mes bodyguards revenus de leur journée de repos mais personne ne se dessine à l'horizon. Ce calme plat n'est ni habituel, ni pour me déplaire. Dans un semblant de normalité, je sifflote jusqu'à la cuisine et commence à ouvrir les placards puisqu'aucune marmite ou poêle ne traine sur le feu. Dans le réfrigérateur, les restes sont également aux abonnés absents, me laissant accepter l'idée qu'il va me falloir cuisiner pour me sustenter. N'étant pas un cordon bleu, j'opte pour la simplicité avec les ramens dont les sachets sont rangés en haut des placards. L'idée d'Ana, notre cuisinière, doit être de rendre le terrain hostile pour tout intrus dans sa cuisine. 

Je récupère donc une chaise et commence mon ascension vers le bonheur culinaire quand deux paumes me surprennent et se positionnent sur mes hanches pour me maintenir. Ma surprise laisse place au soulagement de constater que Namjoon assure mes arrières, le torse nu luisant de sueur et le jogging descendu si bas que ses abdominaux n'ont maintenant plus aucun secret pour moi. 

— T'as décidé de te tuer à deux heures du matin? Me demande-t-il à bout de souffle. 
— L'idée était plutôt de me nourrir et je m'en sortais bien avant que tu ne déboules comme un ninja. 
— Balance-moi celui que tu veux manger et je m'occupe de tout. 
— Merci mais je sais c...

Le mot n'a pas le temps de s'échapper de mes lèvres que je suis portée avec facilité pour constater que mon postérieur git maintenant là où trônaient mes pieds, sur cette chaise. Sans me demander mon avis, le chef de la sécurité récupère la nourriture et s'agite en remplissant l'eau de la casserole pour la faire bouillir. Je m'apprête à lui signifier la façon différente dont j'aime bien les préparer mais il pose son doigt sur ma bouche pour m'intimer de me taire et continuer sa préparation comme s'il était le maître de ce lieu. 

— Tu as eu peur tout à l'heure? Pendant le confinement. 
— Pas vraiment. Je n'ai jamais vraiment eu de raison de m'inquiéter jusqu'à présent. Vous avez toujours été là. Et puis, Chris ne m'a pas quitté. 

Sa cuillère touille les nouilles et les épices rajoutés pour apporter du goût au bouillon. S'il me tend le couvert pour me permettre de goûter et de donner mon avis sur sa préparation, le chef de la sécurité se doute que ce n'est pas ce que je préfère dans ce plat puisque le bol qu'il prépare ne contient quasiment que des nouilles, sans viande par manque de temps. Nos baguettes en main, nous commençons notre dîner entremêlé d'une discussion qui le taraude. 

— Il s'est bien comporté dans ta chambre? C'est un nouveau donc je l'ai encore à l'oeil mais si tu vois qu'il dérape, n'hésite pas à me le dire. 
— J'avais l'impression que ça ne te gênait pas quand c'étaient les autres qui me parlaient mal... Pourquoi cette soudaine remise en question des comportements à mon encontre? 
— Ca n'arrivera plus, Jiu. Leur attitude sera irréprochable avec toi. 

Cette promesse me convainc d'un apaisement de façade alors que je n'ignore plus leurs pensées à mon encontre. Il est difficile d'accepter que l'on renvoie de moi une image si déplorable. Ca ne me viendrait jamais à l'idée de dire ses quatre vérités à la personne qui m'emploie, ni même à quelqu'un que je n'apprécie pas. Exception faite pour DoHyung. 
Mon regard accroche son torse quasiment imberbe dont la largeur des pectoraux dépassent la paume de ma main. La silhouette que j'admire n'a plus rien à voir avec le jeune garde du corps qui prenait son service à l'époque. Namjoon s'est embelli avec le temps mais ne possède toujours aucune bague à son annulaire gauche. Je ne sais rien de sa vie, tout comme celles des autres employés. Bien souvent occupée à me plaindre de mes charges, je ne prends jamais le temps et le risque de m'ouvrir aux autres, fuyant la vulnérabilité des liens amicaux.

— J'aime bien quand tu m'observes sous toutes les coutures, lâche-t-il avant d'aspirer sa nourriture. 

Rougie par la honte, je bafouille et tente de camoufler mon exploration visuelle derrière une excuse toute sauf crédible. 

— Je constatais juste que tu sortais de la salle de sport. Ca me fait penser que je dois travailler mes cuisses demain avant que Doona ne me fasse une diatribe sur ma peau d'orange. 
— Elle peut être vraiment casse-couille quand elle le veut, m'avoue-t-il. Mais garde ça pour toi, je nierai l'avoir prononcé. Et je n'étais surtout pas préparé à devoir te suivre ici. 

Ce moment de connivence fait du bien à mon coeur, un peu trop abandonné ces temps-ci. Je peux être étouffée par ce monde fait de sourires hypocrites et de conversations soporifiques, pourtant je n'ai jamais réellement trouvé quelqu'un à qui confier mon mal-être, si ce n'est Han et Hwasa que je ne veux pas épuiser avec mes stupides déboires de gosse de riche. 

— As-tu une idée de pourquoi mon père a élargi ma protection? Suis-je si difficile que ça à vivre au quotidien?
— Je ne vais pas te mentir, tu es une tornade mais depuis le temps, j'ai appris à savourer l'air décoiffé que tu me donnes. 

Je ne me retiens pas de le pousser devant sa métaphore et ne ressens quasiment pas de regret devant les quelques gouttes de bouillon versées sur la table. Le temps que je récupère un essuie-tout, Namjoon appuie sur son oreillette puis la retire pour la placer dans sa poche. Cela m'étonne venant de la part de celui qui gère la sécurité de la villa mais peut-être a-t-il fini son service? 

— A vous entendre, je saute sur tout ce qui bouge mais sois honnête, Kim Namjoon. Suis-je vraiment la pute que vous décrivez? 
— La... Mais non. C'est juste que ce n'est pas habituel pour les gars de côtoyer une fille à l'aise dans son corps. Puis, tu ne laisses personne indifférent donc ça doit leur monter au cerveau. Mais... Ce qui nous choque le plus, c'est quand même ta relation spéciale avec ton pote amoureux. 
— Han est mon meilleur ami, il n'y a pas d'histoire d'amour là-dedans. 
— C'est toi qui le dit. Mon métier est d'observer et je peux te dire qu'il gicle rien qu'à l'idée de savoir que la fille la plus bonne de toute la Corée ne réserve son lit qu'à lui. 
— Tu mythonnes, cher patron de la surveillance. J'ai été en couple à de multiples reprises et Han a toujours été heureux pour moi. 
— Rappelle-moi quelle a été la durée la plus longue de tes romances légères? 

Je me refuse de répondre à cette provocation, tout en sachant que je ne saurais quantifier mes histoires en mois, à défaut de semaines. Mais mon meilleur ami ne peut pas être jugé coupable et responsable de mes choix de coeur. 

— Tu ne t'investis car tu sais que tu ne seras jamais en manque, que ce soit en sexe ou en câlins. Résultat, rien ne dure. Et lui, il n'a pas besoin de lever le petit doigt pour te retrouver. C'est malsain. 
— Ca m'a surtout l'air d'une sacrée crise de jalousie que tu me fais. 
— Tu doutes vraiment de mes constatations, Jiu? Alors je te mets au défi de lui refuser ton corps puisque votre amitié est au-dessus de tout ça, comme tu le prétends. On va voir combien de temps il va mettre avant de paniquer en réalisant qu'il ne sera plus que l'ami sans les avantages qu'il n'aurait jamais dus avoir. 
— Je relève ton stupide challenge pour avoir le plaisir d'entendre tes excuses. Et que souhaites-tu de ton côté? 
— Oh, ne t'en fais pas pour moi. Rien que l'idée de le savoir loin de toi me satisfera. 

Cet aveu me met soudainement mal à l'aise mais je n'ai pas le temps de développer le sujet que Chris fait son apparition, l'air renfrogné mais à l'encontre de son patron. Celui-ci réduit drastiquement l'espace entre nous, ce qui n'est pas du goût de Namjoon qui se redresse pour marquer sa supériorité physique quasiment inexistante. 

— J'essaie de te joindre depuis tout à l'heure pour que tu prennes la relève. 
— Je pense que tu pouvais bien patienter quelques minutes, le temps que je fasse à manger à Jiu.
— Elle était affamée si j'en crois les deux bols... Je ne savais pas qu'on pouvait dîner en tête à tête avec la cliente. Tu comptes passer au digestif maintenant?
— Reste à ta place, Chris Bang. Et je te ferais remarque que pendant que tu es ici, personne ne surveille les bandes. 
— Donc tu devrais te dépêcher de retrouver ta place, patron

La tension est palpable entre les deux gardes et j'en viens à me demander d'où Chris sort cette assurance pour oser parler sur ce ton à son supérieur. Un renseignement auprès de Doona s'impose pour en savoir plus sur ce recrutement qui sort de l'ordinaire. 
Gonflé par l'agacement, Namjoon ordonne à son subalterne de nettoyer le bazar que nous laissons tandis qu'il annonce mon retour jusqu'à ma chambre. Ne voulant pas m'immiscer dans leur guerre froide, j'obéis sans broncher et finis tranquillement dans mon lit à me concentrer sur ce deal dans lequel je me suis engagée. 

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseWhere stories live. Discover now