Bodyguard : Le Soldat et la Promise

56- Derniers rayons de soleil avant l'obscurité

Encore choquée par la nouvelle, je peine à réagir quand nos gardes du corps font leur retour dans la salle. Tous observent le désordre que nous avons mis, organisant une compétition d'histoires d'amour pour trouver le couple ultime. Mais il faut croire que notre délire est vu comme une niaiserie par ceux qui ignorent les bienfaits de ce passe-temps. Le chef de la sécurité de Jimin se permet même de gagner du temps en se penchant pour commencer à ranger les ouvrages sans prendre le temps de se questionner s'il les place dans les bons rayons. 

— Non, laissez. On s'en occupe, lui dis-je pour ne pas l'embêter davantage mais tout ce que je récolte est un regard infantilisant et gratuit.
— Lucas, elle t'a demandé de cesser de mettre la pagaille, intervient Jimin d'une voix autoritaire. 
— Excusez-moi monsieur, mais c'est déjà la pagaille. Et vous êtes attendu à l'entreprise de Monsieur Park père. Alors, autant s'y mettre tout de suite. 

Je suis étonnée du répondant effectué devant témoins et m'interroge s'il n'y aurait pas une rébellion générale des gardes du corps dans tout Séoul. Pourtant mon hôte me prouve à quel point la patience et le calme sont des qualités dont il use facilement. 

— Est-ce que tu veux prendre un café avant de partir, Jiu ? 
— Oui.
— Non, me coupe Lucas. Hum... Monsieur, comme je l'ai indiqué, notre timing est très serré.
— Jiu, peut-être nous faudrait-il les laisser et ne pas les déranger davantage ? Propose Chris. 
— Mais elle ne me dérange pas, le contredit Jimin qui réunit le dernier livre de la pile qu'il me prête. Ca, c'est pour toi. Tu peux me les rendre au fur et à mesure ou tous d'un coup. Je te laisse gérer l'emprunt. 
— Il faudra que je pense à emmener ma carte de bibliothèque à chaque fois. 

Jimin sourit à cette remarque légère et stupide qui sort de ma bouche alors que je sens que j'épuise les hommes qui nous entourent. Je décide donc de ne pas abuser de plus de temps et fixe Chris pour qu'il récupère une partie de la masse que je porte. Connaissant Namjoon, s'il ne reçoit pas quelque chose en échange, je peux oublier ce geste de gentillesse. Quand je repense à notre relation d'il y a quelques mois, cela me semble irréel. Nous étions complices, voir même séducteurs mais tout a changé avec l'arrivée de DoHyung et ses prises de position qui n'ont cessé de me décevoir. Je n'accepte pas la jalousie qu'il exhibe face à Chris et son besoin de contrôler ma vie sans me laisser l'opportunité de m'épanouir. Namjoon avait le rôle parfait du gardien quand j'étais soumise. Maintenant, cette période est révolue et nous ne nous reconnaissons plus. 

Lorsque nous passons devant le salon en direction de la sortie, je me rends compte des heures qui se sont écoulées dans cette petite bulle. Jimin est exactement comme je m'en faisais l'idée, l'épaule sur laquelle j'avais besoin de m'appuyer le temps d'un instant. Près de notre véhicule, je ne manque pas de le remercier mille fois pour ce moment de bonheur qu'il m'a offert dans le chaos de ma vie et le laisse à ses obligations. Je ne sais si nous pourrons réellement nous revoir aussi souvent qu'il l'a proposé. Lorsque DoHyung détruira ma vie, je n'aurais peut-être plus l'envie de me rendre compte qu'il existe des hommes bons dans ce monde de richesse. Je n'ose même pas imaginer comment la cohabitation se fera avec Chris avant que nous n'organisions une fuite du pays car notre histoire n'a malheureusement pas beaucoup d'alternatives. 

Je verrouille mon esprit en même temps que le portail s'ouvre et me promets de chérir les biens qu'il m'a prêtés. Le temps me parait alors beaucoup trop court pour me ramener à ma prison. Je décide de tenter de convaincre les gardiens de ma sécurité d'allonger notre distance. 

— Est-ce qu'on aurait le temps de se balader avant de rentrer ? 
— C'est le plan que tu as monté avec lui pour t'enfuir, pendant qu'on était en cuisine ? Me questionne Namjoon, agacé. 
— Non, pas du tout. Je veux juste... me vider l'esprit. Si tu as peur de quitter Séoul, on peut juste faire une marche jusqu'à la N Seoul Tower, en haut du mont Namsan, afin de voir le coucher de soleil. 
— A ton allure, on en aurait pour trois quarts d'heure de marche et tu n'as pas les chaussures adaptées. 
— Tes préjugés ne me font pas honneur. Ai-je la possibilité de te prouver que tu as tort ? 

Commence alors une discussion entre les deux hommes sur la nécessité de dévier du plan qui consiste à me ramener à la villa et à m'enfermer jusqu'au prochain rendez-vous à Fairytale avec mon fiancé. Chris vante ma soumission du jour et obtient l'accord d'une balade avec, toutefois, un renforcement de la sécurité. Lorsque nous arrivons au pied du sentier avec des escaliers, Hoseok, Jin et Changbin viennent compléter cette surveillance. Ce dernier a la gentillesse de m'aider à chausser les baskets apportées qui déteignent avec ma tenue mais me procure un confort agréable. Ainsi nous nous lançons dans une montée à travers le parc avec une pente qui fait regretter le bus qui longe l'extérieur jusqu'au sommet. Aucun d'entre nous ne parle, comme si nous étions tous abattus par cette situation. Namjoon se retient de me faire remarquer que je peine dans les derniers mètres et est surpris par la main de Changbin qui me pousse dans le dos pour me donner un peu d'élan. Chris se positionne devant moi et me tire en avant avec le poignet, me permettant de ne pas faiblir dans le rythme imposé. Nul doute que nous provoquons plus d'interrogations que d'habitude mais je profite du fait que Doona n'a pas dévoilé ce qu'elle a vu pour garder une proximité avec ceux que j'apprécie. 

Lorsque nous arrivons sur l'esplanade qui ouvre sur des petits magasins de souvenirs et l'entrée de la tour, nous nous dirigeons vers le point de vue où sont accrochés des milliers de cadenas, symbole d'un amour qu'on veut voir perdurer. Les touristes et marcheurs ne font pas attention à moi et me laissent admirer les derniers rayons de soleil qui nous éblouissent. Le temps s'arrête une nouvelle fois et me permet de rêver à une vie que je n'aurai pas. Quelques larmes coulent sur mon visage mais à aucun moment je ne me plains. Les choses sont ainsi et je n'ai plus le luxe de me lamenter. Discrètement, je vois Changbin revenir avec un objet et l'accrocher aux grilles. Hoseok se moque de son geste puis vient l'heure de redescendre. 

— Nous allons prendre le téléphérique, nous annonce Namjoon. 
— Pourquoi ? 
— J'ai reçu un message. Nous sommes attendus. On ressort ce soir.

Un nouveau dîner mondain doit être au rendez-vous pour la campagne qui arrive à son terme. J'agis donc docilement jusqu'à ce que nous soyons enfermés dans cette cage au-dessus du vide. Changbin profite du bruit des machines pour se pencher et me glisser quelques mots qui réveillent un espoir que je ne voulais plus ressentir. 

— J'ai mis vos noms. J'espère que ça vous portera chance.