63- Le coup de sang

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C'est avec une immense joie que je fais mon sac pour me rendre en cours le lendemain, fantasmant sur du droit civil et des codes en folie. L'équipe chargée de ma protection ne parvient pas à canaliser ma fougue et se voit obligée de me poursuivre tandis que je cours vers l'amphithéâtre qui accueillera ma première heure de la journée. Peu d'étudiants découvrent mon retour puisque beaucoup profitent du soleil avant de pénétrer dans l'obscure salle déprimante. Mon sourire se prépare à chaque entrée, souhaitant voir apparaitre celui qui m'a tant manqué mais j'enchaîne les faux départs. Et malheureusement pour mon coeur, mon meilleur ami ne m'adresse aucun regard lorsque vient son tour de s'installer. Cela ne me décourage pas pour autant même si je reconnais avaler moins facilement ma salive. Sans hésiter, je me lève et monte de quelques rangées jusqu'à buter devant la jeune fille qui nous sépare.

— Excuse-moi, est-ce que tu veux bien me laisser ta place ?
— J'vois pas pourquoi, me répond-elle avec un œil à l'affût de mes défauts.
— J'ai besoin de discuter avec Han.
— Et moi j'étais là avant donc va voir ailleurs si j'y suis.

Je reste stupéfaite du manque de maturité dont fait preuve cette erreur de la nature et jette un regard à mon meilleur ami, concentré à fixer le bureau encore vide sur l'estrade. Après tous les messages que je lui ai laissés, les excuses présentées et ce premier pas, je console ma fierté mise à mal et décide de limiter les dégâts pour ce jour. Je pivote prête à m'en aller mais un bruit de chaise qui se rabat contre le dossier me fait sursauter. Han me fait face et désigne la porte d'un coup de tête.

— Si t'as envie de parler, c'est maintenant mais t'as intérêt à ne me sortir que la vérité.
— Je le jure, lui dis-je en levant la main comme dans ces films américains.

Nous croisons le professeur entre les portes battantes et je peux sentir la désapprobation de Jin, qui désespère de me voir manquer le premier cours après ma réhabilitation. Mais Han se situe en haut de mes priorités, surtout s'il m'offre une chance de m'expliquer. Nous sortons du bâtiment pour nous installer sur un petit banc, au calme tandis que les étudiants terminent de retrouver leur salle d'étude. Mes ongles finissent par marquer la peau de mes cuisses, tant je suis stressée mais mon meilleur ami intervient pour les tranquilliser en les caressant. Ce simple geste envoie des pulsions de bonheur dans mon coeur alors que nous sommes assis côte à côte sans encore avoir rien dit.

— C'est si catastrophique, ce que tu as à me raconter ?
— Tu n'imagines pas...
— Je me souviens parfaitement avoir été humilié par ton fiancé sans que tu n'interviennes. Difficile de l'oublier. Alors je me demande ce qu'il y a d'autre ? 
— Et je ne mérite pas ton pardon pour cela, même si j'ai une bonne excuse.

Han ne s'émeut pas de mon humilité et patiente le temps que j'expose les faits. Il ne me fera pas de cadeau car je l'ai profondément blessé. Nous n'avons jamais connu de tel drame dans notre amitié et c'est la première fois que je prends conscience qu'elle n'est pas une chose acquise et éternelle.

— J'ai été forcée de me lancer dans cette histoire fictive avec DoHyung. Doona vous a menacés, toi et ta famille, pour que je joue le jeu alors que tu sais ô combien je le déteste. Il fallait que je prenne de la distance pour te protéger.
— Conneries. Rien ne m'aurait empêché d'être près de toi. Pas même des menaces comme tu dis.
— Voilà, c'est exactement la réaction que je savais que tu aurais si je t'en parlais. Elle t'offrait un avenir royal à Busan en échange de ma collaboration et je me trouvais égoïste de vouloir te garder avec moi en entraînant la faillite de l'établissement de tes parents. Je n'aurais jamais pu me regarder en face après ça.
— Jiu, tu sais parfaitement que nous préférons les actes honnêtes, quitte à souffrir un peu plus dans la vie. Mes parents ne t'en auraient jamais voulu.
— Même lorsqu'ils n'auraient plus de quoi payer leur loyer ? Ne sois pas naïf. La difficulté de la vie réveille la colère des gens. J'aurais été la première cible.

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant