2- Négociation sans issue

7.3K 404 141
                                    

La seule raison de ma présence sur ce balcon ayant été éjectée dans la nature, je regagne ma chambre, encadrée par Hoseok et Jin, deux autres gardes du corps qui oublient un peu trop souvent la distance et le respect qu'ils devraient me témoigner. Il semblerait que l'âge et le fait que je ne sois pas celle qui règle les salaires influent grandement sur leur audace. 
Je suis à peine arrivée à la moitié de l'escalier que j'entends mon père réagir avec excès devant l'annonce de ma tentative de consommation de cigarette. Namjoon ne m'étonne plus avec ses rapports assassins qui ne font qu'aggraver mon cas. Il n'y a aucune solidarité dans la relation qui m'unit à ces hommes. 

— Pourquoi t'as toujours besoin de contredire ses plans? Me reproche Jin. 
— Et pourquoi ne gardes-tu pas tes remarques pour toi comme les bodyguards que l'on voit dans les films? 
— T'as juste à te tenir tranquille pendant encore quelques mois? Tu ne peux pas montrer un peu de soutien et de reconnaissance à ton père? 
— C'est une pourrie gâtée, ajoute discrètement Hoseok.

J'ai beau avoir une carapace épaisse, leurs remarques me touchent en plein cœur. Ces personnes extérieures ne voient que les sourires du moment et les poses pour les photographes. Moi, je vis chaque matin depuis quinze ans avec un programme à respecter pour jouer le jeu de la petite famille solide et revancharde sur la vie. Mon existence n'est qu'un scénario dont mon père en écrit le script, et si je cède cette fois-ci, cela engendrera des dizaines d'autres sorties auxquelles je ne participerai pas. 

Une fois arrivée devant la porte de ma chambre, je me retiens de tout pas supplémentaire, attendant que l'un veille sur mon corps tandis que l'autre parcourt la pièce à la recherche d'un intrus qui ne s'est jamais montré. Qui s'amuserait à passer la sécurité de l'entreprise Bodyguard Training Security, composée des meilleurs professionnels du pays évalués chaque année au cours d'une compétition pour ne garder que les éléments d'élite? Cette fouille ne se produit que dans ma chambre dans laquelle aucune caméra n'est fixée, contrairement aux autres pièces de la villa. Mon père a accepté de filmer ses espaces privatifs avec un circuit d'enregistrement non connecté au wifi pour éviter le piratage et vol de données mais également pour consigner ses ébats et anticiper les chantages liés au sexe avec ces filles de passage. Leur existence ne m'étonne plus et leur venue a souvent lieu les moments où mon père m'encourage à prendre l'air chez mes amis. Malgré sa manie du contrôle, il reste un homme avec des besoins qui ne souhaite absolument pas que cela s'apprenne. Ça viendrait ternir l'image du père courageux et désintéressé de la luxure. 

Mon téléphone se met à vibrer au moment où je peux enfin m'enfermer dans mon donjon de trente mètres carrés. Cette pièce a été décorée par l'un des designers de Doona, après qu'elle se soit mise en tête de faire visiter notre demeure dans une émission de télévision pour nous rendre plus accessible aux yeux du public. Mes meubles étaient, je cite, trop dépareillés et enfantins. Je n'ai pas eu mon mot à dire et l'ai laissée glamouriser l'immense lit à baldaquin aux rideaux roses pour que les vieux pervers puissent vouloir voter pour mon père tout en s'astiquant sur mon image. 

Hwasa:
[ Info de dernière minute. C'est une pool party. Pas de maillot, c'est has been. Prévois un ensemble lingerie sexy pour qu'on se la joue "oups, on improvise un bain de minuit en petite culotte". ]

Moi:
[ Pour moi, ce sera "oups, j'ai un meeting avec papa". ]

Hwasa:
[ Sérieusement? Je croyais que c'était réglé, cette corvée. T'es pas déjà allée soutenir la veuve et l'orphelin au pied du Mont Namsan? ]

Moi: 
[ Je suis autant soulée que toi. J'ai essayé de jouer la carte "mais j'ai déjà dit oui". Il m'a envoyée bouler. ]

Hwasa: 
[ Je ne veux rien savoir. Va sourire devant tes photographes et rejoins-nous pour 21h00. C'est ça ou je ne t'aime plus. ]

Le silence se fait pendant quelques secondes avant que mon amie ne m'annonce qu'elle éprouve pour moi un amour au-delà du raisonnable mais un peu moins que pour notre mari fictif, le beau Seo-Joon. Je prie chaque soir pour que mon père puisse le rencontrer et qu'ils trouvent un intérêt commun à nous marier. Mais malheureusement, cela n'arrive que dans les films...

Mon désespoir me fait errer sur les réseaux sociaux au lieu de réviser mes cours, avec le pouce qui se crispe à force de swiper. Après quelques vidéos d'hommes plutôt investis sur des machines sportives, j'envisage de me toucher quand un coup à la porte rend ma libido plus bas que terre. 

— Jiu, je peux rentrer? Me questionne Doona pour la forme alors qu'elle s'avance déjà dans ma chambre comme en territoire conquis. J'ai commandé ta robe dans un rose poudré comme tu adores. 
— Je vois que tu connais parfaitement mes goûts depuis tout ce temps, dis-je avec insolence. 

Namjoon, présent contre l'encadrement dans la porte, réagit en se mordant les lèvres pour ne pas sourire mais montre tout de même une parfaite maitrise de lui-même. Doona a beau vivre avec nous depuis un temps qui me parait infini, elle fait toujours partie des éléments qui nécessitent une présence extérieure lors de nos têtes à têtes. Et cela me fait jubiler qu'elle soit vue comme un danger ou tout simplement un intrus. 

— Choi Jiu est une jeune femme en devenir qui adore entretenir son côté enfantin, m'explique-t-elle comme si je découvrais le rôle de ma vie. Donc tu aimes cette robe et te prendras en selfie pour la montrer à tous. 
— Choi Jiu est aussi une jeune femme qui a besoin de décompresser si son père ne veut pas qu'elle se mette à faire un scandale, lui réponds-je. Alors je suis certaine qu'on peut trouver un compromis, du genre je fais de grands sourires aux partisans si on me laisse aller à cette fête à 21h00. 
— Essaie l'idée du chantage avec ton père, j'ai hâte de rigoler devant la scène, me lance-t-elle tout en quittant les lieux. 

Son insolence et son départ telle la reine des lieux me fait hurler de colère. Mes nerfs lâchent et je récupère la première chose sous la main qui ne soit pas de valeur, soit mon chausson, pour le balancer en sa direction. Malheureusement pour moi, les réflexes de Namjoon contrecarrent mes plans et le projectile est réceptionné sans encombre. Si je ne peux exprimer ma colère sous sa forme la plus primaire, je récupère mon portable pour lancer un appel de secours à mon meilleur ami, Han. 

— Viens tout de suite. J'ai envie de toi. 
— Je trace, je cours, je vole, me répond-il avant de raccrocher. 

Le besoin de me défouler sexuellement grandit à chaque fois que ma liberté est malmenée. Devant les objectifs et papiers glacés, je suis peut-être la fille idéale, celle dont les mères rêvent pour leur progéniture mais la réalité est plus trépidante. Mon envie de dépasser les limites s'est exprimée dans le cadre de ma chambre à coucher, tout d'abord avec les jouets qui ont rempli mes tiroirs avant que les hommes fassent leurs expériences dans mon lit. Je m'autorise la douceur, la souffrance et l'inédit. J'aime expérimenter ce qui ferait de moi une belle garce si cela était rendu public. Je joue avec le feu, en sachant que mes bodyguards se chargent de fouiller chaque homme qui pénètre les lieux avant que ce ne soit mon corps. Et il semblerait que Namjoon ait un travail à venir avec mon complice, Han Jisung. 

— Si je comprends bien, une partie de Uno vient de s'organiser. 
— Dommage que nous ne soyons que deux joueurs, lui dis-je en minaudant. 

Le chef de la sécurité laisse pour la première fois dévoiler un sourire avant de prendre son masque de contrôle abusif. Je n'ai plus aucune retenue devant lui ou ses collègues puisqu'ils m'ont vu me découvrir sexuellement ces dernières années et ont également assisté à des ratés. Mon corps ne leur est plus inconnu et malgré son côté attrayant, il semblerait que mon caractère difficile empêche toute maturation de désir sexuel pour moi. Quant à mon père, il ne se soucie pas de cet aspect de ma vie, considérant que cela lui permet d'éviter quelques questions gênantes sur ses nuits bruyantes. Parfois les arrangements tus sont les plus faciles à tenir. 

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant