9- Fusion

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La tension est palpable jusqu'à ce que nous rentrons à la maison. S'il n'y avait pas Han pour me tenir la main, je me sentirais bien seule dans ce véhicule face à Namjoon qui refuse de m'accorder un regard et Jin qui conduit avec dédain. Je redoute l'énoncé de mes actions, leurs conséquences et le châtiment qui me sera attribué. Si je le pouvais, je garderais mon meilleur ami près de moi en guise de protection éternelle mais nul doute que le destin n'agira pas en ma faveur. 

Une fois sur notre parking, le chef de la sécurité m'ouvre la portière et m'indique l'entrée de la demeure dans un geste qui n'a rien de chaleureux. Ainsi, il ne fait que s'assurer que je n'essaierai pas de fuir. Malheureusement pour moi, il n'y a plus aucune trace d'alcool dans mes veines pour me faire esquiver le verdict. Toutefois, j'observe avec attention le stationnement d'un deuxième véhicule dont en sort le nouveau bodyguard. Cela me parait encore anormal que cet inconnu pénètre sur mon territoire et s'apprête à découvrir mes petites habitudes honteuses. J'en viens à me demander s'il va détailler, dans son compte rendu, la façon dont il m'a enlacée dans cette piscine et embrassée avec passion. Mais pour l'instant, ces faits restent entre lui et moi. 

Une fois à l'intérieur, je suis avec attention les consignes données au petit nouveau comme si je pouvais échapper à ma propre réalité. 

— Monsieur Choi est encore en sortie avec son équipe de campagne, il ne rentrera pas maintenant donc nous allons coucher sa fille. 

Mon esprit se permet de rajouter un mot qui change le sens de la phrase et plait sans conteste à mon intimité. 

— La mise au point avec le patron se fera donc demain. Tu as déjà rencontré son équipe et la nôtre qui est attribuée à Mademoiselle Jiu. Pour la surveillance de cette nuit, nous allons tourner à trois, laissant Hoseok en repos, et l'équipe Bêta prendra le relai au petit matin. 

Il m'a fallu quelques années pour comprendre que ces lettres grecques n'avaient rien à voir avec l'intelligence des hommes qui me surveillent mais servent juste à classifier les trios de garde. Chris se rajoutant à l'équation, je me demande comment est ce qu'il va fonctionner dans cet engrenage bien rôdé. 

— La présence de Han Jisung est notifiée dans le carnet que je te montrerai. Il est toléré mais n'a aucune importance en cas de danger. L'ordre est alors de l'écarter pour mettre en sécurité la princesse, nom de code qu'on utilise en extérieur. 
— Et quel est celui en interne? Demande Chris. 
— Ca, tu verras, lui sourit enfin le chef. 
— Ok... Donc ça ne choque personne qu'on me laisse crever en cas d'attaque? S'offusque Han dont personne ne répond à sa remarque. 

Mon meilleur ami est tout bonnement écarté tandis que Namjoon passe sa main dans mon dos pour m'indiquer d'avancer avec une légère pression. Je note qu'il reste bien plus près que d'habitude, comme s'il faisait un excès de zèle devant le bleu de l'équipe. 

— Les caméras tournent 24h/24 et sont enregistrées sur un serveur sécurisé. Le dispositif est paré à toute éventualité comme une coupure de courant et passe automatiquement sur un générateur indépendant. On fera le tour pour que je t'explique les procédures d'alerte en cas d'intrusion, à moins que Monsieur Han veuille jouer le rôle de celui qui prendra des décharges de taser. 
— Non, merci, je passe mon tour! Je suis celui qu'on vire du canot de sauvetage, rappelez-vous. 

Une fois en haut des marches, devant ma chambre, mon ami est à nouveau éloigné pour que puisse se dérouler la fouille accompagnée d'explications. Lorsque la porte s'ouvre, mes pensées s'inquiètent à l'idée que le tiroir dans lequel se trouve mon womanizer soit grand ouvert ou bien qu'une petite culotte ne traine au pied de mon lit. Je me fais également du mauvais sang pour l'odeur renfermée mêlée à celle de sexe que je respire en trop grande quantité. Même s'il ne verbalise pas, notre nouvel élément observe avec attention chaque objet en même temps que les zones pointées du doigt par son supérieur. 

— Cette pièce et la salle de bain attenante sont les seules qui ne sont pas filmées. Il faut donc procéder à une vérification à chaque fois que Ji... Hum que Mademoiselle Jiu y rentre. 
— Pour quelle raison, si je peux me le permettre? Si même la chambre du patron est couverte par le dispositif, pourquoi pas celle-ci? 

Namjoon se tourne aussitôt vers moi pour se rappeler un passé plus que gênant pour les habitants de cette demeure. Pendant mes premières années de lycée, ma curiosité sexuelle s'est développée au même titre que mon tour de poitrine. Même si l'on m'avait répété que le protocole demandait à ce que l'écran soit coupé pendant mes douches, à défaut du son, j'étais gênée à l'idée que l'on puisse m'entendre gémir tandis que je découvrais mes zones érogènes. Je me suis mise alors à me réveiller en pleine nuit et à me cacher sous le drap pour pouvoir me toucher, pensant que cela passerait inaperçu. Je me levais de plus en plus fatiguée et mes notes chutaient tandis que mon plaisir redoublait d'intensité. Les cours de rattrapage n'ont pas arrangé mes affaires puisque cela ne faisait que décaler mes heures de coucher et réduisait mon temps de sommeil. Puis il y a eu cette grande réunion, en présence de mon père, Doona, et de tous les bodyguards attribués à notre famille pour décider qu'une exception me serait faite, afin que ma sexualité puisse reprendre une place normale dans ma vie. Je n'oublierai jamais le regard moqueur de l'assistante et les rires camouflés de bon nombres de gardes. Mais à défaut de pouvoir contrôler ce que pensent les gens, j'ai décidé d'assumer mes envies et de mener la vie dure à ceux qui me brident depuis mon plus jeune âge. 

— Disons que... Il y a des choses qui doivent rester dans cette chambre. Tu fais bien de me rappeler que je dois dès à présent lancer l'équipe technique sur la suppression des vidéos et photos de Madamoiselle Jiu qui pourraient être publiées. Dépêchons-nous. Lorsque tu as procédé à la vérification comme j'ai fait, tu peux soit te mettre en poste à côté de la porte, soit dans notre salle qui se trouve à proximité. Mad... Jiu, indique-moi si tu vois quoique ce soit sur les réseaux sociaux qui nous auraient échappé. Et par pitié, tente de rester tranquille dans cette chambre sans me pondre une nouvelle catastrophe. 
— Promis, je mets une capote et ne la fous pas en cloque, s'amuse Han mais personne ne rigole à sa blague, comme s'il s'agissait de la goutte de trop dans une soirée trop arrosée. 

La porte se ferme, sans un regard des deux surveillants pour moi, me laissant coupable de vouloir vivre ma vie avec quelques extrêmes dans mes actions. Je m'empresse donc de retirer le vêtement de Han et mes sous-vêtements pour laisser l'eau couler sur ma peau et ruiner le maquillage appliqué avec soin il y a quelques heures. La tête appuyée contre le carrelage mural de cette douche à l'italienne, je laisse libre court à mes pensées sur l'injustice de cette vie que l'on m'a imposée. Ceux qui me jugent n'imaginent jamais à quel point il peut être difficile de se voir dicter ses actions et ses émotions. J'en arrive à envier l'anonymat des jeunes filles qui rasent les murs, qui peuvent avoir la chance de choisir leur avenir et l'homme qu'elles épouseront alors que la seule latitude que l'on me laisse concerne l'identité de ceux qui visiteront mon corps avant l'élu officiel. 

Cette réalité me fait prendre conscience que Han se caresse actuellement en m'observant nue sous la douche alors qu'il est appuyé contre le lavabo. Représentant ma rébellion personnifiée contre ma muselière, je l'invite à se déshabiller et à me rejoindre. Ne cherchant pas à perdre du temps avec des préliminaires inutiles, mon ami enfile un préservatif et coupe l'arrivée d'eau, ce qui signifie qu'il veut jouir en moi. Les partenaires qu'il multiplie en parallèle de nos retrouvailles l'ont poussé à mettre cette distance de latex entre nous pour m'éviter toutes IST, mais cela a aussi pour effet de nous rappeler que nous ne sommes pas un couple. Juste des sex-friends. 

— Jiu, j'arrive à t'entendre penser alors que je te baise contre le mur. Parle ou je me décharge dans ta bouche. 

Mon corps encaisse ces soubresauts avec une mélancolie qui ne devrait pas avoir sa place dans des ébats sexuels. 

— Je pensais juste au moment où nous aurons d'autres partenaires.
— Ah, ce n'est que ça, pouffe-t-il. Je ne m'en fais pas car il y a bien une chose dont je suis sûr, ces abrutis peuvent parader devant toi, il n'y a que moi qui sait te faire crier. Nous avons quelque chose qu'ils ne pourront jamais égaler, jamais nous voler. 

Ses mouvements de bassin s'arrêtent soudainement pour devenir si infimes qu'on pourrait nous croire en fusion tandis que sa main effleure ma joue et qu'il unit nos lèvres dans de tendres baisers. Encore une fois, Han est celui qui me sauve de mes sombres pensées et de mes peurs grandissantes. Ma vie s'apprête à changer avec cette élection et je ne veux rien perdre de ce qui fait mon bonheur actuel. 

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant