11- If I was a man

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Le repli dans ma chambre me semble salvateur pendant les premières heures puis difficilement appréciable. Très vite, la faim vient me tirailler et me donne des ailes pour envisager une excursion dans la cuisine. Mais Chris ruine tous mes plans en se redressant et me suivant ouvertement tandis que je suis à la limite de ramper dans les escaliers pour qu'on ne m'aperçoive pas. 

— Tu veux grignoter quelque chose? Me demande-t-il d'une voix beaucoup trop intense. 
— Chut. Tu vas te faire repérer par Mingi, c'est une vraie fouine, il a des yeux et des oreilles partout. 
— Tu sais que tu es filmée? Me questionne-t-il interloqué. Tout le monde peut très vite savoir où tu es. 
— Je suis à deux doigts de t'assommer et t'abandonner dans cette mission Yakgwa.

Mon envie de confiserie à base de miel dépasse l'entendement et la simple odeur de sa préparation m'a donné le courage de tout organiser. Je n'ai qu'à me faxer dans les marches, longer le mur tel un papier peint décollé, embarquer l'assiette et revenir en courant vers ma chambre. 

— Namjoon t'a demandé de rester dans ta chambre mais c'est pour la forme car nous sommes en effectif réduit. Tu n'es pas punie. 
— Tu es d'une maturité affligeante, Chris Bang. Tais-toi et imite-moi un peu si tu ne veux pas finir comme ces coincés. La clé du bonheur réside dans la capacité à ne jamais perdre son âme d'enfant. Puis techniquement, je ne fais aucun mal avec ma bêtise du jour. 

Mon garde du corps évalue la gravité de ce qui me passe par la tête puis hausse très vite les épaules pour se placer derrière moi. La traversée des marches se fait avec facilité puisque le tapis qui accompagne la descente absorbe le bruit de nos pas mais la situation se corse lorsque nous approchons de la zone fréquentée qu'est la cuisine. L'heure du repas s'est achevée depuis bien longtemps et le personnel vient de finir de se substanter au deuxième service. Pourtant, une assiette trône toujours au milieu de la table, encore intacte des mains baladeuses. Elle n'attend que moi et mon corps s'avance pour se plonger dans la fosse aux lions quand Chris me tire vers lui pour me plaquer contre la cloison. Une main colossale se pose sur ma bouche pour m'empêcher de réagir avec exagération et la voix de Mingi se répercute jusqu'à nous. 

— Il sait qu'il a dépassé les bornes. Il fait les cent pas dans son bureau, voilà pourquoi il a demandé à organiser cette sortie. On lève le camp dans cinq minutes. 

Cette bonne nouvelle me ravit plus que mes petits bonbons au miel. Je vais pouvoir déambuler dans la maison sans craindre de voir mon père s'il s'en va, ce qui me fait changer la fin de mon plan pour une projection plus agréable. Mais avant tout, il me faut récupérer cette assiette de gourmandises. 

— Ne jamais foncer tête baissée et toujours vérifier les angles, me souffle dans l'oreille le garde du corps. Tu dois apprendre aussi à anticiper les actions de tes ennemis. Là, vu l'allure et le bruit des pas, ils passeront dans sept secondes donc planque-toi derrière moi. 

Il ne m'en faut pas plus pour rentrer mon ventre et tout autre organe rétractable dans mon corps pour m'imaginer aussi fine qu'une feuille de papier qui voudrait se mouler à la silhouette incroyablement sculptée de Chris Bang. Je ne me souviens pas avoir déjà vu une montagne de muscles moulée à partir de la perfection. Même son odeur respire la tentation alors que de la sueur suinte de mes aisselles suite à cette douche qui n'a toujours pas vu le jour. Quelques salutations se font entendre de la part de l'équipe de gardes de mon père, accompagnées de rire dont je n'en comprends pas la teneur puisque mes paupières sont closes pour ignorer le danger. Je pense être la réincarnation d'une autruche dans ma vie intérieure. 
Des mains se posent sur mes hanches pour me décaler et me faire avancer vers le grand vide. L'horizon est dégagée et notre cuisinière bien aimée est trop occupée à remplir le lave-vaisselle pour me voir contre l'encadrement de la porte. Le décompte se fait tel un shoot d'adrénaline et Chris me propulse jusqu'à l'ilot central sur lequel je récupère l'assiette et fuis en patinant pendant mon demi-tour. Ma discrétion est inexistante puisque je ricane de ma bêtise et entends l'employée pouffer à son tour mais ce sont ces petits instants de bonheur qui me permettent de tenir et de retrouver chaque jour l'envie d'offrir des sourires à ceux qui ne le méritent pas. 

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseWhere stories live. Discover now