57- Prise de risques

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Notre passage à la villa se veut très fugace puisque je suis contrainte d'enfiler la robe déposée sur mon lit avant de retrouver mon père et Doona à l'entrée. Si nous sommes tous de sortie, cela signifie que la personne que l'on va rencontrer doit avoir un impact non négligeable dans cette campagne. Je me retiens de questionner les principaux acteurs de ma vie, après la fugue avortée qui a laissé tout le monde à cran et me fais oublier dans la voiture. Nous nous dirigeons vers l'hôtel Vista Walkerhill Seoul connu pour accueillir le restaurant Mosu, nouvellement distingué de sa troisième étoile et dont le raffinement de la cuisine ne fait plus de débat. 
Nous sommes reçus dans un espace assez intimiste où une longue table a été dressée pour l'occasion. Je laisse l'hôtesse récupérer ma veste avant qu'elle ne m'indique la banquette arrondie faisant face à trois chaises. 

— Excusez-moi, nous avions été informés d'une réservation pour six personnes. 
— Oui. Et quel est le problème ? Répond Doona avec rudesse. 
— Et bien... Les prochains invités sont sur le point d'arriver tandis que les deux derniers stationnent leur véhicule. 
— Vous n'allez pas me faire croire que vous êtes assez gourde pour ne pas comprendre qu'il faut rajouter une chaise ?

Je m'offusque pour cette pauvre employée qui récolte la rage accumulée dans la journée par celle qui a oublié son savoir-vivre. Lorsqu'elle apporte une assise et la tire pour faire asseoir notre assistante, celle-ci lui rit au nez, indiquant qu'elle profitera de la banquette comme je le fais. Quelque chose me dit que cette soirée risque d'être très longue pour mes nerfs. Dans un coin, attendent nos bodyguards pour ne pas troubler la tranquillité des clients. Cette distance réveille en moi une inquiétude quand j'aperçois l'arrivée des Kim, père et fils. 

— Non, pas eux... soufflè-je. 
— Et pourquoi pas ? s'amuse Doona. Tu vas bientôt vivre avec lui donc autant t'habituer à le voir souvent. 

J'essaie de voir le verre à moitié plein en constatant que la mère ne fait pas partie de nos invités mais me souviens à quel point le père ne supporte pas le fait que j'expose la véritable nature de son fils en refusant de me plier à leur mensonge. Ma position au milieu de la banquette fait que je blêmis en sentant mon fiancé s'installer à mes côtés. Je ne prends pas la peine de répondre aux salutations, considérant que ceci n'est pas un bon soir comme il veut bien le déclarer. Je me demande quel traquenard me réservent ces deux hommes et commence à lister le peu de liberté qu'ils pourraient me retirer. Mais nos regards se portent au loin sur Jimin et son père, accompagnés d'une armada de gardes du corps. 

— Il a toujours besoin de frimer, se plaint mon voisin de droite. 

Tous deux nous saluent avec classe mais Jimin est le seul à rester debout, observant cette chaise rapportée comme s'il s'agissait d'une bévue qu'il n'allait pas laisser passer. 

— Il me semble avoir réservé cette zone pour six, annonce-t-il avec sérieux. 
— Oui. Nous avons rectifié l'erreur avec l'ajout d'une chaise, lui répond d'un air faussement élégant notre assistante. 
— Pourtant il n'y en avait pas. Seuls les chefs de famille et héritiers sont conviés à ce repas. Monsieur Choi, je vous saurais gré de corriger cette maladresse. 

Le ton employé ne laisse pas de place au doute ni à une autre possibilité. Plus humiliée que jamais, Doona n'attend pas que mon père la congédie pour s'excuser et quitter notre table. Elle passe une première fois la porte de la salle de réception avant de revenir s'entretenir avec nos hommes de main. Je crois comprendre qu'elle exige une escorte qui ne lui est pas accordée. Les insultes s'entendent à l'autre bout de la pièce et je me retiens de sourire tandis qu'elle s'en va seule appeler un taxi. Jimin s'adresse alors à une serveuse qui retire l'assise en trop et prend le temps de me sourire tandis qu'il s'assoit à ma gauche. 

— Bien... Après cette démonstration de force, je pense que nous pouvons commander puis passer à la discussion, déclare Kim Jisub. 

Le menu unique m'est donné tandis que les hommes parcourent les feuillets pour choisir le vin. N'y connaissant rien, je ne m'attarde pas sur ce fait et reste curieuse mais aussi troublée par les mets que je découvre. 

— Tu vas voir, c'est délicieux ma chérie, m'indique DoHyung en posant sa main sur la mienne. 

Je réplique aussitôt par son pied que j'écrase pour qu'il remette de la distance entre nous et surprends Jimin à pouffer de rire derrière sa serviette. Heureusement pour moi, aucun des adultes ne remarque ma petite vengeance. 

— Je vous remercie de vous être tous libérés au pied levé. Mon fils Jimin m'a fait part de sa vision pour notre futur qui vous concerne aussi, énonce Park Chang. 
— Mais c'est un plaisir de pouvoir faire affaire avec vous, lui répond Jisub. 
— Fils, puisque c'est ta volonté, je te laisse l'exposer. 
— Merci père, déclare Jimin qui s'éclaircit la voix. Nous sommes tous à l'aube de grands changements car il est dans notre intérêt de voir nos ambitions s'accomplir et de faire de notre avenir une réussite. En ce qui concerne vos familles, cela tourne autour d'un mariage qui permet à l'un des candidats de laisser sa place à l'autre en échange de son soutien des années plus tard. 

Je reçois immédiatement le regard courroucé de mon père, mécontent qu'une telle information confidentielle ait pu atterrir dans l'oreille et dans la bouche d'un business man. Si cet accord venait à fuiter dans les médias, cela pourrait mettre à mal leur arrangement. 

— De notre côté, nous nous étions focalisés sur une fusion d'entreprises mais j'ai réalisé qu'une autre piste n'avait pas été exploitée. La fille d'un futur président est une proposition beaucoup plus alléchante. 

Le silence se fait autour de notre table, stupéfiant chacun des convives devant cette proposition inattendue. Je prends soin de fixer mon père, monsieur Park et son fils afin de savoir si réellement je deviens l'objet de leur intérêt. Mon cœur se met à battre la chamade, espérant fuir le cauchemar que représente DoHyung à travers un fiancé beaucoup plus agréable à vivre et respectueux des autres. Mais ce moment de flottement est vite interrompu par une serviette lancée au centre de cet espace. 

— Est-ce une mauvaise blague ? s'offusque Monsieur Kim. 
— Il veut piquer ma meuf ? s'exclame DoHyung. 
— Ca ne va pas se passer comme ça. JaeMyung, réagis de suite et demande-leur de quitter la table. C'est une offense à ma famille. 

Des sueurs froides s'abattent aussitôt sur moi, me faisant craindre que cet ultime espoir parte en fumée. Et lorsque mon regard croise celui de mon père, je crains qu'il ne me fasse payer les derniers affrontements que nous avons vécus. 

— Tu as raison, je crois que nous sommes de trop à cette table, annonce mon père. 
— Merci ! 
— Jisub et DoHyung, veuillez nous laisser, je vous prie. Je crois que nos familles ont beaucoup à se dire pour une prochaine union. 
— Que... Quoi ? Tu oses mettre fin aux fiançailles ? Te rends-tu compte de ce que ça signifie ? Je vais reprendre cette campagne et t'écraser en prouvant à tous que tu es incapable de tenir tes promesses. Je vais vous trainer, toi et ta putain de fille dans la boue et vous humilier si fort que plus personne ne voudra vous approcher et...

Un verre d'eau est lancé au visage du vieux Kim. A mes côtés, j'observe Jimin qui s'est levé et tient l'objet du délit entre ses mains. Cette soudaine agression fait rappliquer les hommes de main et paralyse la vie du restaurant. Mais à aucun moment je ne me sens en danger avec cet homme.

— Je ne vous permets d'insulter ma fiancée. Par égard pour l'éducation que mon père m'a donnée, je me retiens de vous jeter moi-même dehors mais ces hommes le feront dans une minute si vous n'avez pas passé la porte. 

Le nombre conséquent de bodyguards travaillant pour lui pèse aussitôt dans la balance et fait regretter à l'ancien candidat de ne pas être venu plus accompagné. D'un geste de la main, il indique à son fils de le suivre et je me délecte de voir pour la seconde fois de voir les déchets s'éloigner de ma vie. C'est comme une tornade déferlant dans nos vies mais retirant les mauvaises herbes sur son passage. J'aperçois enfin ce soleil que je n'espérais plus croiser et me dis qu'il y a peut-être une justice dans ce monde. 

— Bien, s'exclame mon père une fois le calme revenu. Reprenons où nous en étions. J'espère pour vous que la proposition que vous avez à me faire est à la hauteur, après le risque que je viens de prendre. 

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseWhere stories live. Discover now