Bodyguard : Le Soldat et la Promise

40- Un pas après l'autre

Chris

C'est avec un sentiment mitigé que je rentre à l'appartement, la nuit étant déjà bien entamée. Une petite discussion sur l'avenir des jeunes qui m'ont accompagné dans cette mission s'est éternisée et transformée en entretien d'embauche. Même s'il est soulagé de ne pas avoir participé au sauvetage, Namjoon est conscient de l'impact qu'aura cette charge financière sur l'entreprise de bodyguards dont il est issu, mais cela ne l'empêchera pas de dormir. Sa seule préoccupation du moment est de retrouver une personne précise. Contrairement au père, il est le seul à insister pour connaître l'endroit où je garde Jiu, mais l'intégrer au dispositif ne serait pas utile. Et ce n'est pas en s'acharnant avec sa piètre tentative de filature qu'il finit par trouver notre base.

Je prends soin en déverrouillant la porte de ne pas faire de bruit puis analyse l'environnement. Des cartons de pizzas gisent sur la table de la cuisine, alors que le salon est envahi de boîtes de jeux de société. Nul doute que Jiu et Changbin se sont bien amusés en mon absence. Cette perspective me réchauffe le cœur car ma princesse a vraiment besoin de se changer les idées.
Je me penche pour attraper le plateau de Scrabble et m'apprête à verser les pions quand les mots placés attirent mon attention.
Pars.
Enculé.
Chris.
Say no.

Je mets quelques secondes à me calmer pour ne pas voir rouge et retourner l'appartement. A quoi joue mon collègue pour transmettre des idées aussi négatives à mon encontre ? Aurait-il contacté Namjoon ? Le garde du corps chercherait-il à me doubler ?

Je me rue aussitôt vers la chambre la plus éloignée pour lui tomber dessus mais celle-ci est vide. Le choc laisse place à de l'appréhension. Ma pièce étant fermée à clé, il n'y a qu'un seul autre endroit où il peut être. Je refuse de croire que Jiu pourrait se consoler dans les bras d'un autre mais mon cerveau ne se prive pas pour m'envoyer des images insupportables d'eux en action.
Ma main ne prend pas de pincettes cette fois-ci en ouvrant la porte et la lumière vient éblouir le visage du corps allongé sur le tapis, en contrebas du lit.

— Putain mais c'est quoi ça ? Se plaint celui qui devrait être en alerte à tout moment.

Je ne prends pas sur moi pour le pousser avec mon pied afin qu'il se relève et réalise mon mécontentement. La silhouette de Jiu se redresse également d'entre les draps, les paupières collées par le sommeil profond dont je l'ai tirée.

— C'est comme ça que tu la protèges ?

Le double sens me permet de lui reprocher son manque de réactivité et sa trop grande proximité avec ma cliente, à mon goût. Mais Changbin ne voit que le premier et se plante au garde-à-vous, dans l'espoir que je m'adoucisse.

— Jiu ne voulait pas être toute seule, elle attendait ton retour. Je me suis installé là pour lui raconter de vieux contes de mon enfance et... Ben je crois que je me suis endormi.

Il n'y a donc pas eu de mauvaises intentions derrière ce geste, voilà qui m'apaise.

— Va dans ton lit, tu es libéré pour la nuit.
— On... ne fait pas de débrief ?
— Demain, Changbin.

Je n'ai qu'une envie, foncer dans ce lit pour la prendre dans mes bras. Revoir la tête de ce petit con et de son père a ravivé les souvenirs du moment où je l'avais perdue. Mon cœur ne supporte plus cette angoisse de la savoir en danger, aux mains d'un autre alors que je suis impuissant. Il faut donc que je me soigne en l'attirant contre moi et en respirant son odeur.

Mon collègue nous salue poliment avant de bâiller et refermer la porte derrière lui. Je ne prends pas la peine d'allumer l'ampoule tandis que je retire ma veste et commence à plier chacun des vêtements restants pour ne garder que mon boxer.