58- Nouvelles perspectives

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Ce revirement de situation est inattendu. J'avoue être ravie de ne plus devoir associer mon avenir à celui de mon agresseur que les termes du contrat liant mes nouvelles fiançailles m'intéressent peu. Ce soulagement est aussi bien physique qu'émotionnel. Je crois que je n'aurais pas pu supporter longtemps cette cohabitation, ni l'idée qu'il me touche. N'importe quel fléau sur Terre m'aurait paru plus tentant. De ce que j'entends, le mariage se fera très prochainement, avant le passage aux urnes, pour prouver aux électeurs que ceci n'est qu'une histoire d'amour qui écrit sa fin heureuse. Je suis apparemment une jeune fille trop tourmentée par mes sentiments pour avoir osé expliquer à mon père que j'en aimais un autre. Le drame étouffé lors de l'annonce de mes fiançailles entre parfaitement dans le scénario que les deux hommes écrivent, faisant jalouser notre bon vieux Shakespeare. Deux amants silencieux promis chacun de leur côté, sans qu'ils n'osent aller au-delà de la bienséance et de l'éducation qu'on leur a inculquées. Puis vient les rencontres au centre Fairytale et l'envie que le bien triomphe et ce besoin irrémédiable de se retrouver, avec un anneau à chaque annulaire et une promesse d'éternité.

Pendant que notre histoire est répétée afin que nous l'enregistrions mentalement, Jimin ne me quitte pas des yeux pour s'assurer que je valide chaque proposition. Je suis troublée de voir que mon avis a un quelconque intérêt pour lui. Cela change des habitudes avec lesquelles les hommes de la haute société m'ont traitée jusque-là.

Un soutien financier colossal pour cette fin de campagne est proposé en échange d'adaptations de lois évoquées pour favoriser la fiscalité des entreprises, leur développement national et mondial. J'apprends que je recevrai 25% des parts de la société des Park après la signature validant le mariage et pourrait user des bénéfices à la naissance de notre premier enfant. Celui-ci devra être soumis lors de ses premiers jours à un test de paternité pour valider la bonne descendance de Jimin. En cas de liaison révélée dans les journaux, le contrat sera caduc et le fautif devra verser une somme compensatoire exorbitante pendant les cinq années suivantes pour contrebalancer la fin de ce partenariat.

— Est-ce tu as besoin de plus d'éclaircissement ? s'inquiète Jimin.
— Non, ça ira. Je crois que j'ai pigé le nécessaire. Je ne pourrais profiter de ton argent qu'à la naissance de notre enfant, qui sera lui-même authentifié biologiquement. Et je devrai te tromper discrètement.

Mon humour trouve de suite un écho sur son visage rayonnant. Je ne tremble pas lorsque Jimin pose sa main sur la mienne pour indiquer à son père qu'il peut enchaîner. Cette mention de liaison révélée est très maligne car elle n'interdit pas formellement l'infidélité. Cela ne m'étonne pas de mon nouveau fiancé qui est un homme réfléchi. Ca me fait penser qu'il faudra que je lui révèle à mon tour le secret de ma vie. Je ne pense pas que cela aura un grand impact sur notre relation mais il est important pour moi de commencer notre histoire sur de bonnes bases.
Ce nouveau mariage m'apporte la libération inespérée. Lorsque j'aurai enfin signé le contrat, je ne serai plus soumise à la pression exercée par mon père ou Doona. Je pourrai jouir de ma relation sans craindre que mon beau garde du corps ne me soit retiré. Ce point éveille mon besoin d'être rassurée et qu'il soit mentionné dans l'accord dont les grandes lignes sont élaborées en ce moment.

— Ai-je la possibilité de garder mes bodyguards lorsque je te rejoindrai dans notre nouvelle maison ?
— Cela n'est pas nécessaire, me répond monsieur Park. Nous avons tout un personnel qualifié et...
— Je pense que cela la mettrait en confiance, temporise Jimin. On peut partir sur une base de trois-quatre. Ca ne creusera pas de trou dans nos finances, père.
— Il s'agit de ta fortune, fils, qui ne doit pas être gaspillé. Cela pourra être déduit de la facture que nous lui présenterons une fois l'enfant...
— Non. Je ne vais pas commencer à compter les wons lorsqu'il s'agit de la sécurité de ma femme. Jiu aura le droit à toute la protection qu'elle désire, sans que ce ne soit ponctionné sur sa part d'héritage.

C'est une déclaration d'amitié qui me touche en plein cœur. Je crains d'espérer que je compte réellement pour ce jeune homme et préfère me dire qu'il me caresse dans le sens du poil pour protéger son secret.

— Qu'en est-il de la part que touchera mon fils concernant votre fortune, JaeMyung ?
— Père. Jiu, me donnera déjà sa vie, l'influence d'un président et un enfant.
— Et s'il perd ? Nous ne profiterons de rien. Je suis même certain que Kim Jisub nous mettra des bâtons dans les roues pour le plaisir.
— Je ne perdrai pas les élections.
— Vous ne pouvez pas nous le garantir.
— Alors disons qu'en cas de défaite, 50% de l'héritage de Jiu reviendra à votre fils.

La nouvelle trouve immédiatement l'approbation de mon beau-père tandis que je digère la facilité avec laquelle l'homme qui m'a élevée vient de mettre mon avenir financier dans la balance. Son regard m'indique que nos tensions ne sont toujours pas apaisées, malgré l'éloignement de DoHyung. Peut-être avons-nous franchi la ligne qui assurait une cohabitation entre nos caractères. Je ne peux pas lui pardonner de m'avoir vendu à mon agresseur comme il n'accepte pas mon insubordination. Cela est donc le dernier coup qu'il me porte mais je n'ai pas encore perdu la guerre.

— Puisque ça te fait plaisir, père, nous l'acterons mais sache que je rendrai intégralement cette somme à Jiu en cadeau de mariage.
— S'il y a défaite, insiste mon père qui ne croit pas une seconde ne pas se retrouver à la tête de la Maison-Bleue.
— Avez-vous d'autres mentions à ajouter ? Des devoirs ou exigences ?

Les trois hommes s'observent à tour de rôle, s'apprêtant à clore cette discussion quand je décide de jouer ma dernière carte. 

— Oui. Je ne veux plus de contact avec mon père ou son équipe de campagne dès le lendemain de l'élection. Plus aucune demande de représentation ou de portraits de famille à simuler. Notre lien sera coupé.

Un froid glacial s'abat sur la table avec ma demande qui révèle une faille dans la famille Choi. Notre passé est bien trop lourd pour que je continue de jouer un jeu pervers. Il y a des pardons qui ne peuvent être donnés. 

— Es-tu sûr, petite ? s'inquiète monsieur Park. En cas de divorce, tu te retrouverais seule.
— Nous ne divorcerons pas, le rembarre Jimin. Et je ne l'abandonnerai jamais. Sache Jiu, et j'en fais le serment devant ces hommes, que peu importe ce qu'il se passera dans nos vies, je prendrai toujours soin de toi et m'assurerai que ta vie se déroule sans encombre. Même si je suis celui qui faute.
— Jimin ! Tu ne peux pas faire de telles promesses !
— Si, père, puisque je viens de le faire. Nous notons donc son désir de couper les liens personnels avec la famille Choi. Je serai celui par qui tout passera. De toute façon, nous serons amenés à travailler ensemble puisqu'il s'agit de l'un des engagements envers nos entreprises. As-tu d'autres volontés, Jiu ?

Je secoue la tête mais ne quitte pas du regard les pupilles de mon père. Je pensais le blesser, en échange de ces années de terreur infligées mais je n'y vois que de la haine et de l'ingratitude. Les adultes règlent la note tandis que nous nous dirigeons vers l'accueil. Je me demande si cet homme m'a un jour aimée.

Ma veste est posée sur mes épaules et nous sommes conduits vers nos voitures. Je termine de m'installer sur la banquette, tout en gardant une distance avec mon père quand je sens la porte se claquer un peu trop fort. Chris s'installe alors sur le siège avant passager et me fait prendre conscience qu'il a assisté à toute la négociation et que cette perspective d'avenir ne semble pas lui plaire.

Bodyguard : Le Soldat et la PromiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant