Bodyguard : Le Soldat et la Promise

74- Le prince, la princesse et les bodyguards

Chris

Mes pas s'accélèrent pour mettre le plus de distance entre ce mariage et moi. Je n'ai pas pu attendre son entrée dans la salle de cérémonie qu'une crise de panique s'est emparée de mon souffle et m'a forcé à lui tourner le dos. Je m'en veux car je ne lui ai pas dit adieu, ni ne l'ai préparé à la déception qu'elle ressentira lorsqu'elle comprendra que je m'efface pour qu'elle soit heureuse avec un autre. Je ne cesse de me répéter que Jimin est l'homme qu'il lui faut, celui qui la comblera et saura conquérir son coeur. Pourtant, je ne crois pas à mes mensonges et finis par me poser dans un bar où trois bouteilles de soju sont commandées pour ouvrir le bal. Je n'ai pas le temps de les déboucher qu'une silhouette familière s'invite sur la banquette en face de moi. 

— Tu sais que t'es pas facile à suivre, me reproche Lucas qui se sert dans une de mes boissons pour s'hydrater. 
— Qu'est-ce que tu fous là ? 
— Je devrais te poser la même question. Moi, j'ai pris ma journée de repos mais je voulais rester dans le coin au cas où ça partirait en live. Je t'ai vu courir donc je t'ai traqué. 

Je m'étonne qu'il accepte de s'éloigner de son précieux patron un jour aussi important alors qu'il m'a l'air d'être un maniaque du contrôle mais après tout, la quantité de gardes peut bien accorder un peu de vacances au chef. 

— Tu veux qu'on trinque à quoi ? me propose-t-il. Au fils de pute qui vend sa fille au plus offrant ? A ce mariage qui ne rendra personne heureux ? 
— Ne dis pas ça. Jiu est une chouette fille et Jimin semble du même avis. 
— Je suis d'accord avec toi mais le caractère ne fait pas tout. On se lance dans un putain de pari fou sur des dizaines d'années. Je ne sais pas si je suis prêt mentalement pour ça. 

Je ne comprends pas un traitre mot de ce qu'il énonce mais finis ma première bière et m'attaque à la suivante. Je fais signe discrètement à la serveuse de nous en ramener trois autres, puisque nous sommes deux à vouloir décompresser. 

— Tu n'as pas répondu à mon mail pour l'organisation de lundi. J'ai besoin de savoir qui je mets sur le coup.
— C'est normal, parce que je n'y serai pas. 

Ses sourcils se soulèvent mais son air ahuri n'enlève rien à sa beauté. Je n'ai pas de penchant pour les hommes, cependant je sais reconnaitre un spécimen parfait lorsqu'il se tient en face de moi. Nul doute que ce bodyguard est conscient de l'effet qu'il a sur le monde qui l'entoure. La serveuse le dévore des yeux quand elle dépose notre alcool et meurt d'envie de lui écrire son numéro de téléphone sur sa petite culotte et de la lui glisser dans la poche. Je préfère en sourire car je ne fais plus attention à ces petits gestes depuis que Jiu est entrée dans ma vie. Cette simple mention dans mon esprit plante comme une lame dans mon coeur et me tire une grimace bien méritée. 

— Tu t'es pris la tête avec elle pendant votre petite escapade ? 
— Pas du tout. 
— Alors faut que tu m'expliques car je ne te suis plus. 
— Je n'ai pas à me justifier, Wong Lucas. Mon service auprès de mademoi... Madame Park est maintenant terminé comme le stipule le contrat signé avec Monsieur Choi. 
— Tu oublies celui avec Jimin. 
— Ce n'était qu'un gribouillis sur une serviette en papier. Arrête ton délire. 

Cet abruti me vole la bière que je tiens entre mes mains et la dépose sur la table de derrière. Lorsque j'envisage de m'en servir une autre, il fait de même avec tous les contenants et ne me laisse que mon désarroi et la vérité difficile à avaler.

— Je ne te savais pas aussi égoïste. Tu comptes la laisser tomber au moment où elle a le plus besoin de toi. Je te rappelle qu'elle tourne officiellement le dos à son père ? 
— Elle aura Jimin. Et sa mère à présent. 
— Mais putain, c'est de toi qu'elle a besoin. Elle était juste bonne à baiser et à doigter dans ce lit, et maintenant tu passes à une autre ? 
— Ne parle pas d'elle comme ça. 

Mon poing retient le col de sa chemise et me permet de le garder à proximité pour un coup bien placé au prochain mot irrespectueux qui sortira de sa bouche. J'aime cette fille et m'éloigner d'elle ne signifie pas que j'accepte l'insolence. Je la défendrai toujours, jusqu'à mon dernier souffle. 

— Alors comment veux-tu que je réagisse quand je te vois baisser les bras ? 
— Tu ne comprends pas. Je laisse ma place. Je lui permets de vivre une vie heureuse avec Park Jimin, dans laquelle ils finiront par s'aimer, avoir des enfants et...
— Putain mais t'es con ? Il est gay.  

Ma bouche s'ouvre, tout comme les silhouettes se retournent en entendant cette parole prononcée trop fort. Lucas ne s'en soucie pas, repousse ma poigne pour attraper à son tour ma mâchoire. Je ne réagis pas devant la domination qu'il exerce, trop abasourdi par ce que je viens d'apprendre. 

— Enfin il est bi, mais on est en couple. Tu le savais pourtant ? 
— Qu'est-ce que tu racontes ? 
— Il en a parlé à Jiu. Elle nous a même surpris dans le chalet quand Jimin m'a supplié de le baiser alors que vous vous envoyiez en l'air de votre côté. C'est un sujet dont il faudra qu'on discute à un moment mais le plus important est ta tête de con devant ce que je viens de t'apprendre. 
— Vous êtes en couple ? 
— Ouai. Comme toi et Jiu, enfin, comme vous l'étiez. 
— Et il n'envisage rien avec elle ? 
— Il n'a pas intérêt s'il tient à ses petites fesses. 

Je prends acte des faits et réalise que je dois être le bodyguard le plus pourri de tout Séoul pour être passé à côté d'une telle information. Mais je ne comprends pas pourquoi Jiu n'en a jamais discuté avec moi si elle était au courant depuis un moment. Cela aurait changé bien des choses et des décisions. 

— Je crois que j'ai merdé... avoué-je avec dépit. 
— Ca, tu peux le dire ! T'as voulu te la jouer grand seigneur mais le prince est intéressé par son garde et non par la princesse. 
— J'ai tout fait foirer...
— Mais non... Elle doit juste être au bout de sa vie, en train de pleurer toutes les larmes de son corps et te maudire sur plusieurs générations, mais rien d'irrémédiable. 
— Tu crois qu'on peut rattraper les choses ? 
— On est dans la version 2.0 des contes, Chris Bang. Allons retrouver nos âmes sœurs et leur rappeler à qui appartient leur coeur.