Février - 7

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Il le lâche violemment, me lance un regard extrêmement furtif et s'en va. Moi, je suis pantois et je ne parviens pas à mettre une idée devant l'autre. Et finalement, je saisis toutes mes affaires, ma veste et je sors à mon tour. Avant de fermer la porte, je me fais interpeller par l'homme des cavernes.

- Tu vas rien dire, capitaine ? Prévenir le coach ?

Je le fixe, et adopte ma tête la plus neutre, alors qu'à l'intérieur, je pouffe comme une fillette. C'est mal de rire de la violence ou de la douleur d'autrui. Mais je ne peux pas m'en empêcher, surtout si celle-ci concerne John.

- Non. Je ne vais strictement rien dire. Parce que ça fait pas mal de semaines que tu le cherches, que tu lui parles de Daisy ou de sa sœur. Tu ne mérites pas que je prenne sur mon temps pour aller en discuter avec le coach. Si tu veux, tu as des jambes fonctionnelles, tu peux aller le retrouver.

- Vous êtes de mèche tous les deux ou quoi ?

- Il n'y a pas à être de mèches. C'est juste que... moi aussi j'en ai marre de la mentalité qui traîne ici. Que si on ne rentre pas dans les petites cases qui ont été décidées par je ne sais qui, on se fait étiqueter à vie.

- N'importe quoi !

Je souris de travers. Je ne voulais pas m'attarder, parce que je dois aller acheter mes fleurs - et j'aimerais bien rattraper Samuel pour le féliciter de son action. Mais l'occasion est trop belle.

- Est-ce que tu dis encore bonjour à Miho quand tu le croises dans les couloirs ? Tu lui présentes ton poing, et tu lui demandes comment il va ? Non. Tu l'ignores, comme s'il n'existait pas. Parce qu'il est sorti de tes petites cases. Parce que le fait qu'il perde l'usage de ses jambes, ça a fait de lui quelqu'un qui n'est plus digne de traîner avec l'équipe de foot. Et moi, ça me rend malade. Parce que vous disiez être ses amis. Les amis, ça n'agit pas comme ça.

Et je m'en vais sur ces mots. Je n'attends même pas sa réaction, tout simplement parce que je la connais déjà. Il va nier. Il va faire comme si de rien n'était. Il va sûrement inventer une scène où les deux jeunes hommes se sont croisés et où je n'étais pas présent. Je ne le croirais pas et je perdrais encore plus de temps. Alors, autant prendre la porte.

Lorsque je quitte le bâtiment des vestiaires, j'ai la surprise de trouver Samuel, assis sur un banc. Il me regarde droit dans les yeux et je ne réfléchis pas longtemps avant de me laisser tomber à ses côtés. Il croise les mains devant lui, et baisse la tête quand j'essaie de capter ses iris noisette. Il croit que je vais lui faire des remontrances.

- Je t'admire, lancé-je, balançant ça sans penser aux conséquences. Pour ce que tu as fait là-dedans. Je t'admire.

- Hein ?

Ça a le mérite de le faire se retourner vers moi. Ses yeux sont aussi ronds que des billes, et ses joues ont rougi. Je trouve sa réaction un peu exagérée. Je ne viens pas de lui faire une déclaration d'amour, à ce que je sache.

- Je n'aurais jamais osé. Je n'ose pas. C'est sans doute ma plus grande crainte et ma plus grande honte. Mon étiquette de trouillard.

- Oh, t'inquiètes. Je saisis parfaitement. Toi, tu as peur, moi je me déteste. Enfin, j'essaie d'arrêter. Mais ce n'est pas spécialement facile. Je travaille sur ça.

Il prend une respiration et je comprends qu'il n'a pas fini. Il rassemble ses forces pour m'avouer le reste des choses qui pèsent sur son cœur.

- Vous m'avez fait réfléchir, avec Miho. Vous et... quelqu'un d'autre. Je l'ai dit à ma sœur. Absolument tout, sans rien cacher. Je ne sais pas si c'était du courage ou de l'inconscience, mais bon. Elle m'a emmené dans une association pour laquelle elle est bénévole. Ça s'appelle Une petite dose d'arc-en-ciel. Et là, je suis rentré dans un groupe de parole. C'est un peu... pour les gens comme moi. Et je... même si je n'arrive pas encore à me pardonner moi-même pour tout ce que j'ai fait, je te présente à nouveau mes excuses les plus sincères. Je n'avais pas à... t'embrasser de cette manière. J'ai profité du fait qu'on soit alcoolisé pour te sauter dessus. Ça ne se reproduira jamais, crois-moi. Et je ne m'attends pas à... ce qu'on redevienne amis. Je souhaitais juste... te dire tout ça.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now