Janvier - 11 /TW

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TW : insultes validistes

Je me retourne vers la voix qui m'a parlé. Je ne la reconnais pas tout de suite, mais les cheveux noirs coupés court et le septum me donnent immédiatement l'identité de cette personne. Il s'agit de Noah, un garçon trans du club LGBT de Lola. Il a un passing de fille, et uniquement quelques élèves l'appellent par le prénom qu'il s'est choisi. Il m'a raconté qu'il attendait la fac pour se libérer de tout ça. Plus d'uniforme, plus de deadname. Juste Noah.

- Oui. Je suis un peu perdu dans mes pensées. Pardon. Et toi, tu es aussi tout seul ?

Il me sourit. Il devait sans doute penser que j'avais oublié qui il était.

- Mes potes ne font pas bio. Mais j'ai accepté la sortie parce que je ne suis jamais allé à Londres. Je me suis dit que c'était l'occasion.

- Je comprends totalement. Je n'ai jamais visité la capitale non plus.

Il me sourit et se penche sur les barres qui nous protègent de la chute. La plus haute d'entre elles m'arrive dans le front, et ma vue n'est pas entièrement dégagée. Mais je m'en fiche. Je vois la mer, c'est ce qui m'importe.

- Tu veux une clope ? lui proposé-je. T'inquiète pour l'adulte, il n'en a clairement rien à cirer de nous.

Je lui montre le parent d'élèves qui est en train de se prendre en photo. J'aimerais bien qu'il fasse tomber son portable dans l'eau, ça lui fera les pieds.

- Alors je veux bien. Je n'ai pas emporté les miennes parce que ma mère fouillait dans ma valise. Déjà qu'elle a gueulé quand elle a vu mes sweats. Elle était à deux doigts de découvrir mon binder quand le téléphone a sonné. Je n'ai jamais autant aimé une personne que maintenant.

Je lui souris avec mélancolie. Je ne comprends pas forcément ce qu'il ressent, même si je dois également me cacher auprès de mes parents. J'espère vraiment que ça ira pour lui, quand il quittera enfin la maison familiale.

Je lui passe une clope et lui prête mon briquet. Malheureusement, le vent est dans sa défaveur et n'arrête pas de l'éteindre. Je fabrique une petite protection avec mes mains pour l'aider, et il s'abaisse à ma hauteur pour en profiter. Lorsque c'est bon, il m'adresse un sourire vraiment lumineux. Tout d'un coup, je le trouve beau, et je me dis que c'est dommage qu'il n'aime pas les garçons.

- Ton binôme t'a laissé tomber ?

- Ouais. Il me fait un peu la tronche. Enfin, il fait la tronche à tout le monde, parce qu'il est préoccupé et qu'il joue au Rio.

- C'est-à-dire ?

Je ris sarcastiquement.

- Il se renferme sur lui-même en croyant être discret, alors qu'il ressemble à un ours mal léché. À force, tu comprends qu'il vaut mieux ne pas l'approcher et le laisser digérer dans son coin.

Sauf que là, c'est différent. Il n'est pas vexé, ni même maussade. Il est triste, et il rejette tout le monde. Y compris moi.

- Depuis combien de temps vous vous connaissez ?

- Huit ans. On s'est rencontré à dix ans. Et en soi, comme on habite le même quartier, on aurait pu se croiser avant.

- Wow. T'as de la chance. Je n'ai plus d'amis du collège, et je suis certain que ceux de Clear Lake me lâcheront deux mois après la rentrée à la fac.

- Bah, la nouveauté, c'est toujours bien. Tu sais, connaître aussi bien une personne, ce n'est pas forcément une bonne chose. Par exemple, ce que je viens de t'expliquer ; peut-être que je me trompe, et qu'il a besoin de discuter avec quelqu'un. Sauf que, comme c'est mon meilleur ami depuis si longtemps, j'assume qu'il faut qu'il soit seul. C'est un peu à double tranchant.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now