Décembre - 2

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Je crois avoir compris pourquoi je déteste autant ma grand-mère. Elle est plus froide qu'un bloc de glace. Et comme la neige et moi, nous ne nous entendons pas bien, c'est logique. Tout s'explique, finalement.

- Ravie de voir que cette jeunesse est capable de se rendre utile, prononce-t-elle en m'apercevant aider ma mère à marcher.

- Bonjour à toi aussi Mamie !

Elle déteste cette appellation, elle trouve que ça fait gamin. Comme j'ai bientôt dix-huit ans, elle m'oblige à la nommer Grand-Mère. Mais ce qu'elle oublie - l'âge, sans aucun doute - c'est que cette obligation existe depuis que je suis capable de parler. Avant, je m'y pliais bien consciencieusement, mais maintenant, je m'amuse bien à la faire tourner en bourrique. Je ne me considère pas spécialement comme quelqu'un de sarcastique, mais en la présence de ma grand-mère, je me lâche. Et le petit bonus, c'est que maman trouve ça très drôle.

- Ricky Orson, je te prierais d'être poli avec moi. Je t'accueille chez moi, je t'offre à manger, tu me dois le respect.

- Nuance, Mère-Grand, tu as décidé toute seule dans ton coin qu'on devait se taper les deux heures de route qui séparent ta maison de la nôtre pour que ta petite personne puisse rencontrer la copine de ton petit-fils préféré, alors qu'on a clairement d'autres choses à faire, et que maman ne se sent pas bien. Mais soit, tu veux du respect.

Je lui fais une révérence et continue ma mascarade.

- Lady Hardy, je suis ravi d'être le bienvenu entre vos murs. Excusez notre accoutrement, nous venons d'une contrée fort lointaine.

Elle paraît outrée par mes mots, mais je m'en fiche complètement. J'amène ma mère dans le salon, pour qu'elle s'installe sur un fauteuil et qu'elle puisse continuer à se reposer. En glissant la couverture sur elle, elle me murmure quelque chose.

- Essaie d'être gentil avec elle quand même. Ne rends pas cette visite plus compliquée qu'elle ne l'est déjà.

- Si elle s'attaque à toi, je mords. Elle va encore dire que tu es une bonne à rien et que la fatigue, ça arrive à tout le monde. Que tu devrais moins travailler, alors qu'on a besoin de cet argent pour vivre ! Comment veux-tu qu'elle comprenne ? C'est une héritière qui n'a jamais bougé un petit doigt de sa vie. Et elle est avare, par-dessus le marché.

Ma mère lève les yeux au ciel, mais je sais qu'elle est d'accord avec moi. Grand-mère pourrait nous aider de temps en temps à boucler les fins de mois, ou envoyer de l'argent à cet égoïste de Paxton. Mais non. Même pour nos anniversaires - pour une fois qu'on est logés à la même enseigne - elle ne fait aucun effort. Si nous étions dans un bateau, elle nous regarderait couler en riant, une main sur la bouche.

Maman m'embrasse la tempe et je repars dans le vestibule, où se trouve toujours le reste de ma famille. Papa discute avec sa mère, et mon frère est penché sur son téléphone. Je m'offusque intérieurement - comme j'ai promis de bien me comporter - parce que si j'ose sortir mon portable de ma poche, je me fais remonter les bretelles en bonne et due forme.

- Rory ne devrait pas tarder. Elle est dans le village. Et ne t'inquiète pas Grand-Mère, elle est très prudente. Sa voiture a un système de dictée pour les SMS.

J'imite son ton mielleux dans mon coin et je souris hypocritement à mon assemblée. Comme Mamie va demander des précisions à son petit-fils favori, mon père se rapproche de moi à petits pas.

- Comment va Amelia ? Toujours son ventre ?

Je hoche la tête en dirigeant mon regard vers le salon. Nous partageons notre inquiétude.

- Je t'en supplie, force-la à aller à l'hôpital. J'ai l'impression que c'est de pire en pire et j'ai vraiment la trouille maintenant. Si c'est un problème, je peux payer avec mes économies.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now