Décembre - 5

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- Hardy, je peux savoir ce que tu fous ? Concentre-toi, bon sang !

Pour la troisième fois d'affilée, je rate une passe et l'envoie dans les jambes de nos adversaires. Nous sommes mercredi après-midi, et nous jouons un match amical contre une autre équipe scolaire. Et moi, je suis à mille lieues du terrain vert.

C'est la première fois que je dribble sans avoir mon binôme à mes côtés. Miho n'est pas là, et ne m'observe pas dans les gradins, coincé à l'hôpital par une séance de kinésithérapie. Daisy, elle, est occupée avec une organisation d'un quelconque bal d'hiver. Je me sens complètement abandonné. Pas de rituels dans les vestiaires, pas de banderoles pour m'encourager. Et à chacun de mes pas, mes pensées sont pour ma mère.

Son état est stationnaire. Elle arrive à manger, un petit peu. Ils l'ont quand même mis sous sonde, pour qu'elle regagne un peu de poids, et c'est étrange à voir, la première fois. Un tube énorme est dans son nez, et sa voix est devenue presque nasillarde. Pourtant, elle a l'air de bien le vivre, et c'est ce qui me surprend le plus.

Les résultats de ses examens ne sont pas encore connus. On ne sait pas, mais comme elle va mieux, on s'inquiète moins. Apparemment, le colon peut être un organe très capricieux et causer des douleurs. Sauf que je n'y crois pas, et j'ai bien compris que je ne suis pas le seul. Tous les jours, lorsque je croise le médecin qui s'occupe de maman, il m'envoie un regard triste et compatissant. Je sens qu'il se doute de quelque chose, mais qu'il n'ose pas révéler le fond de sa pensée. Si on était dans un film, je crois que je l'aurais déjà plaqué contre un mur, le menaçant d'une poigne de fer pour qu'il me crache ses secrets. Sauf qu'on est dans la réalité. Alors, à chaque fois qu'on se croise, on se fait un signe de tête et chacun poursuit son chemin.

La mi-temps sonne comme une véritable libération. Je suis parfaitement au courant que je vais me faire désintégrer dans les vestiaires, mais je n'en ai rien à faire. Au moins, je pourrais penser sans faire n'importe quoi sur le terrain.

- Hardy, je ne sais pas ce que t'as, mais t'es pas avec nous. Okay, c'est qu'un match amical, mais c'est surtout un test d'une nouvelle formation, depuis que ton pote Andrews est dans un fauteuil. Si tu veux qu'on gagne les régionales, va falloir y mettre du tien.

- Cherchez pas Monsieur, il a dû encore se faire larguer, et il se demande ce qui a déplu à la fille. T'inquiètes mec, une de perdue, dix de retrouvées.

Je souffle et je relève la tête. Ils m'observent tous. C'est normal, je suis censé être capitaine. Je n'ai jamais autant détesté ce poste qu'aujourd'hui.

- Vous avez raison, coach, je suis pas là. Alors, mettez Samuel à ma place, comme on l'avait dit. Et filez-lui mon brassard. Moi, j'en peux plus. De toute manière, je suis un bon à rien sur le terrain, j'ai raté cinq occasions de but. Collez-moi sur le banc et surtout, foutez-moi la paix.

- Sam est en défense. Un défenseur n'est pas un attaquant, réplique un autre, qui convoite le poste de Miho.

- Sam est un putain d'attaquant, qui en plus de ça, n'en fait pas des caisses comme moi, ou comme Andrews à l'époque. Il serait génial à ce poste, tout le monde le sait, même lui. Il ne reconnaîtra jamais qu'il veut jouer en attaque, parce qu'il a peur de devenir arrogant, mais je suis sûr qu'il est à mon niveau. Déjà, il fait un meilleur capitaine que moi.

Je détache mon brassard, et je l'envoie au blond à l'autre bout du vestiaire. Il me fixe avec de gros yeux et je hausse les épaules. Je n'ai pas envie de m'expliquer. C'est juste ce que je pense, à ce moment précis. Pour une fois, c'est l'étiquette d'honnête qui trône sur mon front.

- D'accord, tranche le coach. Robertson, tu prends la place d'Hardy. On va faire un essai avec toi. Et je dois déjà te dire qu'il y en a deux qui ne tarissent pas d'éloge sur ton jeu. Sois-en digne.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now