Mai - 2

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Un silence. C'est vrai que je le mets dans une situation assez complexe et paradoxale. Il est heureux en tant qu'ami et ancien joueur de foot que je sois sélectionné pour mon talent. Mais en tant que copain, cette annonce ne veut dire qu'une seule chose. On ne sera pas sur la même île l'année prochaine.

- Je sais que ça ne s'entend peut-être pas, mais je suis heureux. Je suis vraiment heureux pour toi, parce que c'est ce que tu veux depuis que tu as un ballon rond entre les pieds. Tu as suivi ton plan à la lettre.

- Mon plan, c'était que tu viennes avec moi.

Je sais que je remue le couteau dans la plaie et que présentement, je suis incroyablement égoïste. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Parce que c'est la vérité. Miho était mon pilier bien avant qu'on sorte ensemble. Et j'avais prévu d'emmener mon pilier avec moi à l'université.

- Les plans, ça change. Regarde-moi. J'ai changé. Et ça ne veut pas dire que ce n'est pas bien, au contraire. Le changement, ça a du bon.

- Être à presque quatre cents kilomètres l'un de l'autre et être séparés par une mer, tu trouves que ça a du bon ?

- Non. Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, s'il te plaît. Ça me tue autant que toi qu'on n'aille pas à la fac ensemble, comme c'était prévu depuis limite notre première année de collège. Mais ne vois pas que le côté négatif de la chose. Tu as été pris par ton premier choix. C'est exceptionnel !

- Depuis quand est-ce que tu es celui qui voit le verre à moitié plein ?

Je pourrais prononcer cette phrase avec un ton amusant, mais ce n'est pas le cas. Je suis sérieux. Que s'est-il passé pour que nous inversions les rôles ainsi ?

- Depuis que tu ne le fais plus. Ce n'est en aucun cas un reproche. C'est même totalement compréhensible, avec tout ce qui t'est tombé dessus. Mais tu as besoin de ça pour éviter de sombrer. Alors je te le rappelle, de temps en temps. Le verre n'est pas vide, Rio.

Je soupire, le cœur au bord des lèvres. Je pensais qu'avec les mois qui passaient, j'allais enfin me débarrasser de cette sensation. Parce qu'à chaque fois que Miho me dit quelque chose d'important, mon cœur croit que c'est une bonne idée de courir un marathon infernal dans ma cage thoracique. Et encore, si ça s'arrêtait là, ça irait. Mais non. Parce que ce ressenti bien spécifique en amène d'autres. L'envie qu'il soit tout proche de moi. Celle de l'embrasser parce que je ne sais plus quoi dire. Celle de me lever et de courir jusque chez lui, même s'il n'y est pas. Il n'y en a qu'une seule à laquelle je peux répondre.

- Chat orange, Miho.

Je ne sais pas s'il est encore entouré de public, mais je préfère être prudent. C'est lui qui a eu l'idée de cette déclaration qui n'y ressemble pas.

- Chat orange, Rio.

Je souris derrière mon téléphone, le cœur battant toujours à une vitesse effrénée. Il faudrait que j'arrive à arrêter de m'en formaliser. Je suis complètement et totalement amoureux de mon meilleur ami. C'est comme ça et il faut que je m'en accommode.

- J'aimerais que le bus aille plus vite, si tu savais.

- Tu es en train de rentrer ? Comment était ton rendez-vous ?

J'ignore bien consciencieusement sa remarque, parce que je me connais. Mon cerveau va se déconnecter pour se focaliser sur une seule chose : sa prochaine arrivée de notre quartier. Alors que présentement, il y a d'autres choses auxquelles penser.

- Utile. En fait, on a découvert que je menaçais de développer une escarre en dessous de ma cicatrice. C'est un truc qui arrive énormément aux personnes qui ne changent pas beaucoup de position, comme moi. Je dois donc porter une sorte de coussin sur mon fauteuil, mais ils n'en avaient pas à la pharmacie, alors je l'ai commandé et je suis rentré. Tu imagines ? Ce qu'on a fait, ça m'a évité pas mal d'ennuis. Tu vas être désigné comme surveillant officiel de mon dos !

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now