Avril - 1 / TW

298 29 239
                                    

TW : Violence physique à caractère homophobe, harcèlement scolaire à caractère homophobe


Un flash bleu.

Un autre.

Un troisième.

Je suis entouré de bleu. Je tourne la tête. Il y a du jaune aussi. Je ne vois rien d'autre, ma vue est floue. Où sont passées mes lunettes ?

Il y a ce vieil adage qui dit qu'en avril, il ne faut pas se découvrir d'un fil. Moi, je tremble de froid, alors apparemment, je ne l'ai pas écouté. Et puis, cette expression me fait penser à autre chose. La version métaphorique. En avril, ne baisse pas ta garde. Parce que n'importe quoi peut te tomber dessus. Oui. Vraiment n'importe quoi.

Ça a commencé pendant le match, fin mars. Cette sensation d'avoir quelque chose au-dessus de la tête, quelque chose d'invisible, mais de présent. Apparemment, on appelle ça une épée de Damoclès. Je ne sais pas vraiment ce que c'est, mais je ne renie pas son existence.

L'impression bizarre dans la bouche est arrivée quand j'ai posé mes yeux sur les gradins, et je n'ai pas vu ce regard ambré qui ne me lâchait pas pendant la première période. Trop concentré dans le match, je n'ai pas pu faire de signes aux deux filles également présentes. Et jusqu'à ce que le dernier coup de sifflet retentisse, que l'on soit qualifiés pour les phases finales nationales, j'ai eu ce goût bizarre dans la bouche. Aussi loin que je me souvienne, ça ressemblait à s'y méprendre à du sang.

En allant vers les vestiaires, je l'ai cherché. Mes yeux ont ratissé chaque centimètre carré d'espace afin de le trouver. Je savais qu'il devait être là. Je savais qu'il y avait un problème. Et le sang était toujours présent. Lorsque j'ai poussé la porte du vestiaire, mon cœur s'est arrêté. Pareil qu'au début d'une crise de panique. J'ai appuyé sur l'interrupteur et tout s'est éclairé. Au sens propre comme au sens figuré.

Miho n'était pas dans les gradins, parce qu'il gisait au milieu de la pièce, son fauteuil renversé et le visage tuméfié. Il se tenait les côtes et gémissait en silence. Mon sang n'avait fait qu'un tour et je m'étais précipité vers lui. Je ne savais pas s'il m'avait reconnu, mais il avait tenté de sourire. J'ai vérifié tout autour de lui, s'il y avait une mare rouge ou une plaie ouverte, autre que la lèvre coupée, les yeux au beurre noir et les arcades explosées. Je lui avais touché le visage, complètement impuissant, les autres formant un cercle près de nous.

J'ignorais totalement la question qui tournait en boucle dans ma tête, pour ne m'intéresser qu'à son état. Je suis allé chercher mon téléphone dans mon sac, et j'ai composé le numéro des urgences. J'avais décidé d'appeler ses parents plus tard, lorsqu'il serait pris en charge. J'ai tenté de lui parler, mais mes émotions ont foutu le bazar dans mes mots, et dans mes phrases. Je n'étais plus capable de former quelque chose de correct.

C'est comme ça que les questions sont apparues dans mon cerveau. Aussi lumineuses que les faisceaux d'une lampe-torche au milieu d'un tunnel noir.

Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Pourquoi ?

Qui ?

Comment ?

Quand ?

Elles s'enchaînaient à toute vitesse, sans que je puisse en attraper une. J'étais perdu, et je me suis retourné vers le coach, qui avait réussi à se frayer un chemin parmi les autres joueurs. Il a été très calme. Il a posé les questions. Et c'est comme ça que nous avons su.

Pendant la mi-temps, Miho est venu me retrouver. Juste le temps de me prendre à part, à la sortie du vestiaire. De me glisser des encouragements dans le creux de l'oreille et de m'embrasser pour me féliciter du but marqué. Je suis retourné sur le terrain avec le cœur léger. Surtout que je n'étais plus obligé de me coltiner John en attaque. Le coach avait enfin fait rentrer Samuel. Et à nous deux, nous allions enfoncer le clou de la victoire.

Ciel d'automne [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant