Mars - 3

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Je fixe la porte de ma chambre et je me rends compte que je meurs de soif. C'est sans doute à force de pleurer, je suis en train de me déshydrater. Je sors donc de mon antre le plus discrètement possible, pour ne pas réveiller maman qui s'est endormie devant la télévision. Je souris en l'apercevant ainsi, et je suis heureux qu'elle trouve un peu le sommeil. Elle en bave avec tous les effets secondaires de sa chimiothérapie, mais nous avons bientôt un premier rendez-vous avec son oncologue pour voir les évolutions sur ce premier mois. J'espère vraiment que c'est positif.

Lorsque je rentre dans la cuisine, je sursaute légèrement. Mon frère est en train de préparer le repas du soir. C'est vrai qu'il est dix-huit heures passées. Comme aujourd'hui, c'est samedi, nous ne sommes pas obligés de manger à vingt et une heures, pour attendre papa. Par contre, je ne m'étais même pas rendu compte que Paxton était là. Je suis vraiment à côté de la plaque.

- Salut, dis-je en ouvrant le frigo, à la recherche d'un quelconque sirop qui pourrait donner un goût acceptable à l'eau.

- Tu te sens mal ?

- Hein ? Pourquoi tu dis ça ?

Je me fixe dans la porte chromée du frigidaire, seul bel objet de la pièce. C'est un cadeau d'un client de papa, à qui il a fait gagner beaucoup d'argent à la banque. Il savait que notre réfrigérateur était en fin de vie. Mes parents en ont eu les larmes aux yeux. Pour en revenir à ma couleur faciale, je ne la trouve pas si différente par rapport à d'habitude. Certes, on peut facilement deviner que j'ai pleuré. Mais au vu de la température ambiante, il suffit que je décrète que j'ai chopé un rhume et je suis tranquille.

- Nan, vraiment, je ne vois pas. Qu'est-ce qu'il y a, Paxton ? Tu trouves que j'ai une sale tête ?

- Non. Tu t'adresses à moi normalement. Sans animosité. Sans sarcasmes. Je me demandais si tu n'étais pas malade.

Mes épaules s'abaissent et je le fixe. Depuis que nous avons appris pour la maladie de notre mère, et que toutes les autres merdes me sont tombées au coin de la figure, je n'ai plus la force d'en vouloir à mon frère. Je pense que pendant cette période, nous avons un peu besoin de nous resserrer les coudes. Et puis, il a l'air vraiment investi dans notre nouvelle vie de famille ; il se charge souvent d'aller chercher maman, et s'est arrangé avec la criée dans laquelle il travaille pour avoir ces moments libres. Alors, à vrai dire, je le traite comme un membre éloigné des Hardy. Je le connais, mais sans plus - par contre, j'ai plus d'estime de lui que pour Grand-Mère.

- Je suis désolé. Je... n'ai plus envie de me battre avec toi. Je suis épuisé.

- Je t'ai entendu. Cette nuit. Tu étais dehors, juste devant la fenêtre de ta chambre. Moi, je rentrais du travail.

Je blanchis, sans doute plus que je ne le suis déjà, et je manque de renverser le sirop de menthe que je me suis sorti du frigo. Je me souviens très bien de cette nuit. J'ai fait un cauchemar, où toutes mes peurs étaient réunies. J'étais à l'enterrement de maman, je venais de recevoir un message m'annonçant qu'aucune université ne voulait de moi dans leur équipe, et Miho était en couple avec ma copie conforme et il s'affichait heureux devant moi. Je me suis réveillé en sueur, les larmes sur les joues, et je suis allé déverser cette tristesse dehors, en fumant. C'était assez étrange. Je grelottais, j'étais en pyjama, et mon visage était cet assemblage de froid par les pleurs, et de chaud grâce au feu de ma clope.

- Je t'ai observé à la dérobée. Je ne voulais pas t'effrayer en venant te voir, et tu avais besoin d'être seul. Et j'avais peur de me faire remballer aussi. Parce que ça ne me concerne sans doute pas et que je suis loin d'être ton confident. Mais, tu sais... je pense que tu peux en parler à Miho. Vous êtes amis depuis des années, c'est lui qui te comprend le mieux. Il pourra t'aider, quoi qu'il se passe dans ton cœur.

Ciel d'automne [BxB]Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin