Octobre - 5

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Je ne lui laisse pas le temps de répliquer et je raccroche. Je quitte le bus en quelques secondes, et remonte une petite cote, qui me mène jusqu'à l'entrée de l'hôpital. Avec un peu de chance, Miho m'attendra dans le hall, avec ses affaires de cours.

Lorsque je passe les doubles portes, je le reconnais immédiatement, dans son uniforme noir et rouge, signe de notre appartenance à la maison de Robert Charlton, notre idole. C'est juste le meilleur joueur de foot que le Royaume-Uni ait connu, hormis un certain David Beckham. Mais lorsque l'école a été créée, il n'était pas encore né. Peut-être que dans dix ans, ou vingt ans, la maison sera renommée en son honneur. Je ne me suis jamais plongé dans l'historique de mon école, parce que ça ne m'intéresse pas trop.

— Yo ! Ça va ? Ça n'a pas été trop compliqué le réveil, ce matin ?

Je lui présente mon poing pour le saluer, comme d'habitude. Il m'offre un regard blasé, avant de le cogner rapidement.

— Tu crois que je me la coule douce ici ? Le matin, j'ai je ne sais pas combien de séances de kiné, et le psy, et plein de trucs différents. Le réveil était tout à fait normal.

— Désolé. Je voulais juste te faire rire. Je me doute que tu ne dois pas être super à l'aise à l'idée de retourner à l'école, avec tous les autres.

— Tu te doutes bien. C'est pour ça que je suis tendu comme une corde. Pour reprendre tes idées habituelles, je sens que la grosse étiquette de « diminué » va se coller sur le haut de mon crâne. Et j'aimerais bien montrer que ce n'est pas parce que je suis en fauteuil que je ne suis plus moi-même. Même si la population de Clear Lake me définit par mon statut de joueur de foot.

— Tu comptes venir avec moi, voir l'entraineur ? Je ne crois pas qu'il soit au courant pour ton accident.

Il avance en poussant ses roues. Je remarque des gants, pour ne pas se râper la paume. Ils sont noirs, discrets, et ressemblent à des gants de course. C'est assez classe, en fait.

— Non. Je ne suis pas encore prêt, j'ai peur de fondre en larme devant lui. Je ne suis pas prêt pour le regard des autres, aussi. Je pense que je vais aller bosser à la bibliothèque, le temps que tu arrives. Ils auraient préféré que je rentre à l'hôpital, mais il faut louer une ambulance pour me ramener. Et ça coûte une blinde !

Il hurle presque, pour faire comprendre au personnel qu'il est en rogne. Ça me fait rire, et je lui emboite le pas. On descend la rampe, pour atterrir sur le trottoir. Il y a une petite descente vers l'arrêt de bus que j'ai pris tout à l'heure, pour arriver. Le jeune homme n'est pas tranquille, je sens qu'il a peur de dégringoler. Déjà, quand nous étions jeunes, il était le plus trouillard de nous deux : moi, je descendais la colline en luge, et lui, il construisait un igloo.

— Tu veux que je te guide ? Parce que t'as pas l'air à l'aise.

— C'est la première fois que je sors avec, et je n'ai pris que quelques cours dans les couloirs tout droits de l'hôpital. Donc ouais, je ne suis pas à l'aise, mais c'est normal. Quoiqu'un peu d'aide, ça ne serait pas de refus. Que je ne me retrouve pas dans la descente d'une montagne russe.

J'attrape les poignets de son fauteuil, et nous descendons tranquillement. Mes baskets ripent au sol pour nous ralentir, parce que j'ai tendance à vouloir aller vite, bien malgré moi. Nous arrivons à l'arrêt en même temps que le bus, et je souris. Avant de me rendre compte que le conducteur n'a pas déroulé la rampe pour Miho.

— Excusez-moi, mais est-ce que vous pourriez mettre la rampe, s'il vous plait ? commence celui-ci, très gentiment.

— J'ai pas le temps moi, trouvez un autre moyen de monter ! Franchement, prendre le bus en pleine heure de pointe...

Ciel d'automne [BxB]Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang