Janvier - 8

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Je mange comme un lance-pierre, sous prétexte que j'ai encore des devoirs à terminer. En réalité, je suis juste pressé d'ouvrir la boîte que Rio m'a donnée. Elle a, bien sûr, surpris mes parents. Mais heureusement pour moi, ma sœur est intervenue pour me sauver la vie, en trouvant une excuse parfaite.

- Il a prêté ses chaussures à Rio, parce que les siennes étaient couvertes de boue, et le coach n'a pas spécialement apprécié. Comme ces deux-là sont de véritables siamois, ils font la même pointure. Et là, Rio vient de le lui rendre, bien emballées dans leur boîte.

- Oh, je vois.

Lorsqu'on évoque le football avec mes parents, ils réagissent toujours de cette manière. Complètement détachés. Je ne montre pas mes sentiments vis-à-vis de ce sport, et du fait que je ne peux plus le pratiquer comme avant l'accident, alors ils font de même. Je préfère m'abstenir de leur dire que je me prépare déjà à aller dans une faculté de seconde zone afin d'éviter un lourd prêt à rembourser. J'ai beau travailler d'arrache-pied, je sens que la bourse au mérite va me passer sous le nez. Heureusement que lorsque nous nous sommes inscrits pour les universités, en décembre avec notre professeur référent, il nous a conseillé de sélectionner de nombreux vœux, même ceux qu'on ne voulait pas du tout. Alors, pour l'instant, je ne dis rien. Je ne montre rien. Et je souffre tout seul dans mon coin.

La dernière fois que Rio est venu, je lui ai demandé de décrocher tous les posters que j'avais représentant mon rêve. C'étaient des couteaux qui remuaient une blessure encore béante, qui se trouve dans mon dos. Ça n'a pas été facile à l'observer, et j'ai sollicité Abigail pour qu'elle m'aide. Mais je l'ai vue, dans un miroir. La plaie. Là où est rentré le bout de verre qui m'a privé de l'usage de mes jambes, et de toute sensibilité dans les membres inférieurs. J'ai appuyé dessus comme un malade, comme pour me punir. J'ai manqué de la griffer, mais je ne voulais pas faire peur à ma petite sœur. Presque personne ne se doute de mon état moral, mis à part Rio. Je n'ai pas envie d'inquiéter les personnes que j'aime.

Je dépose la boîte sur le lit, avant de me déplacer à mon tour. Je l'ouvre avec précaution, juste à côté de ma lampe de chevet. J'adore cette ambiance feutrée, ça donne des allures de coffre aux trésors à cette boîte à chaussures lambda.

Un gros post-it orange est collé sur la partie supérieure. Je lis d'abord celui-ci, avant de m'attaquer à tous les autres.

Comme tu n'arrêtes pas de douter de toi, et de l'effet que tu fais aux personnes qui t'entourent, je me suis dit qu'il serait bien de te le rappeler. Dès que tu te sens mal, que tu ne te croies pas méritant ou en dessous de tout, pioche un papier. Ça te remémorera pourquoi je t'aime.

Mon cœur rate un battement et j'attrape l'une des petites feuilles. Un cœur a été dessiné. Sur la seconde, ce sont des mots.

Ton sourire est comme un coucher de soleil. Éphémère, mais à couper le souffle.

Un second vante la douceur de mes cheveux. Sur un autre, ce sont deux cœurs enlacés. Une petite flèche désigne le toi, le second le moi. Le suivant est une sorte de poème sur le cœur orange. Le dernier que je pioche dit ce putain de chat est vivant !

Je caresse la boîte du bout des doigts. C'est nous. Tout ça, c'est ce qui nous représente. Le cœur orange. Le chat de Schrödinger. Notre complémentarité. Ce sont toutes les raisons qui font qu'il m'aime. C'est l'un des plus beaux cadeaux qu'il m'a offerts. Alors, attrapant mon téléphone, je tape un simple smiley.

> 🧡

Ensuite, je m'allonge, la boîte à mes pieds. Je repense à Caroline. Je l'ai oubliée pendant le repas, mais elle revient avec la force d'un coup de poing. Peut-être parce qu'on parle des sentiments de Rio, et que j'ai encore beaucoup de mal à croire que ceux-ci sont dirigés vers moi, et non plus vers la blonde. Il faut que je sache si je dois me méfier d'elle. Il faut que j'aille m'en assurer de mes propres yeux. J'ai déjà préparé mon mensonge dans ma tête. Je me rends compte que c'est moche. Mais j'ai besoin de ça. J'ai besoin de savoir.

Ciel d'automne [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant