Juin - 2

187 29 51
                                    

Je souris en relisant le nom du journaliste. On a tous été surpris en l'entendant la première fois, et on s'est empressé de lui demander s'il était lié d'une quelconque manière que ce soit à Daisy, qui porte le même nom de famille. On a presque été déçu que ça ne soit pas le cas.

- Alors ? La retranscription est bonne ? Ils n'ont rien oublié ? demande mon père, en nouant sa cravate pour son premier travail.

J'ai l'impression que notre relation s'apparente à un courant d'air. Je sais que je suis plus proche de maman que de lui, et qu'il passe son temps à travailler, mais tout de même. C'est grâce à lui et à tous les sacrifices qu'il fait que notre maison tient encore debout et que nous pouvons payer les factures tous les mois. Il doit dormir trois heures par nuit, n'a pas son samedi ni son dimanche matin et il ne se plaint jamais. Mon père est un de ces braves dont le journaliste parle. Un super-héros sans cape, qui se fait discret, mais qui se tue à la tâche. Si un jour, j'ai la chance de devenir célèbre, la première chose que je ferais, c'est mettre mes parents à l'abri. Pour qu'ils puissent se reposer. Que mon père se remette au bricolage, et que maman jardine toutes les fleurs qu'elle souhaite.

- Oui, tout est bon. L'article fait un peu sensationnel, mais c'est ce qu'on recherchait de toute manière. J'aime bien le fait qu'il ait joué avec le nom de Clear Lake pour se moquer de lui. Et je ne connaissais pas cette expression, avec la boue.

- Peux-tu le laisser en évidence sur l'un des comptoirs de la cuisine ? Je le lirais ce soir en rentrant. J'ai pris ma nuit de congé, pour mon travail de veilleur de nuit. Je veux la passer avec vous. Est-ce que tu aimerais que nous regardions Forest Gump tous ensemble ?

J'écarquille les yeux, assez surpris de cette proposition. Habituellement, Papa n'a pas le temps de se poser devant la télévision, encore moins pour un film aussi long que Forest Gump.

- Que se passe-t-il ?

- Ta mère se fait opérer la semaine prochaine, et tu viens de traverser une passe vraiment difficile. J'ai l'impression que nous n'avons jamais le temps d'être en famille. Nous mangeons comme des lance-pierres parce que tu révises pour tes examens ou tu téléphones, Amelia est fatiguée et je dois toujours repartir pour mon travail de nuit. Alors j'ai décidé que ce soir, ça ne serait pas le cas.

- Alors, invite Paxton. Il se sent exclu de notre famille. Je sais que je ne suis pas le mieux placé pour parler, parce qu'il n'y a pas si longtemps, je l'envoyais bouler dès que je le pouvais. Mais il fait des efforts, il a compris qu'il devait changer, et il essaie de se faire pardonner. Il a le droit de regarder Forest Gump avec nous. Et on pourra vous faire des hamburgers maison, peut-être même avec du poisson. Et on pourrait avoir Rory avec nous ? Je l'aime vraiment beaucoup aussi, et ça ne m'étonnerait pas qu'elle reste un moment dans cette famille.

Je ne sais pas trop ce que mon frère a dit à nos parents, concernant ses idées de mariage, alors je ne préfère pas en dévoiler plus.

- D'accord. Peux-tu te charger de l'appeler avant d'aller en cours ? Je pense qu'il vient de rentrer de son travail, et je suis presque en retard pour le mien.

Je hoche la tête, et papa se rapproche de moi, pour me glisser un baiser sur le sommet du crâne. Je crois que mes parents se sont donné le mot. Ils savent que j'adore particulièrement lorsqu'ils font ce genre de chose. Même si j'ai dix-huit ans, que je vais bientôt quitter la maison pour aller à l'université, je suis encore leur enfant, leur petit dernier. Et ça fait du bien de se sentir uniquement comme un enfant, après toutes mes aventures.

Le coup de téléphone à Paxton est très rapide. J'entends à sa voix qu'il est crevé, mais j'espère qu'il sait ce qu'il accepte. D'après son planning, épinglé sur le frigo, aujourd'hui, il travaille en fin d'après-midi, jusqu'à vingt heures environ. Je commencerais la préparation du repas seul, pour le laisser se reposer un peu et tout sera prêt quand papa rentrera à vingt et une heures. Maman va être ravie. Même si elle ne dit rien et qu'elle est toujours souriante, je sais qu'elle est particulièrement triste lorsqu'on quitte la table comme des coups de vent le soir. Je la retrouve parfois, alors que je vais boire un coup et faire la vaisselle, après mes révisions, en train de boire une camomille, toute seule. La plupart du temps, je la rejoins, et nous discutons de la journée. C'est le seul moment où nous nous arrêtons réellement.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now