Mars - 1

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Le mois de mars est un mois important pour les sportifs de Clear Lake. Parce que c'est celui qui est consacré aux universités. Les recruteurs viennent voir les équipes pour dénicher les futures stars qui ont postulé dans leurs écoles. Les tuteurs sont engagés pour aider ceux dont les notes ne sont pas encore suffisantes pour être en phase avec les demandes des candidatures.

Alors moi, je m'entraîne comme ce n'est pas pensable. Aux yeux extérieurs, c'est parce que je souhaite rentrer dans la meilleure fac possible grâce à une bourse sportive. En vérité, c'est pour oublier que mon cœur est en morceaux et que Miho ne veut même plus m'adresser la parole. Le lundi après la rupture, je me suis retrouvé face à une porte close. Et j'entends encore le silence dans ma tête, et dans ma poitrine.

Donc, quand je ne cours pas après un ballon au risque de me faire mal aux chevilles ou aux cuisses, je végète chez moi. Je suis sur mon lit, à regarder le plafond. Parfois, je baisse le chauffage et lorsque la pièce est froide, j'ouvre la fenêtre pour fumer. Mais même placer une cigarette à la bouche me fait penser à lui. Mes poumons me remercient, mon cerveau, habitué à ce que je lui envoie un peu de nicotine, nettement moins. Peut-être que ça aura raison du début d'addiction que je suis en train de développer.

Il y en a une qui est contente que je fume moins, c'est Caroline. Depuis la scène au terrain de football du quartier, nous sommes plus ou moins ensemble. Je vais la retrouver après les cours lorsqu'elle travaille à la boutique de fleurs, et je la raccompagne chez elle. La plupart du temps, nous passons des dizaines de minutes à discuter. Comme deux amis qui ne se seraient pas vus depuis des lustres, et non comme deux amoureux. Elle me raconte le Canada, le divorce de ses parents, son harcèlement sur les réseaux sociaux à cause d'une simple photo qu'elle a postée, le choix de ne pas retourner dans le système scolaire de base, et de se diriger vers un apprentissage dans l'artisanat, et la rencontre avec moi, mais en fille. Je peux bien sentir qu'elle ne l'aime plus, mais elle aura toujours une place importante dans son cœur, c'est certain.

Aujourd'hui, Caroline n'est pas disponible. Elle doit travailler pour un examen sur les fleurs exotiques, dans son centre de formation, qui comptera pour sa note finale, et son diplôme de fleuriste. Si bien que je suis allongé sur mon lit, et que je fais défiler l'écran de mon téléphone portable, pour suivre la vie trépidante des autres. Je m'arrête souvent sur les photographies de Miho. Son truc, en ce moment, c'est de prendre les couchers de soleil, lorsque le ciel se teinte d'orange. Je trouve ça incroyablement cruel de me balancer notre couleur en pleine face - parce qu'il sait que je le suis toujours, et que je vois ses clichés. Mais à chaque fois que j'en aperçois une, je me plonge dedans, et j'imagine le visage du croate. Si bien que lorsqu'on toque à ma porte, je sursaute comme quelqu'un prit en flagrant délit.

- Rio, il y a quelqu'un pour toi. Je l'ai fait entrer.

Je me relève difficilement de ma place et je vais ouvrir. Si maman ne me donne pas l'identité de cette personne en question, c'est qu'elle est en rapport avec ce qui m'arrive en ce moment. Ce n'est pas Miho, parce que j'aurais entendu son déplacement. De ce fait, il n'y a qu'une seule réponse à cette question. Une belle blonde aux cheveux coupés en carrés et aux iris brouillés comme la palette d'un peintre fasciné par le bleu. Quelle n'est donc pas ma surprise de trouver en effet une femme derrière ma porte, mais plus brune qu'autre chose, aux yeux ambrés.

Abigail.

Ça ne veut dire qu'une seule chose. Elle a été envoyée ici pour me rendre mes affaires, que j'aurais pu laisser chez les Andrews. À commencer par ma boîte pleine de petits mots, qu'elle tient de ses deux mains - ce qui explique le fait que maman ait joué à la portière. J'ai envie de pleurer, mais je ravale mes larmes pour que ma mère ne soit pas mise au courant. Ça fait deux semaines, et je suis aussi muet qu'une tombe à ce sujet. Dès qu'elle me demande des nouvelles de mon petit-ami, je change de sujet, et je m'inquiète pour elle. Je l'interroge sur ses séances, si elle a d'autres copines de chimio et si ses cheveux tombent. Elle n'est pas dupe, mais respectueuse. Elle attend le moment où je viendrais me coucher contre elle et où je viderais mon sac. Que je devrais être heureux, mais que je n'y arrive pas le moins du monde. Que je sors avec une fille magnifique, adorable, qui me fait rire, mais que mes pensées sont accaparées par un beau brun au sourire ravageur, qui me connaît sur le bout des doigts.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now