Janvier - 13

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Elle nous sourit, et reprend son écriture. C'est assez étrange de l'observer en train de travailler sur une feuille. Même si je sais que Daisy est une très bonne élève, je l'ai toujours représentée sur un terrain de football, avec sa queue rose, son chouchou bleu, ou entourée de ses amis. Là, elle a l'air de se donner à trois cents pour cent.

- Pour quoi fournis-tu autant d'efforts ? commence Rio, désormais assis avec moi, et jouant avec mes doigts.

C'est la première fois qu'il est si tactile en présence de quelqu'un d'autre. Même si cette personne en question est Daisy, je ne vais surtout pas m'en plaindre. J'en profite, surtout après le mini fiasco de tout à l'heure, avec les baisers.

- Une lettre. En fait, avec ma classe de français, on participe à un concours d'écriture. Le premier prix, c'est un voyage d'un mois à Paris pour trois d'entre nous. Valentin et Eliot sont dans le lot, donc je suis certaine qu'ils auront les premières places. Mais il reste la troisième et... j'ai vraiment envie d'aller avec eux. Notre petit trio, à Paris, ça serait géant.

Elle mordille le bout de son crayon de papier et continue sur sa lancée.

- J'en ai beaucoup discuté avec le blond, et en fait... j'écris une lettre d'amour pour Callahan. Je suis sûre de mes sentiments, mais à cause de ce qui s'est passé avec Sam, je n'ose plus le voir. J'évite tous ses appels, et je laisse ses messages sans réponses. Je lui ai donc promis que si je gagnais, je lui lirais cette lettre. Pour l'anglais, ça vient tout seul, mais le français... je galère à trouver les bons mots, ce qui représente totalement mes émotions, et non leur version simple que je connais. Pour le coup, je souhaiterais vraiment que la téléportation existe et je ramènerais illico presto mes deux dictionnaires sur pattes personnels. Même si je m'adresse au frère de l'un d'entre eux.

- On peut lire l'anglais ?

- Oui. Avec joie. Juste, ne vous moquez pas, j'ai pris l'image la plus facile du monde.

Nous posons nos yeux sur la magnifique écriture de notre amie en même temps. Et en effet, sa métaphore est un peu simple ; elle parle de bouquet, alors qu'elle s'adresse à un fleuriste. Personnellement, je trouve ça très beau. Elle commence par décrire les premiers pétales, les premiers émois. Les quelques rendez-vous qu'ils ont partagés. Le cœur brillant, qui représente le bal. Sa peur de faire flétrir le bouquet. Et finalement, la pâquerette, au plein milieu de toutes les roses et autres bégonias. La pâquerette toute simple qui est, sans le vouloir, la toute première fleur qu'elle a reçue d'un membre de sa famille. La pâquerette, qui la représente elle, et son amour. Elle est au centre, parce que d'après elle, c'est sa place.

- C'est magnifique ! Et dire que moi, je lui ai offert des Post-its orange pour lui dire que je l'aimais... commente Rio, en me désignant du pouce.

De mieux en mieux. Voilà qui révèle même ses sentiments, sans se cacher, et sans la moindre trace de peur dans sa voix. Daisy me fixe, tout en délaissant son stylo. Ses iris bruns s'écarquillent comme des billes, et elle ne me lâche pas des yeux.

- Quoi ? Rio, tu peux répéter ?

- Que ta lettre est de toute beauté, ou que j'entretiens des sentiments amoureux forts pour la personne qui est à moins d'un mètre de moi ?

- Franchement... les deux.

Le roux dépose une main sur sa poitrine, la feuille dans l'autre. Il prend une pose de théâtre, et je me prépare déjà à rire.

- Oh, ma douce Daisy, je dois te dire que j'ai été très ému par cet habile assemblage de mots. Nous pouvons ressentir avec une parfaite justesse tous les sentiments que tu nourris pour le dénommé Callahan Tanaka, vendeur de fleurs dans la meilleure boutique de tout Belfast. Bien que légèrement téléphonée, la métaphore du bouquet a été finement utilisée afin d'arriver à tes fins. Avec mes qualités de grand littéraire, je trouve cela tout à fait merveilleux. Je te souhaite toute la réussite possible dans tes deux projets : te déclarer à l'être aimé, et t'envoler vers le pays des... baguettes et autres croissants. Désolé, je coince sur la fin.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now