Ciel d'automne [BxB]

Décembre - 1

Je n'ai jamais aimé ce mois de l'année. Premièrement, c'est le dernier. Il est à la traîne derrière tous les autres, et je n'apprécie pas les traînards. Deuxièmement, c'est le plus froid. C'est là que l'hiver tombe, amenant avec lui une chose que j'exècre. Donc, troisièmement, il y a la neige. Et elle, c'est mon ennemie.

Lorsque j'étais petit, j'étais un vrai fan de cette matière blanche et duveteuse qui craque sous les pieds, qui fait crounch quand on marche dessus. J'aimais la sensation de gel sur les doigts dans le temps où on faisait des batailles de boules de neige. Avec Paxton, on avait même construit une famille entière de bonhomme, aidés par les enfants Andrews. Oui, la neige est pleine de bons souvenirs. Jusqu'à mes quinze ans et cette chute.

Avec Miho, nous voulions tenter quelque chose ; jouer au foot sur une surface gelée. Je m'étais dit, avec mon cerveau de moule, que ça allait ressembler à la pluie. Et la pluie, ça m'a toujours fait rire, surtout sur un terrain. J'ai marqué de magnifiques buts avec des glissades.

Sauf que ce qu'on n'avait pas prévu, c'était le verglas. Il avait recouvert toute la surface de notre terrain. On n'avait pas peur, parce qu'on avait nos crampons, et qu'on était sûrs que ça allait tenir. Mais non. En voulant tirer dans les cages, j'ai glissé de tout mon long et je me suis rétamé sur le coccyx. J'ai dû m'arrêter pendant trois semaines, et mes petits camarades se sont foutus de moi pendant plus de quatre mois. À partir de ce moment-là, j'ai décrété que je détestais la neige.

Comme si le passage à décembre n'était pas suffisant, il faut que je sois enfermé dans une voiture avec mon frère et mes parents - mais je n'ai jamais rien dit sur leur présence - roulant en direction de chez ma grand-mère. Paxton exulte parce qu'elle l'a toujours adoré. Il fait un métier manuel, comme feu grand-père et il perpétue la tradition familiale. Je ne vois pas ce que la pêche et l'ébénisterie ont avoir l'un avec l'autre, mais soit.

Au contraire, son estime de moi est proche du zéro. Je ne pense pas à mon avenir, je ne fais que jouer au foot. Mais non grand-mère, ce n'est pas vrai. Figure-toi que comme on n'est pas riche à milliers comme toi, le sport, c'est la seule solution que j'ai pour aller faire des études à la fac sans commencer ma vie d'adulte avec un crédit astronomique à rembourser. Mais ça, bien entendu, elle ne l'a jamais compris. C'est trop pour sa petite tête.

Il y a également quelque chose que je ne supporte pas avec Grand-mère, c'est son mépris envers maman. Elle n'accepte pas que mon père l'ait épousée, parce qu'elle avait prévu quelqu'un d'autre pour lui, son fils unique. Il faut s'en rendre compte, tout de même : ma mère ose travailler. Elle ne sait donc pas que le rôle de la femme, c'est d'être à la maison pour prendre soin de ses enfants, de son petit mari et de la cuisine ? Sauf que premièrement, ma mère adore son job, parce qu'elle se sent utile et qu'elle aide les gens. Et deuxièmement, on ne pourrait pas vivre sans son salaire. Mon père bosse peut-être dans une banque, mais il est payé des clopinettes. La crise, d'après eux. Personne n'y croit, mais malheureusement, les postes comme celui qu'il occupe ne courent pas les rues. Donc il reste là, et il accepte tout sans broncher. Au début, je ne comprenais pas comment il faisait. Mais après, j'ai saisi. Si papa monte au créneau pour râler, on peut dire au revoir à notre maison.

La seule fois où j'ai reçu l'approbation de grand-mère, c'est quand j'ai bossé pendant un été dans un magasin alimentaire. Je ramenais de l'argent sur le compte familial au lieu de taper bêtement dans un ballon. C'est pour cette raison que l'année suivante, j'ai pris un malin plaisir à dépenser ce qu'elle m'avait donné pour mon anniversaire dans un camp de foot. Je crois que je n'ai jamais autant apprécié la grimace qu'elle m'a offerte ce jour-là.

Je sens mon téléphone vibrer dans ma poche, ce qui me coupe de mes pensées et de mon observation de la route. Comme d'habitude, je découvre le prénom de Miho et je souris. Il est toujours là quand j'ai besoin de lui.