Mai - 1

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Tout comme au mois d'avril, il existe un adage sur celui de mai. Fais ce qu'il te plaît. Lorsque j'y pense, je ris jaune. J'aimerais. J'aimerais tellement faire ce qui me plaît. Courir, me mettre debout, marquer des buts, marcher à côté de mon petit ami, l'embrasser sans que ça soit compliqué - pour des raisons techniques comme sociales. Arrêter d'avoir peur devant mon ordinateur.

Comme nous en avions discuté avec Paxton, il m'a aidé à écrire le mail pour le recruteur de l'université de Durham. Je l'ai sous les yeux, et je ne peux pas m'empêcher de le relire, sans doute pour me calmer.

Cher Monsieur,

Je m'excuse de mon temps de réponse à votre incroyable proposition. Habituellement, je suis très impliqué dans tout ce qui touche de près ou de loin au football. Mais j'ai eu un contretemps assez conséquent.

Au cours du mois d'avril, j'ai été passé à tabac par un de mes camarades de classe. Je ne l'avais pas cherché ni provoqué. Il a simplement appris, alors je faisais très attention à ce que cela reste secret, que je suis bisexuel et en relation avec un autre garçon, qui jouait également dans notre équipe jusqu'à l'année dernière. Il n'a pas accepté que son coéquipier, son capitaine soit un déviant, ne rentre pas dans les bonnes cases de la société.

Outre le traumatisme psychologique et social - puisque toute l'école a été mise au courant -, il a frappé mes pieds en tout état de cause. J'ai deux fractures aux métatarses et pour l'instant, je ne peux pas marcher. Ainsi, si vous acceptez, malgré tout cela, de me voir en entretien en visioconférence, vous apercevrez le fauteuil roulant que je suis obligé d'utiliser pour me déplacer. Je devrais être libéré de mon plâtre dans trois semaines, et je commencerais à réapprendre à marcher correctement.

Je ne vous écris pas ce mail pour vous mentir. Je vais être honnête avec vous, même si cela me coûte ma place. Le chirurgien qui m'a opéré m'a annoncé que je ne pourrais peut-être pas rejouer comme avant au football. Ce n'est pas une possibilité pour moi, et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça n'arrive pas. Mais je ne suis pas devin, et je préfère vous prévenir de cette éventualité.

Voilà la raison de mon silence. Je ne voulais rien vous dire et laisser me passer sous le nez l'opportunité que vous m'offrez - si vous me permettez l'expression. Au moins, avec ce mail, j'aurais mis toutes les chances de mon côté. Je vous prie, à nouveau, de m'excuser pour mon retard.

Respectueusement,

Ricky Orson Hardy.

Paxton m'a relu et m'a donné son feu vert pour l'envoi. Et depuis, j'attends une réponse. Nous sommes le trois mai aujourd'hui, la date butoir, et dès que je suis rentré de l'école, je me suis mis devant mon ordinateur. En réactivant internet sur mon téléphone, j'espérais vraiment que la petite icône de l'enveloppe allait s'afficher dans mon centre de notification. Mais non.

J'aimerais que Miho soit là pour me soutenir et m'empêcher de paniquer. Je sais que ce n'est pas un médicament, mais j'ai l'impression que depuis que je ne suis plus aussi optimiste, il a repris le flambeau. C'est lui, le verre à moitié plein. J'ai besoin de ses encouragements, de son sourire lumineux et merveilleux et de la pression de sa main contre la mienne. Mais malheureusement, il est en rendez-vous chez le médecin.

Je ne devrais pas être triste, puisque c'est moi qui l'ai sommé d'aller consulter, pour son étrange blessure dans le dos. Il a supplié à ses parents d'y aller seul, parce que c'est un grand garçon. Il ne souhaite surtout pas expliquer comment j'ai pu me rendre compte qu'il y avait quelque chose de bizarre dans son dos. Et surtout en quelle circonstance.

Me remémorer ce qui s'est passé cette après-midi-là me donne effroyablement chaud. Je ne me pensais pas capable de telles choses, mais les images dans ma tête sont très nettes. J'étais parfaitement conscient de chacun de mes gestes, de chacune des expressions faciales de Miho, de la douceur de sa peau sous mes doigts et de la manière incroyablement sexy qu'il avait de pincer les lèvres pour éviter de faire du bruit. Ces moments n'appartiennent qu'à nous, et je comprends totalement qu'il ne veuille pas les partager avec ses parents. Le médecin suffit.

Ciel d'automne [BxB]Where stories live. Discover now