Ciel d'automne [BxB]

Juillet - 6

- D'après le GPS, nous arrivons dans la ville de Durham dans dix minutes. Préparez-vous les garçons, nous prévient mon frère.

Avec Miho, nous relevons la tête, abandonnant notre jeu sur nos téléphones. Nous nous focalisons sur les fenêtres, et sur le paysage qui défile. La ville est bien plus petite que Belfast, mais comme il s'agit de ma nouvelle maison, j'ai décidé que je n'y verrais que les points positifs. Quand je faisais mes recherches sur internet, j'ai remarqué que son architecture était assez vieille, comme son château. D'ailleurs, une partie de l'université se trouve dedans, et c'est tout à fait génial. Paxton a déjà prévu de nous faire visiter la cathédrale, qui est également un lieu remarquable. Et bien entendu, nous irons fureter dans notre futur dortoir.

- Je suis excité comme une puce. Je pourrais presque en bondir sur mon fauteuil, déclare Miho en me souriant.

- Je vous comprends, tous les deux. J'ai ressenti la même chose la première fois que j'ai pris la mer, continue Rory, en se tournant vers nous.

Sans que je ne contrôle rien, un pincement vient piquer mon cœur. Bien évidemment, je pense à Paxton. Qu'y avait-il dans sa tête lorsqu'il nous a quittés pour aller voguer sur les océans du monde ? Pensait-il à moi, au fait qu'il m'avait laissé tout seul ?

- Tu avais quel âge ? répond Miho, remarquant très bien que je suis perdu dans le remous de ma tête.

- Douze ans ! C'était l'un des plus beaux jours de ma vie d'ailleurs. Je soûlais mon père pour qu'il m'amène sur le bateau de son ami pêcheur, parce qu'il n'arrêtait pas de m'en parler. Il a travaillé à la criée, tu vois, et il était très en contact avec ce milieu. Quand je suis montée sur le bateau de son ami, je suis tombée amoureuse de la mer. Je n'ai plus jamais eu envie de la quitter. J'ai été jusqu'au GCSE, et je me suis engagée sur le premier bateau de pêche venu. Lorsque j'ai rencontré Paxton, c'était déjà mon second équipage.

- Oh, wow. C'était un vrai coup de foudre.

- Oui, absolument !

Miho sourit de toutes ses dents, avant de répondre.

- Je peux totalement comprendre. J'ai ressenti la même chose pour le football.

Je sursaute presque en entendant la réplique. Même s'il peut y jouer avec son fauteuil, il ne retrouvera sans doute jamais les sensations qu'il avait lorsqu'il l'a découvert. J'ai toujours peur d'évoquer ce genre de sujet avec lui, parce que je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie. Parfois, je me demande ce qu'il pense lorsqu'il est dans les gradins et qu'il me regarde jouer sans lui.

- Je ne voulais plus jamais quitter le ballon rond. J'avais quoi, quatre ans quand j'ai commencé ? J'y jouais occasionnellement dans notre jardin, parfois au stade. C'est d'ailleurs là qu'on s'est rencontrés avec Rio, avant de devenir amis en classe. Et un jour, alors que j'étais dans la cour, les profs ont remarqué mon style et m'ont demandé de rentrer dans l'équipe de l'école. C'est là que j'ai appris que ce sport est appelé collectif pour une bonne raison. J'adorais faire des dribbles, shooter dans le but tout seul ou avec ma sœur en tant que gardienne. Mais jouer avec les autres... je pense que c'est à ce moment précis que je suis tombé amoureux du sport.

Je partage la même histoire que lui. On a développé notre rêve en même temps, d'abord en tant que rivaux puis comme coéquipiers. C'était sur le terrain que notre amitié était la plus éclatante.

- La rupture a été très douloureuse. D'ailleurs, c'est la première fois que j'en reparle depuis mon accident. Parce que parfois, je me demande si je m'en remettrais un jour. Si un jour, j'arrêterais de pleurer en revoyant mon ancien t-shirt. Si un jour, je pourrais à nouveau avoir des posters dans ma chambre, admirer de grands joueurs, sans mourir d'envie d'être à leur place. Je sais que j'ai cette chance énorme de pouvoir un jour remarcher, et peut-être même avoir à nouveau un ballon rond entre les pieds. Mais... il y a cette partie en moi qui a dû mourir, et je ne sais pas comment m'en débarrasser.